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NUMERO DUE
Paris, le 30 janvier 2023

Interview exclusive Ducati : MotoE en 2023, moto électrique en 2027-2028, etc.

Interview exclusive Ducati : MotoE en 2023, moto électrique en 2027-2028, etc.

Forza Ducati ! En 2022, la marque de Bologne a signé son premier doublé en MotoGP et World Superbike, et battu son record de ventes mondiales. Moto-Net.Com fait le point avec le n°2 de la firme : compétition et commerce, la France et Zarco, moto électrique et biocarburant, ancienne rumeur KTM et avenir Audi... Interview de Francesco Milicia.

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L’année 2022 a été historique pour Ducati ! En compétition, l’usine de Bologne a réalisé son tout premier doublé en MotoGP et World Superbike. Pour rappel, ses derniers titres dans ces deux catégories majeures de la vitesse moto dataient respectivement de 2020 (mais 2007 pour le premier titre "pilote" avec Casey Stoner) et 2011 (17ème sacre avec l’écurie privée Althea et Carlos Checa).

En 2023 donc, la Desmosedici de Pecco Bagnaia et la Panigale d’Alvaro Bautista arboreront le n°1 sur les circuits, pour le plus grand plaisir des "Ducatisti", ces supporters-clients-tifosis-followers toujours fidèles et de plus en plus nombreux à travers la planète bleue rouge !

L’an dernier justement, 61 562 nouvelles motos Ducati ont été livrées dans le monde. La marque d’Audi (depuis 2012) améliore ainsi son score de 2021 de +3,6 % et instaure un nouveau record absolu. Son réseau n’a jamais été aussi développé : 821 concessions aux quatre coins du globe.

Interview exclusive Ducati : MotoE en 2023, moto électrique en 2027-2028, etc.?

En France, 50 concessionnaires portent le fameux panneau rouge. Dans les six prochains mois, ce nombre devrait être porté à 55, dans le but de mieux couvrir l’hexagone. Après l’Italie, les États-Unis et l’Allemagne, la France avec ses 4583 immatriculations en 2022 (+4,5% Vs 2021) se dispute la quatrième place avec la Chine...

Huit ans après son interview du "Very Big Boss" Claudio Domenicali, Moto-Net.Com a l’extrême privilège de s’entretenir avec le "Big Boss" des ventes mondiales : Francesco Milicia. Interview d’un passionné de moto, aux histoires passionnantes...

Moto-Net.Com : Vous avez débuté votre carrière en 1999 chez Ducati. C’était votre premier emploi ?
Francesco Milicia (vice-président de Ducati, ventes mondiales et après-ventes)
C’était mon premier boulot, oui, après avoir obtenu mon diplôme d’ingénieur en mécanique à l’Université de Bologne. Je suis resté six ans puis je suis parti travailler à l’étranger dans d’autres multinationales, en Chine principalement. Mais en 2011, Mr Domenicali et Mr Del Torchio, à l’époque, m’ont rappelé : "Francesco, tu as maintenant de l’expérience en Asie et chez Ducati, or nous voulons mettre en place une usine en extrême-orient, pourquoi ne reviendrais-tu pas chez nous ?". Je faisais alors du bon boulot dans mon entreprise, mais celle-ci fabriquait des bouilloires et autres. Je trouvais les Panigale et Multistrada plus enthousiasmantes... Je suis donc revenu, et cela fait huit ans que je suis membre du conseil d’administration.

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Moto-Net.Com : À votre arrivée il y a 25 ans, comment se portait Ducati ? Quelle était l’ambiance à l’époque ?
F. M. :
C’était une entreprise complètement différente. Cela dit, l’ADN a toujours été présent, et j’ai une anecdote. Comme vous le savez, Ducati a connu de nombreux propriétaires... Et tous ont revendu plus cher que ce qu’ils avaient payé à l’origine. Lorsque la famille Castiglioni a cédé ses parts à Texas Pacific Group (Ducati était alors minuscule comparé au fonds d’investissement), les américains considéraient Ducati comme "une petite structure composée d’une poignée de talibans-ingénieurs moto" ! Leur obsession était de fabriquer de merveilleuses motos, sans jamais penser au marketing.

Ducati en 1999 : une poignée de talibans-ingénieurs moto

Ces racines restent fermement ancrées dans l’entreprise : l’un des éléments clés, sinon le plus important, est le fait qu’au directoire, tous les managers à commencer par notre PDG Claudio Domenicali sont des passionnés de moto. C’est ce qui a permis de créer la vision de Ducati, d’être la marque la plus sociable.

Moto-Net.Com : Il faut voir au-delà du produit ?
F. M. :
Nous devons non seulement produire les meilleures motos possibles, mais toutes les expériences qui vont avec. Ducati organise des journées de roulage (Ducati Riding Experience), de grands rendez-vous (tribunes GP et WSBK, World Ducati Week), des voyages, des équipements, etc. L’autre fil rouge est notre engagement en compétition. Certains de nos grands concurrents ne concourent pas, ils préfèrent investir dans des opérations commerciales ou autres. Mais nous avons cela dans le sang, et nous y sommes fidèles.

Moto-Net.Com : Ducati a toutefois bien changé en un quart de siècle !
F. M. :
C’est certain, la société est plus structurée, les process sont parfaitement définis. C’est d’ailleurs ce qui lui a permis d’atteindre ses grands résultats ces dernières années, en particuliers en 2022. C’est la meilleure année pour nous, à de nombreux points de vue : notre réussite sportive est sans doute la plus évidente, mais les ventes, les finances, la satisfaction des employés et celle des clients sont aussi au plus haut.

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MNC : Vous mesurez la satisfaction de vos employés ?
F. M. :
Oui, ça ne se sait peut-être pas mais en interne lors de nos réunions, c’est l’un des deux indicateurs que nous surveillons avec le plus d’attention. Traditionnellement, c’est le supérieur qui évalue son subordonné. Mais chaque année en octobre, nous transmettons un questionnaire qui permet à tout le monde, de manière anonyme, de donner son avis sur l’entreprise, les patrons, les chefs, etc. Le second indicateur qui est aussi important, sinon plus, c’est le Net Promoter Score (le "NPS" pour les initiés, qui sert à mesurer la cote des marques, NDLR). Grâce à lui, on sait combien de personnes sont prêtes à recommander notre marque, celles qui lui donne au moins la note de 9 sur 10. Nous sommes au plus haut dernièrement, et cela nous rend très fiers. Les clients Ducati sont nos premiers représentants.

MNC : Vous pensiez devenir n°2 de Ducati un jour ?
F. M. :
Pour répondre franchement, je ne m’en souciais pas. Mes responsabilités ont changé, j’ai la charge de nombreuses familles : les clients d’une part (60 000 décident de signer un chèque pour acquérir l’une de nos motos), mais aussi 2000 personnes qui travaillent pour Ducati. Vos choix, vos décisions ont un grand impact sur ces gens, et c’est une lourde responsabilité. Mais je peux vous dire que ma passion pour la moto, que je porte depuis que j’ai 13 ans environ, est restée la même. Et j’ai toujours fait en sorte que les personnes qui travaillent avec moi le fasse avec joie, avec fierté.

"Travailler pour une marque aussi appréciée que la nôtre, est un rêve"

J’ai eu beaucoup de chance car j’ai occupé de nombreux postes dans l’entreprise (à la production, à l’étranger, assistant du précédent DG, etc.) ce qui fait que je la connais assez bien, et dans mon précédent poste en tant que directeur des achats, j’ai côtoyé de nombreuses autres entreprises. Or travailler pour une marque aussi appréciée que la nôtre, est un rêve pour beaucoup. Paradoxalement, plus vous vous éloignez de l’Italie, plus on vous aime : les australiens sont fous de nous, idem en Californie, ou en Argentine où j’étais il y a deux mois et où nous détenons une part de marché de 16 %, ce qui est énorme compte-tenu de notre placement Premium et de nos tarifs. Mon évolution s’est faite sans effort, naturellement.

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MNC : Et si on vous avait dit à vos débuts que 25 ans plus tard, Ducati vendrait plus de 60 000 motos... et que la meilleure ventes serait un maxitrail à moteur V4, comment auriez-vous réagi ?!
F. M. :
C’est incroyable... Car je dois être honnête avec vous : j’ai vu beaucoup de plans stratégiques au débuts des années 2000, mais la croissance n’était jamais celle escomptée. C’était une période difficile, celle de la 999 et du retrait partiel des américains, etc. La société n’a jamais été aussi solide qu’aujourd’hui, elle est composée de jeunes ingénieurs, d’excellents techniciens, tous ultra motivés. Vous avez raison au sujet des ventes : les scores de la Multistrada Pikes Peak - une moto à plus de 30 000 euros ! - sont impressionnants. Nous en sommes fiers. Il est encore trop tôt pour livrer les résultats financiers, mais nous dépassons le milliard d’euros pour la première fois, c’est un chiffre renversant pour une entreprise comme Ducati.

MNC :Vos résultats sportifs aussi imposent le respect...
F. M. :
Là encore, nous récoltons le fruit d’un dur labeur, ce que nous avons semé il y a quatre ou cinq ans. Nous avons investi dans les opérations commerciales et dans le marketing, puis les profits des ventes ont été injectés dans la compétition, car c’est ce qui structure l’âme de Ducati. Nous avons travaillé rigoureusement, en améliorant la moto pas à pas... et nous avons davantage dépensé dans ce développement que dans les pilotes. D’autres marques investissent plus dans les pilotes que dans la moto. Nous avons parié sur des pilotes très jeunes, qui se débrouillent d’ailleurs très bien : Jorge Martin, Enea Bastianini, Pecco (Bagnaia) bien sûr, notre champion du monde, ainsi que l’écurie de Valentino (Rossi) et ses pilotes Luca Marini et le "rookie of the year" Marco Bezzecchi.

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Nous allons prendre beaucoup de plaisir à suivre la saison 2023, comme ce fut le cas en 2022... Malgré des moments durs, il faut le reconnaître : j’étais présent en Allemagne et au Japon. Quand on se retrouve à 91 points du leader, il est facile de se décourager. Mais Pecco s’est montré solide et a accompli ce qu’aucun pilote n’avait réalisé avant lui. Nous avons d’ailleurs connu le même phénomène d’un point de vue commercial en 2022.

MNC : Le printemps, la saison forte pour les deux-roues, a été rude...
F. M. :
Nous avions commencé l’année très fort, notre carnet de commandes était le plus fourni de notre histoire, mais nous avons connu de nombreux soucis de production, c’était un vrai cauchemar. Nous avons pris des décisions difficiles : je me souviens qu’à un moment donné, nous avons choisi d’assembler des motos incomplètes et de les mettre en caisse. Ce n’est que lorsque nous recevions le ou les composants manquants que nous pouvions les expédier. Mais c’est un effort immense en termes logistiques et financiers, que de produire et payer quelques 9000 motos, sans pouvoir les facturer. Nous nous sommes retrouvés avec près de 100 millions d’euros immobilisés dans nos entrepôts. Heureusement, le second semestre a été remarquable, et nous avons clôturé notre meilleur année.

"9000 motos, 100 millions d’euros, immobilisés dans nos entrepôts"

MNC : Le Covid-19 a été terrible pour la région Emilia-Romagna. Comment avez-vous vécu cette période, et avez-vous retenu des leçons positives ?
F. M. :
J’apprécie beaucoup cette question... Tout le nord de l’Italie a été particulièrement touchée par ce fléau, or c’est là que se trouvent de nombreux fournisseurs comme Brembo par exemple. Je me souviens très bien de ce vendredi soir de mars 2020, de retour après notre journée de travail, où nous avons appris que l’usine ne pourrait pas rouvrir le lundi suivant. C’était le début de la haute saison, et nous avons du fermer durant sept semaines. Je me rappelle de nos réunions téléphoniques avec notre PDG Claudio, les membres du directoire, etc. Nous étions très inquiets car une compagnie comme Ducati ne peut pas se permettre de renoncer à 30 % de ses volumes et de ses recettes. Vous devez payer les salaires, les fournisseurs, etc. Mais dès la réouverture, nous avons été capable d’abattre plusieurs records de livraisons successifs, grâce aux efforts fournis par toutes nos équipes.

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Les années 2021 et 2022 ont été cauchemardesques aussi à cause des pénuries de composants, nous venons d’en parler, mais aussi de la hausse du prix des matières premières que nous ne pouvions pas répercuter sur les tarifs des motos. Même les containers étaient passés de 2000 à 15 000 dollars, c’était dingue. Et paradoxalement, l’entreprise n’a jamais été aussi forte, elle a donc su s’adapter correctement.

Et pour revenir à la fin de votre question, il ne fait aucun doute que nous avons tiré de bons enseignements. Notamment d’un point de vue commercial, nous avons clairement compris que nous pouvions travailler et tenir des réunions sans être nécessairement tous dans la même pièce. Je vous avoue que je préfère toujours rencontrer les gens lorsque c’est possible, car je suis convaincu que les relations humaines sont importantes, qu’on loupe des choses lorsqu’on ne partage pas un café ensemble, ou un déjeuner, on ressent moins les gens et leurs sentiments. J’essaie de conserver le contact, mais j’ai aussi des rendez-vous quotidiens avec les filiales à travers le monde et ce faisant, nous avons réduit drastiquement la dispersion du virus dans la société.

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MNC : Italie, États-Unis, Allemagne sont sur le podium des ventes Ducati. Où se trouve la France avec ses 4600 immats : toujours dans le Top 5 ?
F. M. :
Oui. L’année dernière, la Chine avait dépassé la France. Mais la Chine est de nouveau fortement impactée par le Covid, donc la France a de bonnes chances de revenir à la quatrième place ! (Rires) Nous venons de connaître notre meilleure année en France, mais je n’ai aucun doute que nous pouvons encore mieux faire ! Je ne peux pas me plaindre, nos équipes ici font du très bon boulot. Mais je ne peux m’empêcher d’observer que notre part de marché pourrait être supérieure, principalement grâce à une meilleure couverture du territoire. Il y a encore trop d’endroits où nous ne sommes pas présents. Je suis sûr que nous pouvons atteindre les 6000 unités voire plus. Nous avons aussi Johan Zarco !

"Notre part de marché en France pourrait être supérieure"

MNC : Johann est votre meilleur ambassadeur en France !
F. M. :
Très franchement, et ce n’est pas du marketing, il adore s’entraîner avec la Panigale, avec notre vélo à assistance électrique. J’échange avec lui de temps à autres et c’est un vrai plaisir. Je peux vous assurer que ses commentaires et ses retours sur la Panigale V4 sont extrêmement pointus et détaillés : comment l’améliorer, ce qu’il changerait, etc. Il incarne vraiment l’esprit du pilote amateur. Ce n’est pas un amateur bien sûr, c’est un champion... mais sa façonde charger sa moto dans la camionnette, partir rouler comme les pistards le font le dimanche. Il est toujours très humble, et j’adore cela. C’est vraiment une très chouette personne.

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MNC : En arrivant à la tête de Ducati en 2012, Claudio Domenicali avait pris comme première et grande décision de restructurer le programme sportif de la marque. Dix ans plus tard, enfin, vous êtes n°1 en GP et SBK. C’était un long chemin... Comment un constructeur relativement petit fait-il pour dominer les deux championnats majeurs ?
F. M. :
Bien... Comme vous le savez, nous sortions en 2011-2012 d’une mauvaise période. Nous avions loupé notre rendez-vous avec Valentino (Rossi) car notre moto n’était pas assez bonne. Je crois que ce l’embauche de Gigi Dall’igna a été capitale. C’est un élément clé de l’initiative lancée par Claudio, car d’autres personnes auraient très bien pu être sélectionnées. Mais Giggi a donné un coup de fouet incroyable à toute notre organisation.

Notre réussite en compétition doit aussi être reliée à ce que nous avons évoqué plus tôt : le fait de compter sur une entreprise en bonne santé, financièrement parlant pour investir de l’argent, techniquement aussi pour disposer de bons produits et d’une bonne base. Notre Panigale est la moto de série la plus proche du prototype engagé en MotoGP ! Tout cela, petit à petit, nous a permis de nous améliorer. Je me souviens de courses où nous terminions à 30 ou 40 secondes. Puis nous sommes remonté à 20 secondes, à 10 secondes, puis dans le Top 10, et aujourd’hui nous menons ! Comme je le disais, c’est la récolte de notre long labeur. C’est aussi le résultat des échanges constants - de compétences et de personnels - entre le département "Corse" et la production. Beaucoup de nos hauts responsables viennent de la compétition, ou y sont passés pour ensuite gérer l’activité principale de l’entreprise.

Interview exclusive Ducati : MotoE en 2023, moto électrique en 2027-2028, etc.?

MNC : C’est très intéressant car cette année, vous vous lancez dans le MotoE. C’est un fabuleux laboratoire, mais pas un tremplin commercial... Pas pour Energica en France en tout cas ! Pensez-vous que cette catégorie vous aidera à vendre plus de motos ? Des motos électriques, un jour ?
F. M. :
Peut-être pas. Mais je dois vous avouer que ce n’est pas plus le cas pour le MotoGP. Ce n’est pas automatique : on gagne, donc on vend ?... Mais cela reste une opportunité incroyable : fournir le MotoE va nous permettre de développer et améliorer nos connaissances en la matière comme personne. Je ne pense pas que cet engagement nous permettra de vendre des motos électriques à court terme.

MNC : Quand sortiront les premières motos électriques homologuée route chez Ducati ?
F. M. :
Soyons clair : nous n’en vendrons pas cette année ou l’année suivante. Pourquoi... Parce que les conditions ne sont pas réunies. Rouler le plus vite possible sur circuit durant 7 ou 8 tours est quelque chose de très spécifique. Nous n’avons pas de contraintes, notamment financières : la moto coûte très cher, c’est un investissement très important pour nous. On ne peut pas débarquer sur le marché avec une bonne moto mais qui serait affichée à 100 000 euros minimum. Pas pour le moment en tout cas. Mais c’est une très bonne manière d’améliorer notre savoir-faire, afin de devenir le leader de l’électrique, comme nous menons la compétition avec les moteurs à combustion interne.

La moto électrique ? "Quand le temps sera venu, vers 2027-2028"

Quand le temps sera venu, vers 2027-2028, alors nous aurons toutes les connaissances nécessaires pour produire une moto. La clé sera de disposer d’une plus grande densité d’énergie dans les batteries. Car la technologie actuelle n’est pas assez avancée : des batteries de 60 voire 80 kg sont encore trop lourdes pour l’autonomie offerte.

MNC : La V21L promet d’être une aussi bonne base que la Panigale ?
F. M. :
Nous avons eu d’excellentes remontées des premiers tests de la part des pilotes, Michele Pirro en tête, mais aussi Alex de Angelis. Les premiers chronos sont très, très rapides. Je ne peux pas encore vous les livrer mais je suis confiant, nous aurons droit à un championnat plus rapide et spectaculaire.

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MNC : Les véhicules électriques sont très branchés actuellement. Mais Porsche - qui appartient tout comme vous au groupe VolksWagen - se lance dans la production de biocarburants, au Chili. Leur en avez-vous piqué quelques bidons pour tester sur une Panigale ?
F. M. :
Oui, sauf que nous n’avons pas demandé à Porsche ! Nous explorons aussi cette voie, nous testons aussi les "e-fuels", et nous croyons fermement que c’est une bonne solution pour réduire notre empreinte carbone, diminuer la pollution et léguer un monde meilleur à nos enfants. Le problème, c’est la quantité limitée. Ce sera bien pour la compétition, mais pas suffisant pour tout le monde : motos, autos, avions, etc. C’est pourquoi nous étudions d’autres solutions, comme l’hydrogène.

Bien sûr, l’électrique est ce qu’il y a de plus développé actuellement, et c’est là-dessus que nous travaillons le plus. Mais il faut évaluer d’autres pistes, bien analyser ce dont nous avons le plus besoin, quels sont les usages visés. Pour le "commuting" par exemple, les scooters électriques qui roulent déjà partout dans le monde sont adaptés. Mais il faudra attendre encore quelques années pour égaler le plaisir de conduite, les mêmes performances qu’une Panigale ou une Multistrada.

MNC : Revenons aux moteurs à explosions. Vous ne pouvez mesurer concrètement l’impact de vos sacres MotoGP et WSBK sur vos ventes, prédire qu’avec ce doublé, vous allez vendre tant de motos en plus...
F. M. :
... Je peux vous dire nous avons déjà vendu 520 machines ! Les Replica se sont arrachées en quelques jours. Ce projet a été une réussite, pour les retombées financières bien sûr, mais aussi pour le prestige : ces motos étaient signées par Pecco Bagnaia et Alvaro Bautista, disposaient de pièces exclusives, étaient limitées à 260 exemplaires chacune (clin d’oeil à notre année de fondation, 1926).

"Nos premiers clients, les plus passionnés, sont nos concessionnaires"

Il nous a semblé correct de donner la n°63 Pecco, la n°19 à Alvaro. Puis nous avons privilégié nos meilleurs clients. Comme Ferrari, Lamborghini ou Porsche, nous cherchons toujours à maintenir et consolider nos rapports avec les clients que nous appelons "Ducatisti". Nos clients les plus fidèles profitent de nombreux avantages, comme être en contact direct avec les dirigeants, être au courant d’infos en avant-première, avoir la priorité sur des éditions limitées...

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MNC : Qui sont ces clients ?
F. M. :
C’est l’une des spécificités de notre marque : nos premiers clients, les plus passionnés, sont nos concessionnaires. Dans un monde où la place des vendeurs diminue, surtout dans l’automobile avec les ventes en ligne ou les agents qui se contentent de vendre le produit sans assurer le reste, nous travaillons encore beaucoup avec nos concessionnaires. Il arrive qu’ils achètent des motos pour eux-mêmes, certains sont des collectionneurs. C’est extraordinaire, toute la passion qu’ils mettent dans leur activité.

MNC : Par simple curiosité... Qui a eu la Panigale Replica n°1/520 ?
F. M. :
Un gars de République Tchèque. C’est un très grand collectionneur. Un anglais a eu la n°2. Mais je ne vais pas continuer la liste (rires).

MNC : La Panigale profite d’une formidable publicité avec le sacre en World Superbike, et même en MotoGP. Pensez-vous vous inscrire au Dakar, à ce type de compétition pour faire la promotion de la DesertX ?
F. M. :
Oui. Nous avons déjà participé à quelques courses avec la Multistrada. Nous en ferons avec la DesertX, cela a été approuvé hier. Nous n’irons pas au Dakar bien sûr, comme vous le savez, la cylindrée est limitée à 450 cc. Mais nous considérons vraiment que la course fait partie de notre ADN, et c’est valable aussi pour le tout-terrain. Nous y prenons toujours beaucoup de plaisir.

Interview exclusive Ducati : MotoE en 2023, moto électrique en 2027-2028, etc.?

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MNC : Il y a quelques années, des rumeurs de rachat par KTM ont circulé. Leur slogan "Ready to Race" et leurs valeurs pouvaient être dupliqués à Ducati. MNC s’était amusé à effectuer un petit montage. Qu’en pensez-vous ?
F. M. :
Pierer aime Ducati, il l’a déclaré à plusieurs reprises. Mais je ne pense pas que cela arrive, bientôt. Ducati a le meilleur actionnaire imaginable actuellement. Nous possédons une identité forte, italienne, pure, mais nous profitons de nombreuses synergies, de nombreux échanges avec Audi. Cela se traduit même à travers nos séries conjointes de Streetfighter et de Huracan STO. Faire partie de la même famille que Audi, mais aussi Lamborghini, Bentley, Porsche, Bugatti même, est d’une grande valeur pour nous.

"Ducati a le meilleur actionnaire imaginable actuellement"

MNC : D’un point de vue industriel, appartenir au groupe VW vous aide à obtenir des composants ?
F. M. :
Dans certains cas, oui. Mais même VolksWagen a beaucoup souffert des pénuries. Tout le monde a été touché.

MNC : Ducati a sa propre marque, Scrambler. Pensez-vous en lancer d’autres ?
F. M. :
Non, je ne pense pas que cela soit utile. Scrambler a sa propre identité, sa propre philosophie. Ducati vise la performance, la sophistication, la technologie, tandis que Scrambler représente l’hédonisme, le cool, la liberté... Et nous voulons conserver cela. Comme je le dis toujours, au guidon d’un Scrambler, je suis en vacances. C’est un sentiment renforcé sur la nouvelle génération avec ses évolutions, son électronique, ses kits personnalisables, etc. Cela a renouvelé notre base clients. Vous savez que nous avons vendu plus de 100 000 Scrambler, c’est un gros succès.

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MNC : Justement, entrer dans la famille Ducati n’est pas "aisé" avec un Monster qui démarre à 12 300 euros. Ni même chez Scrambler, dont le ticket d’entrée s’élève à 11 000 euros. C’est cher pour débuter !
F. M. :
Nous sommes en plein essor. Et nous piquons aussi des clients aux autres marques. En 2022, le marché a baissé, mais nous avons progressé. Je reconnais que nos machines ne sont pas bon marché, mais nous ne voulons pas proposer de motos au rabais. En Italie, de nombreuses marques sont arrivées dernièrement sur l’entrée ou le bas de gamme, notamment en provenance d’Asie.

Mais parallèlement, nos motos sont devenues bien plus accessibles, confortables, fiables. Nous avons gardé nos performances au sommet, mais nos motos sont bien plus exploitables. Si je compare ma précédente 1199 à mon actuelle V4 SP, "pffff", il n’y a pas match. Idem pour les Hypermotard, Diavel... sans oublier la Multistrada V4 bien sûr : tout est si doux...

"Nos motos sont devenues bien plus accessibles, confortables, fiables"

MNC : Et tout est garanti 4 ans.
F. M. :
Exactement. Et les révisions sur la Multi sont espacées de 60 000 km.

MNC : Pour conclure et vous laisser filer, enfin, comment imaginez-vous Ducati, dans 25 ans ?
F. M. :
Je sais que l’entreprise gardera son âme. Les motos seront peut-être toutes électriques, bien plus connectées et sophistiquées. Mais il est certain que, ne serait-ce qu’à la forme, vous pourrez comprendre que c’est une moto italienne, performante et cool.

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MNC : Et vous, que ferez-vous dans 25 ans ?
F. M. :
Je me vois bien produire de l’huile d’olive, près de la mer (rires). Je ne sais pas ! J’adore ma ville d’origine, j’y ai quelques oliviers et j’adore produire une quantité limitée et numérotée d’huile d'olive vierge extra !

MNC : Merci beaucoup, c’était un grand plaisir de parler avec vous.
F. M. :
Merci à vous, c’était mon plaisir. Je dois reconnaître que j’ai aimé beaucoup de vos questions, vraiment. Vous connaissez très bien votre sujet.

MNC : C’est la Moto-Net Touch. Grazie Mille !

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