Duel à l'italienne

Pour ce treizième rendez-vous de la saison 2008, l'ambiance promet d'être chaude ce week-end, tout autour des 4 180 m du circuit de Misano Santa Monica ! Ajouté au calendrier du Continental Circus en 2007 - après une absence de quatorze ans - le GP de San Marin sonne comme un retour aux sources pour tous les italiens du plateau : situé à moins de 15 km du village natal de Valentino Rossi, les tribunes du circuit vibreront aussi pour Loris Capirossi, Marco Melandri, Alex de Angelis et Andréa Dovizioso !

Construit en 1972, et modifié en 2007 pour à nouveau ouvrir ses portes à la catégorie reine après l'ultime GP 500 de 1993, le tracé situé au bord de la mer Adriatique a accueilli les épreuves de championnat du monde Superbike avant de voir son sens de rotation inversé l'an dernier pour améliorer la sécurité.

Serrée et tortueuse, la piste se compose d'une succession de courbes à droite à vitesse décroissante, véritable test d'aptitude au freinage pour les pilotes… et pour les pneumatiques ! Car derrière la lutte acharnée entre les leaders du championnat, la révolte gronde : les pilotes Michelin se sentent impuissants, face à la suprématie des pneus nippons et certains essaient déjà de convaincre leurs employeurs respectifs de passer en Bridgestone pour 2009 !

Un air de déjà vu, puisqu'en 2007 Rossi avait persuadé Yamaha de délaisser Michelin et ses multiples couronnes, pour passer chez l'ennemi juré du manufacturier de Clermont-Ferrand. Las ! Le Bibendum souffre à nouveau cette saison et après la bérézina de Laguna Seca (lire Moto-Net.Com du 21 juillet 2008) et l'humiliation de Brno (lire Moto-Net.Com du 18 août 2008), les prétendants au titre mondial ne cachent plus leur exaspération et le spectre du mono-marque se fait de plus en plus présent. Conscient de leur faiblesse actuelle, Jean-Philippe Weber préfère néanmoins se concentrer sur les exigences du GP à venir :

"A Misano, les contraintes sur les pneumatiques ne sont pas extrêmes, les exigences s'avèrent similaires à celles de Catalunya", confie le responsable de la compétition moto chez Michelin. "Il est plus asymétrique que ne l'est Brno, mais pas autant que certains tracés comme Valencia et Phillip Island. Les contraintes sur le pneu avant sont élevées, avec de nombreux freinages sur l'angle, de sorte qu'ils empêchent d'utiliser des pneus avant soft. Même si Misano n'a rien à voir avec Brno, notre défi est d'améliorer notre pneu avant "

Espérons que le cap du dernier tiers de la saison profite au manufacturier auvergnat, afin qu'après le WSBK, la F1 et le WRC, Michelin ne soit pas exclu du MotoGP à la suite d'un hypothétique appel d'offre au manufacturier unique. Car, au vu des écarts de chronos en essais et en course avec les "balles" nippones, quel pilote accepterait-il de continuer l'aventure avec Michelin ?

Le Doctor chasse les chiffres

Principal favori pour "sa" course à domicile, Valentino Rossi arrive à Misano avec une armada de fans derrière lui et... de records à battre ! L'enfant chéri de la patrie du sport moto arrive sur ses terres réconcilié avec ses adeptes, mais ceux-ci attendent encore beaucoup du n°46 pour faire oublier la déconvenue de 2007 !

Déplacée en masse de Tavullia jusqu'au circuit, la horde de supporters - tout de jaune vêtue - vécut un moment douloureux l'an dernier, lorsque la Yamaha de leur idole cassa son moteur dès le cinquième tour, sabordant tout espoir de victoire et même de retour dans la course au titre face à Stoner ! Extrêmement concentré et ravi de constater que son pari Bridgestone fonctionne, Rossi arrive à Misano avec 50 points d'avance et une saine confiance, là où en 2007, le septuple champion du monde comptait 60 points de retard sur Stoner...

Dans la course à la pole avec l'australien l'an dernier avec ses Michelin, "Vale" va tenter de briser le cycle de six pole consécutives de son rival et, en cas de victoire, obtenir son deuxième triplé de la saison, tout en battant le record de victoires en catégorie reine (68) de la légende vivante : Giacomo Agostini ! Enfin, si un italien ne s'impose pas en 125 ou en 250, Rossi pourrait signer la 700ème victoire italienne en GP depuis la création du championnat ! Tout un programme pour le pilote qui garde cependant la tête froide :

"Cette année, la situation est très différente. Nous avons eu deux courses fantastiques et nous sentons très forts et en pleine confiance. Ceci dit, il nous reste six courses difficiles sur des circuits sur lesquels nos adversaires seront redoutables", précise la star, incapable de réellement donner la réplique à Stoner lors des essais post-Brno (lire Moto-Net.Com du 20 août 2008).

Casey Stoner : le fauve blessé

Et de cet avantage en vitesse pure, l'actuel n°1 mondial compte bien en user et en abuser ce week-end ! Casey Stoner et son équipe ont en effet mis le doigt sur les deux causes de son abandon à Brno : des réglages inadéquats sur sa GP8 l'auraient obligé à prendre énormément d'angle - et de risques - en courbes et un fâcheux gravier, coincé dans la rampe d'injection de sa Ducati suite à sa chute, a contraint le fougueux pilote a poser sa monture contre un muret anéantissant ainsi toute chance de sauver quelques points !

Désolé d'avoir dû laisser filer son rival au championnat, Casey Stoner a néanmoins prouvé de quel bois était fait un champion du monde en pulvérisant les chronos le lendemain de la course et en affichant un état d'esprit de battant à la veille du GP de San Marin :

"Après les dernières courses, et les récents essais de Brno, nous avons réussi à améliorer les réglages et nous sommes confiants de pouvoir faire quelque chose de bien à Misano. C'est un circuit assez étroit et sinueux, le revêtement est plutôt bosselé. Nous verrons ce qui se passe, mais nous sommes en bonne forme. L'écart au championnat est important mais nous allons nous battre jusqu'au bout" confiait le pilote de 22 ans.

Car, le résident suisse sait que la roue peut tourner pour son adversaire et qu'il aborde des courses qui lui ont plutôt réussi l'an dernier : hormis Indianapolis - qui s'ajoute de cette année au calendrier MotoGP -, Stoner a gagné trois des six courses à venir et a terminé deux fois sur le podium ! Déterminé à prouver sa valeur et celle de son titre 2007, l'australien continue donc d'être un adversaire de taille dans la course au titre !

Dani Pedrosa ne lâchera pas !

"Humilié" par Michelin à Brno, le protégé d'Alberto Puig s'est laissé aller à un accès de fureur au soir de cette course catastrophique pour lui et son équipe : sommant le HRC de rompre ses engagements avec Michelin dès 2009, le petit Asimo et son manager auraient même oeuvré en coulisses pour boycotter Michelin à la veille de la course tchèque ! N'effectuant que onze tours lors des essais post-Brno, Pedrosa continue en outre à ne pas vouloir utiliser la version pneumatique de la RCV, malgré les progrès décrits par le pilote essayeur T. Okada.

Une situation de crise pour le n°2 mondial et le puissant HRC, renforcée par l'octroi d'une RCV 212 d'usine à S. Nakano, alors que la logique désignait Andréa Dovizioso comme l'heureux bénéficiaire de cette machine. Michelin n'a d'ailleurs pas hésité à remettre en cause le choix des japonais, tandis que Pedrosa a eu tout le loisir de constater les performances de sa moto avec des Bridgestone : jusque là auteur d'une saison moyenne - avec une huitième place à Assen comme meilleur résultat - le sympathique Shinya a finit la course tchèque quatrième, en collant surtout plus d'une minute à Dani Pedrosa à l'issue du GP !

Se montrant peu optimiste sur ses chances de titre cette saison, le pilote Honda part toutefois en Italie le couteau entre les dents et avec la ferme ambition de revenir au contact de Stoner et - pourquoi pas - de Rossi : une victoire de l'espagnol ce week-end serait un bon début pour y parvenir et surtout de marquer psychologiquement l'italien sur ses terres : "En ce qui concerne les réglages à Misano, il faut avoir des freins puissants et une bonne stabilité à l'accélération en sortie de virage. C'est le genre de piste où il faut avoir un pilotage agressif. L'ambiance est géniale et très animée. Il y a beaucoup de fans de Valentino Rossi parce que sa ville natale est à côté", conclut le jeune ibère.

Jorge Lorenzo : revenir sur le podium

Arrivé à Misano mercredi pour participer à la célébration des 50 ans de Chupa Chups à l'Aquafan park de Riccione, Jorge Lorenzo est toujours quatrième du championnat, après un début de saison éblouissant, suivi d'une mauvaise série de chutes. En manque de confiance avec sa M1 durant la trêve estivale (lire Moto-Net.Com du 31 juillet 2008), le jeune majorquin comptait lui aussi faire son "come back" en République Tchèque. Trahit par ses pneus, le n°48 terminera la course dixième après avoir été repêché en qualifications !

Désormais relégué à 52 points de Pedrosa et à 117 de son coéquipier Rossi, le pilote Yamaha souhaite revenir dans le bon wagon en course et achever la saison en caracolant dans le top 5 : "Je m'attends à faire mieux que lors de la dernière course. Nous sommes capables d'être dans le top cinq", a précisé le vainqueur de la course 250cc à Misano l'an dernier.

Plutôt critique lui-aussi vis à vis de ses pneumatiques à la suite de sa désillusion Tchèque, le pilote ibère semble être revenu à de meilleurs sentiments sur Michelin et souhaite couper court aux rumeurs le prétendant en pourparlers avec Bridgestone :

"Je leur ferai confiance jusqu'au bout. C'est une entreprise prestigieuse avec une histoire importante, ils ont remporté beaucoup de championnats et m'ont permis de m'imposer cette saison, alors je suis toujours aussi enthousiaste de travailler avec eux", soutient avec véhémence l'homme à la sucette... mais quid de 2009 ?

Andréa Dovizioso : la surprise du chef !

Incontestablement, la "méthode Dovi" commence à porter ses fruits : si l'italien a vécu ses premiers pas en catégorie reine dans l'ombre de son ennemi de toujours, Jorge Lorenzo, le n°4 a su persévérer et faire preuve d'une régularité dont ne peut se targuer son adversaire et ce, malgré une moto "client" aux performances moindres.

Cinquième du classement avec seulement dix points de retard sur Lorenzo, Dovizioso continue d'aller vite sans faire de bruit et s'affichait même premier pilote Michelin de la course de Brno. Certes, l'italien s'est montré déçu de ne terminer qu'à la neuvième place et à près de 39 secondes (!) du vainqueur, mais l'ex-champion du monde 125 n'est pas du genre à se plaindre, même quand le HRC décide de donner une RCV 212 d'usine à un Nakano qui pointe pourtant loin derrière au général !

Pour autant, le pilote de 22 ans possède une lucidité et une détermination sans faille et même s'il affiche son habituelle soif de bon résultat pour cette course sur ses terres, l'italien n'oublie pas de se tourner vers l'avenir. Certains prétendent même que si Honda n'accède pas à sa demande de guidon officiel pour 2009 (soit aux côtés de Pedrosa, soit dans une structure privée bénéficiant du soutien plein et entier du HRC), le natif de Forli pourrait filer chez Suzuki, avec qui il aurait pris des contacts...

"Tout le monde est motivé pour décrocher un bon résultat pour le public italien et pour conforter ma position au championnat. J'aime beaucoup ce circuit : l'an dernier tout s'était bien passé lors des essais et des qualifications, mais nous avons eu un problème en course" se souvient l'opiniâtre pilote du team Jir Scot.

Colin Edwards : "Il faut que Michelin réagisse !"

Quatorzième de l'épreuve tchèque, devant Dani Pedrosa, mais derrière son coéquipier James Toseland, l'expérimenté pilote américain perd peu à peu le contact avec le Top 5 du classement général et ce, malgré une série de résultats enthousiasmante en début de saison. Frustré et déçu de cette situation, le n°5 reste cependant enchanté sur les prestations de son team - notamment lors de dégustations improvisées de grands crus ! - mais souhaite que Michelin réussisse à revenir au contact :

"Nous avons besoin de grandes améliorations de Michelin. Les importants progrès que nous avons connu en début de saison semblent bien loin désormais et nous devons travailler avec Michelin pour tenter de résoudre nos problèmes", confiait le pilote Texan, au soir de la déconvenue de Brno.

Pas vraiment convaincu des améliorations apportées par la firme auvergnate après la course, la "Tornade Texane" repart toutefois en Italie avec l'intention de faire mieux qu'en 2007, où il avait terminé la course neuvième.

Chris Vermeulen : la grosse attaque !

Seul pilote à avoir mené la GSV-R sur la plus haute marche du podium depuis l'avènement du quatre-temps en catégorie reine (lire Moto-Net.Com du 21 mai 2007), Chris Vermeulen peine cependant à concrétiser les espoirs placés en lui par Suzuki. Septième du classement à une poignée de points d'Edwards, le jeune australien a souffert cette saison des problèmes de châssis de sa machine, celle-ci usant prématurément les pneumatiques en course.

Rapide et motivé, le n°7 est passé près du podium lors de la course de Brno et seul un mauvais choix de pneus l'a conduit à baisser le rythme et à regarder son expérimenté coéquipier monter sur son premier podium de la saison. Confiant dans les progrès entrevus dans l'évolution des Suzuki lors des test post-Brno, le plus jeune champion du monde Supersport rappelle qu'il avait terminé second en 2007 à Misano et se verrait bien franchir une marche supplémentaire :

"J'aime vraiment le circuit de Misano et je sais que je peux y briller : je l'ai montré l'an passé avec une deuxième place. Nous avons trouvé quelques trucs à Brno, pendant le week-end de course et les essais qui ont suivi. Nous avons été vraiment satisfaits par les résultats obtenus et, maintenant, nous devons les confirmer en course. Je dois continuer à attaquer parce que je sais que je peux être compétitif et que mon équipe fait tout son possible pour que nous puissions nous battre avec les leaders dès le début du week-end", indique le natif de Brisbane.

Nicky Hayden : le retour du Kid !

Contraint de déclarer forfait à Brno, l'américain fera son retour au guidon ce week-end, pour disputer le Grand Prix de San Marin. Actuellement huitième du classement, Nicky Hayden a travaillé dur pour soigner la blessure de son talon droit, faisant appel à toutes les techniques possibles :

"J'ai fait tous les trucs "vaudou" qu'ils te conseillent de faire : stimulateurs osseux, lasers, ultrasons, tous ces trucs… Je fais tout ce qui existe pour revenir, confie t-il, "J'espérais que mes progrès seraient plus rapides. J'ai encore besoin de béquilles mais j'ai bien l'intention d'essayer de piloter. J'ai fait un peu d'entraînement en piscine et un peu en salle", explique le n°69, que beaucoup voient au guidon d'une Ducati en 2009 ! Le HRC laissera t-il partir le pilote qui a su ramener le titre mondial à Honda, après deux défaites successives face à Rossi et Yamaha ? Suspens !

Shinya Nakano : retour au top ?

Il faut bien l'avouer, les prestations de "Super Shinya" depuis quelques saisons n'avaient rien de transcendant : classé 17ème pour sa dernière saison au guidon de la Kawasaki officielle, l'appliqué japonais touchera le fond en 2007, avec une piètre 18ème place avec une Honda Michelin. Repêché par le team de Fausto Gresini cette année, le n°56 naviguait jusqu'alors aux environs de la dixième place avant de miraculeusement recevoir la moto de Dani Pedrosa à Brno et de signer une non moins miraculeuse quatrième place finale !

Vantant l'accord parfait entre sa machine et ses pneus Bridgestone (à la grande joie, on s'en doute, de Pedrosa, Hayden, Dovizioso, de Puniet, mais surtout de Michelin), le vice champion du monde 250 semble avoir pris la mesure de sa nouvelle machine et entend bien prouver tout cela à Misano :

"Notre nouvelle machine et les pneus Bridgestone fonctionnent très bien ensemble. Particulièrement en ce qui concerne les sensations à l'avant, l'entrée en virage est beaucoup plus stable. J'ai pu utiliser un pneu avant relativement dur et nous nous en servirons peut-être en course. La piste de Brno est particulière, alors j'espère que tout fonctionnera à Misano", indique le coéquipier d'Alex de Angelis.

Loris Capirossi : le lion n'est pas mort !

Seulement dixième au classement, le futur nouveau détenteur de la plus grande participation en GP a payé un lourd tribut cette saison. Blessé à répétitions, Loris Capirossi n'a pas encore pu démontrer l'étendue de sa motivation, pourtant restée intacte après 19 saisons passées à arpenter les circuits du championnat du monde.

Brillant troisième à Brno, le natif de Castel San Pietro arrive avec enthousiasme sur son GP national et les modifications apportées à sa GSV-R pourraient lui permettre de renouer plus fréquemment avec le podium :

"Nous avons fait de bons essais à Brno. Maintenant, j'aborde ma deuxième course "maison" sur la lancée d'un podium et après avoir trouvé des éléments positifs qui vont nous aider pour la fin de la saison. J'étais content de monter sur le podium, mais je sais que nous pouvons commencer à espérer plus ! Tout le monde travaille dur et, maintenant que je suis en pleine forme, je peux attaquer aussi fort que possible pour y parvenir. Je suis vraiment impatient de rouler tout près de chez moi sous les couleurs Suzuki", signale le pilote de 35 ans.

Onzième et douzième du championnat, James Toseland et Toni Elias peuvent eux-aussi créer la surprise en Italie : le premier ayant un peu plus d'expérience que ses adversaires sur le tracé de Misano grâce à son expérience du Superbike et le second ayant obtenu son premier podium de la saison avec sa Ducati satellite lors de la dernière course !

Du côté du clan français, Sylvain Guintoli peut - et doit - réagir sur les terres de son employeur et par ce faire revenir au contact d'Alex de Angelis qui ne le précède que de sept points dans la lutte pour la treizième place ! Randy de Puniet est quant à lui cantonné à une indigne seizième place derrière le transparent Melandri et juste devant le revenant John Hopkins : autant dire que la prestation du français va se révéler décisive dans la patrie de son team, car son contrat de deux ans avec l'équipe LCR ne saurait le protéger d'un éventuel sixième GP hors des points.

Gageons que nos frenchies retrouvent le chemin du succès grâce au doux climat et à la ferveur du public de Misano ! Pour le savoir, un seul réflexe : rendez-vous dès lundi prochain pour l'incontournable tour par tour Moto-Net.Com! Restez connectés !