Pit Beirer, responsable de la compétition moto chez KTM, dresse un bilan peu flatteur de sa collaboration avec Johann Zarco en MotoGP. L'impulsivité mal canalisée du pilote français et son approche négative l'auraient poussé à le mettre à pied à quelques jours du GP d'Aragon...
Ancien pilote de haut niveau en motocross, Pit Beirer dirige d'une poigne de fer le département compétition de KTM en vitesse et en tout-terrain. Surnommé "Pitbull" (!), l'allemand est du genre "directif" et expéditif : c'est lui qui a contacté Johann Zarco mardi matin pour l'informer de sa "mise à pied" trois jours avant les essais du GP d'Aragon.
Le dirigeant de 46 ans, cloué dans un fauteuil roulant depuis une mauvaise chute en 2003, révèle que l'attitude du pilote cannois aurait fini par le dissuader de pouvoir terminer la saison ensemble, comme prévu depuis la demande de rupture de contrat exprimé par Johann au GP d'Autriche.
Beirer dépeint un portrait assez sombre de son ancien pilote, présenté comme "agressif" et jamais satisfait. Le responsable KTM avoue en avoir eu assez après le GP de San Marin, quand toute l'équipe se réjouissait de la splendide deuxième place de Pol Espargaro en qualifications et de l'ensemble des progrès enregistrés.
"Misano a été extraordinaire pour moi et nous sommes vraiment fiers des étapes que nous avons franchies ces dernières semaines", explique-t-il dans une longue interview à Speedweek. "Nous avons vu que nos progrès avaient également aidé Johann (8ème chrono en qualifications puis 11ème en course, NDLR).
"Mais lundi, j’ai vu que nous étions de retour au point de départ avec Johann... À ce stade, j’ai perdu l'espoir que nous pourrions inverser la tendance : Johann n’était pas positif sur sa performance à Misano. Il ne partageait pas notre opinion selon laquelle nous pourrions avancer sur cette base".
Résultat ? "Nous avons décidé lundi d’interrompre la collaboration avec Johann", poursuit Pit Beirer qui affirme n'avoir "jamais connu un cas aussi délicat de toute [sa] carrière", ajoutant que cette "histoire [le] rend triste".
"C'est triste de devoir mettre fin à un projet qui semblait prometteur : notre objectif était de réussir avec Johann en championnat du monde MotoGP. Avec son aide, nous voulions élever le projet à un niveau supérieur. Nos deux pilotes d’usine auraient dû se challenger mutuellement", se souvient-il.
"Mais ce n’est un secret pour personne que notre collaboration a connu des problèmes dès le premier jour. Lors des essais de Valence en novembre, nous avons d'abord été surpris qu’il ne puisse pas atteindre le niveau de Pol Espargaro. Puis il est tombé deux fois en tenant de pousser la moto"...
"Je ne peux que souligner le fait que Johann, en tant que personne, est un gars sympa. C'est regrettable que nous n’ayons pas atteint les résultats escomptés", s'empresse de glisser aimablement Pit Beirer, avant de froidement reprendre l'énumération des défauts prêtés à Zarco...
"Johann ne pouvait pas contrôler ses émotions", assure-t-il. "Je ne parle pas des commentaires pas très gentils qu’il a faits au sujet de notre moto, mais du stress qu'il dégageait quand les choses ne se passaient pas comme prévu. Il était toujours à la recherche d’une moto qui lui permettrait de piloter facilement. Mais cela n’existait pas, alors il est devenu agressif".
"Nous savons que nous n’avons pas encore une moto gagnante", admet Beirer, alors que la meilleure KTM a terminé 13ème à 33 secondes ce week-end en Aragon. "Et nous n’avons jamais réussi à lui donner la moto qu’il souhaitait pour son style".
"C'est vrai également que si vous voulez réussir en MotoGP, vous devez être agressif. Mais vous devez aussi rester calme et analyser la situation. Ce n'est pas son cas : il a le sang extrêmement chaud", juge le responsable du projet MotoGP.
"En dehors du box il semblait calme, il faisait preuve de compréhension. Mais une fois en selle, il était une personne différente : il était émotionnellement surexcité et se plaignait toujours des mêmes choses qu’avant, sans voir les points positifs".
Pit Beirer exprime la théorie selon laquelle la décision de Johann Zarco d'arrêter la collaboration avec son mentor Laurent Fellon l'a énormément affectée, et serait en partie responsable des difficultés ultérieures.
"Quelque chose d'énorme est déjà arrivé lorsqu'il s'est séparé de Laurent Fellon, parce que c'était aussi quelqu'un qui pouvait le guider mentalement. Nous avons aussi joué un peu de malchance en l'accueillant au mauvais moment, quand il voulait devenir adulte, organiser sa vie lui-même et se séparer de ses anciennes relations. Je pense qu'elles étaient vraiment utiles pour le garder dans le droit chemin".
Pour terminer ce portrait au vitriol, le dirigeant allemand déplore que l'émotivité de son ancien pilote l'empêchait de donner une "direction claire à KTM" et rajoute une pique supplémentaire en remettant ouvertement en cause les talents de metteur au point de Johann...
"Chez Tech3, c’était plus facile quand il avait une moto qui lui permettait de se concentrer sur son pilotage", balance Pit Beirer de façon à suggérer que le n°5 serait uniquement bon à mettre du gaz sur une moto, mais incapable d'aider son équipe à la régler aux petits oignons...
A toutes fins utiles, rappelons que le pilote français est deux fois champion du monde en Moto2 - une performance inégalée à ce jour ! - et qu'il a emmené la Yamaha M1 à six reprises sur le podium pour ses deux premières saisons en MotoGP. Peu probable qu'un tel palmarès se construise sans un sérieux bagage technique !
Le responsable KTM conclut en assurant être vacciné des pilotes Yamaha, qu'il n'embauchera plus à l'avenir : il serait temps de s'en apercevoir dans la mesure où Pol Espargaro vient également d'une M1, tout comme le pilote Tech3 Hafizh Syahrin et Bradley Smith, à qui Johann a succédé !
"Je souhaite que Johann ait un grand avenir dans ce paddock", termine Beirer qui apprécie également que Johann se soit déplacé en Aragon pour "dire au revoir d’une façon très humaine à l’équipe. Nous nous sommes serré la main".
KTM se retrouve aujourd'hui dans une situation complexe puisque après avoir mis sur la touche Johann Zarco, Pol Espargaro s'est cassé le poignet en Espagne... La marque autrichienne se retrouve donc sans pilote officiel, juste avec Mika Kallio pour faire l'intérim après une longue période au développement !
Et Beirer le certifie : Dani Pedrosa a décliné l'offre qui lui a été faite de piloter la moto d'Espargaro lors de la prochaine course en Thaïlande. Une histoire assurément "très triste" pour reprendre ses propos, mais dont chaque partie porte des responsabilités...
.
.
.
Soutenez le Journal moto du Net
Aidez les petites entreprises françaises qui payent leurs impôts : en créant votre compte MNC, vous commentez tous nos nos articles et nos essais , cliquez sur les publicités de nos partenaires (ça n'engage à rien !) et préservez notre indépendance !
Plateau : Les pilotes et leurs motos 2024
10 mars : GP du Qatar
24 mars : GP du Portugal
07 avril : GP d'Argentine
14 avril : GP des Amériques
28 avril : GP d'Espagne
12 mai : GP de France
26 mai : GP de Catalogne
02 juin : GP d'Italie
16 juin : GP du Kazakhstan
30 juin : GP des Pays-Bas
07 juillet : GP d'Allemagne
04 août : GP de Grande-Bretagne
18 août : GP d'Autriche
01 septembre : GP d'Aragon
08 septembre : GP de San-Marin
22 septembre : GP d'Inde
29 septembre : GP d'Indonésie
06 octobre : GP du Japon
20 octobre : GP d'Australie
27 octobre : GP de Thaïlande
03 novembre : GP de Malaisie
17 novembre : GP de Valence
Commentaires
Ajouter un commentaire
Identifiez-vous pour publier un commentaire.