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DUEL
Paris, le 12 juillet 2016

Duel Street Twin Vs V9 Roamer : deux grands classiques s'affrontent

Duel Street Twin Vs V9 Roamer : deux grands classiques s'affrontent

Triumph et Moto Guzzi révisent leurs motos classiques en 2016, mais différemment : la V9 Roamer joue une partition traditionnelle quand la Bonneville - devenue Street Twin - entame un inédit concerto, rétro sur la forme et un peu moins sur le fond. Duel.

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Dynamique : la néo Street laisse la V9 dans le rétro

Le guidon, justement, parlons-en : celui de la V9 Roamer est très large (86 cm mesurés contre 76,5 cm pour la Street Twin) et son cintre façon "cornes de vache" évoque un custom. Sensation renforcée au contact des repose-pieds assez bas et avancés, le tout engendrant une posture sur l'arrière moyennement naturelle en présence d'une selle plate et d'un réservoir étroit.

Moins "classique" que sur la gamme V7, cette position déroutante rappelle que Moto Guzzi aime mélanger les genres et marier les spécificités rétro, custom et roadster. Avec beaucoup d'inventivité et de talent dans la plupart des cas... Mais pas sur la V9 Roamer, pénalisée par des détails ergonomiques rédhibitoires.

Principal problème : les genoux - ou le haut des tibias, selon la taille - viennent heurter les culasses, obligeant à se reculer pour éviter ce contact désagréable. Sauf qu'à trop se porter vers l'arrière, un pilote au format "standard" (1,75 m, pointure 42/43) finit par avoir du mal à actionner naturellement le sélecteur et par souffrir de la tension infligée à ses bras.

Moto Guzzi est parfaitement conscient de ce souci, puisque des "amortisseurs" - sous forme de patins en plastique noir - sont installés à l'arrière des culasses, pile à l'endroit où les genoux butent. Les mollets ne sont guère mieux lotis dans la mesure où ils frottent sur les carters métalliques posés à l'extérieur des conduits d'admission...

L'ergot de la béquille fixé beaucoup trop en arrière est un autre exemple d'une ergonomie générale discutable, tout comme la commande de coupe-circuit peu intuitive car confiée à deux boutons distincts : en haut pour mettre sous tension ou couper l'allumage, en bas pour lancer le moteur. Un classique "basculeur", comme celui de la Triumph, remplit bien plus simplement cette fonction...

Sur la Street Twin, toutes les commandes tombent parfaitement sous les mains et les pieds. Encore plus menue et basse que la V9 (750 mm de hauteur de selle contre 785 pour la Guzzi), la Triumph est d'une d'accessibilité confondante. Au point de s'interroger : on est vraiment sur une moto rétro ? La position assez droite du guidon ainsi que les repose-pieds légèrement relevés et reculés évoquent plutôt un roadster moderne !

La transformation par rapport à l'ancienne Bonneville est radicale, tournant le dos à toutes les petites "bizarreries" reprochées aux motos classiques (ou appréciées, justement, selon les goûts). Seule excentricité : sa mignonne commande de feux de détresse fonctionne à l'envers : l'interrupteur triangulaire ressort du commodo droit quand les warning sont activés. La touche d'humour britannique ?

Evidente à prendre en mains, l'anglaise le reste une fois lancée : son nouvel embrayage en bain d'huile est d'une douceur exquise, son accélérateur offre un répondant précis - à défaut d'être hyper doux - et sa sélection n'appelle aucune critique particulière pour le genre. Le passage des rapports reste dans l'absolu encore assez lent et ferme, mais sans commune mesure avec la "Bonnie" précédente... ni la Moto Guzzi !

Sonore, la sélection de la V9 Roamer a certes progressé par rapport aux V7 mais elle reste typée "Guzzi" : les six vitesses (cinq sur la Street Twin) passent de manière fluide à condition de bien décomposer, tandis que l'embrayage monodisque à sec laisse échapper son claquement caractéristique au lâcher du levier gauche.

Ses commandes des gaz et d'embrayage sont plus "rugueuses", l'inertie et les vibrations mécaniques plus importantes : pas de doute, on est bien sûr une moto de Mandello del Lario, l'habituel couple de renversement la faisant joyeusement tanguer de droite à gauche au moindre coup de gaz à l'arrêt !

Sur la Street Twin, hormis quelques vibrations à partir de 110 km/h et une tendance à chauffer la cuisse droite (la V9 chauffe les genoux, proximité des cylindres oblige !), aucun particularisme ne trahit son origine ou son genre : la Triumph est d'une docilité extrême, y compris lors de la mise sur l'angle. Une vraie moto-école !

La moto-école des rétros !

Si la direction de la Street Twin n'engageait pas un tantinet sous les 30 km/h en raison de son pneu avant en 18", on oublierait totalement qu'elle appartient à la catégorie classique ! La Moto Guzzi ne possède pas cette intuitivité, malgré une maniabilité prometteuse à l'arrêt : déplacer l'italienne moteur coupé est en effet une formalité grâce à son centre de gravité situé plus bas.

A cette qualité s'ajoute son diamètre de braquage ultra-court, dont il est plus facile de profiter - à l'arrêt - grâce à son guidon large : avec 4,93 m mesurés pour faire demi-tour, la Guzzi se joue des espaces étroits ! Reste que si la Triumph lui concède dix centimètres (5,03 m), les séances de gymkhana urbain sont plus simples à son guidon malgré un poids similaire : 199 kg à sec contre 198 pour la Guzzi.

Pénalisée par sa roue avant en 19 pouces, la V9 Roamer n'a ni l'évidence, ni la précision de la Street Twin pour virer. L'ergonomie "particulière" de l'italienne n'aide pas à la balancer d'une pichenette, tout comme ses cotes châssis flirtant avec des valeurs custom - notamment son angle de chasse de 26°4 contre 25,1° sur la Street Twin dont le train avant s'est fermé de 3° par rapport à l'ancienne (28°)...

Mais c'est surtout au niveau de la stabilité et des suspensions que l'écart se creuse entre les deux rivales. Bien dirigé par une fourche correctement réglée, le train avant de la Triumph est pour sa part rivé au sol : ses réactions sont prévisibles et saines, donc rassurantes. Le progrès par rapport à l'ancienne "Bonnie" est stupéfiant !

Quelques mouvements finissent par apparaître à l'arrière sur de fortes contraintes, mettant alors à mal le compromis orienté vers le confort des combinés amortisseurs. Mais cette réaction uniquement sensible à bon rythme n'a rien d'inquiétant : la Street Twin conserve son cap grâce à un châssis tubulaire en acier mariant efficacement rigidité et flexibilité.

Sur la Moto Guzzi, la chanson n'est pas la même : le train avant manque cruellement de stabilité et le phénomène ne s'arrange pas en se reculant sur la selle pour éviter de cogner ses genoux dans les culasses ! Outre cette direction "légère", la V9 Roamer pâtit de suspensions à la cohésion perfectible : la fourche plonge exagérément faute de retenue adéquate et les combinés arrière sont raides.

Lors de notre courte première prise de contact avec la Roamer et la Bobber à Mandello (30 km avec chacune !), l'itinéraire emprunté ne comportait que du bitume lisse : dans ces conditions, la mollesse de la fourche et le manque d'absorption des amortisseurs au débattement riquiqui (85 mm contre 120 sur la Triumph) n'étaient pas apparus trop gênants.

Sur des petites routes étroites et moins bien entretenues en revanche, ses piètres performances et son caractère "ondulant" sautent au casque : la V9 Roamer subit chaque irrégularité, contraignant à rendre la main face à ses réactions parfois erratiques. Gare alors à couper les gaz progressivement, sous peine de comprimer les suspensions sous le sensible effet de couple occasionné par le cardan...

"La Triumph finit par bouger, alors que la Moto Guzzi bouge avant de commencer", résume ironiquement l'un de nos essayeurs, pourtant peu gêné habituellement par le caractère "remuant" d'une moto !

Les choses rentrent dans l'ordre tandis que le bitume se lisse : la V9 offre un comportement plus rigoureux si l'on s'efforce de conserver une vitesse et une assiette constantes en courbes. La garde au sol restreinte devient alors le seul frein "mécanique", quand la Triumph s'incline joyeusement sans frotter...

La V9 Roamer au moteur...

Les seuls aspects sur lesquels l'anglaise cède du terrain concernent le confort de selle, le freinage et les performances moteur. L'assise de la Street Twin est beaucoup plus dure que celle de la V9 Roamer et son étrier à 2-pistons n'a pas le mordant de son très bon 4-pistons. La Moto Guzzi enfonce le clou avec son frein arrière plus puissant et facile à doser : appréciable pour corriger l'un de ses écarts !

Au niveau mécanique, la rétro de Mandello délivre un véritable récital : presque aussi souple que le bicylindre en ligne anglais, son V-twin accepte de descendre à 50 km/h en sixième. Ses relances un rien hésitantes à si bas régimes et les cliquetis de sa distribution culbutée incitent toutefois à lui donner un peu "d'air", contrairement à la Street Twin dont l'élasticité confondante fait merveille en ville.

Précédée de sa sonorité grave et plus mélodieuse, la Triumph offre des relances vives et pleines dès les bas régimes : si son moteur a perdu quelque 13 chevaux par rapport au modèle précédent, c'est au bénéfice du couple avec un coquet pic à 80 Nm dès 3230 tr/mn.

Cela ne suffit pourtant pas à contrer les solides envolées de la Moto Guzzi, dont le punch moteur a sensiblement progressé ! A rapport égal, la V9 Roamer prend et garde l'avantage entre 60 et 90 km/h, puis éclipse définitivement la Street Twin grâce à son allonge plus musclée.

Très bien remplie jusqu'aux mi-régimes, la Triumph offre ensuite une courbe linéaire moins costaude que celle la Moto Guzzi. Le "petit" V-twin de 853 cc est une pure réussite, alliant caractère et vigueur à un côté joueur qui fait quelque peu défaut dans les tours au 900 cc de la Street Twin.

Pour répliquer, la Triumph doit afficher un rapport de moins, caractéristique logique compte tenu de sa boîte à cinq vitesses. Cela tourne à son avantage sur le dernier rapport, plus court et donc plus réactif que la sixième typée "Overdrive" de la Guzzi. Cet étagement différent explique aussi pourquoi l'italienne file si promptement : les rapports intermédiaires de sa rivale sont beaucoup plus longs.

Verdict : la Street Twin dynamise le segment rétro

Triumph négocie parfaitement le délicat tournant de la mise à jour de son emblématique Bonneville, forte d'un subtil dosage entre classique et "néo". Sous ses dehors "rétro", la Street Twin est devenue une véritable moto moderne, dont le comportement sain et facile lui ouvre de nombreuses portes, y compris parmi les débutant(e)s...

Julie, ravie de toucher solidement le sol malgré son petit 1,60 m, a été bluffée par son accessibilité et son équilibre : "à son guidon, j'ose réaliser des manoeuvres que je n'aurais pas tentées, par exemple avec la Ducati Scrambler testée récemment. C'est un vélo ! Et quelle disponibilité moteur !", s'enthousiasme cette conductrice à l'expérience limitée faute de temps pour pratiquer sa passion.

De quoi craquer pour la "new Bonnie" ? "Non, car je ne suis pas sensible au look rétro : elle est jolie dans son genre et effectivement bien finie, mais je préfère une moto au design plus dynamique, comme une ER-6 ou une MT-07", nous avoue cette trentenaire. Comme quoi, la mode "vintage" ne séduit pas tout le monde...

Sans compter qu'à 9000 € le ticket d'entrée, la "Modern Classic" Triumph n'entre pas dans son budget : la Street Twin coûte presque 3000 euros de plus que les deux motos précitées ! Même si la comparaison n'a pas lieu d'être, elle soulève un point important : le rétro, même situé "entrée de gamme", ça se monnaye.

Et ce n'est pas la Moto Guzzi - encore plus chère - qui démontrera le contraire, d'autant que sa consommation - certes très raisonnable - est légèrement supérieure (4,38 à 5,06 l/100 km mesurés contre 4,29 à 4,81 l/100 km sur la Street) et que ses intervalles de révision sont sensiblement plus rapprochés (10 000 km contre 16 000).

Malgré son moteur attachant et plus vivant que celui de la Triumph, la V9 Roamer s'incline assez nettement devant la Street Twin, victime d'une finition, d'une ergonomie et de suspensions à revoir. La précédente V7 nous avait laissés de meilleurs souvenirs : un comble !

Notons enfin pour conclure que ces deux motos reçoivent une monte d'origine Pirelli aux performances moyennes, surtout sous la pluie : comme déjà relevé pendant notre prise de contact avec la Street Twin, ses Phantom Sportscomp manquent d'adhérence sur le mouillé et les Sport Demon de sa rivale ne font guère mieux.

De quoi rapidement affoler l'anti-patinage assez sensible de ces deux néo-rétros, ultime - mais peu utile - symbole de leur volonté de jouir des caractéristiques d'aujourd'hui sous leur robe d'hier...

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CONDITIONS ET PARCOURS

 
  • Modèles d'origine sans option
  • Kilométrage au départ
    • Street Twin : 5475 km km
    • V9 Roamer : 2714 km
  • Pneumatiques :
  • Parcours : 580 km
  • Routes : petites routes, ville et voies rapides
  • Consos moyennes
    • Street Twin : 4,29 à 4,81 l/100 km
    • V9 Roamer : 4,38 à 5,06 l/100 km
  • Météo : 15 à 25°C, ciel couvert à ensoleillé, courtes averses
  • Problèmes rencontrés : RAS
 
 
 

POINTS FORTS TRIUMPH STREET TWIN

 
  • Look valorisant et réussi
  • Finition soignée et détails classiques
  • Comportement facile et sûr
 
 
 

POINTS FAIBLES TRIUMPH STREET TWIN

 
  • Moteur peu démonstratif passé les mi-régimes
  • Selle dure
  • Prix, même si placé dans son segment
 
 
 

POINTS FORTS MOTO GUZZI V9 ROAMER

 
  • Moteur performant et attachant
  • Freinage efficace
  • Ligne classique attirante
 
 
 

POINTS FAIBLES MOTO GUZZI V9 ROAMER

 
  • Finition indigne du tarif élevé
  • Comportement dynamique très "rétro"
  • Ergonomie incompréhensible