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Faro (Portugal), le 20 décembre 2021

Essai Triumph Tiger 660 Sport : des atouts plein la Manche

Essai Triumph Tiger 660 Sport

Un semi-carénage avec bulle réglable, des suspensions rehaussées, une position redressée : et voilà la Triumph Trident 660 transformée en Tiger 660 Sport pour "Tracer" sa voie chez les roadsters routiers haut sur pattes ! Essai de cette nouveauté d'outre-Manche bourrée d'atouts… et de quelques limites.   

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Essai Tiger 660 Sport page 1 : félin pour l'autre ?

Albufeira (Portugal) à la mi-décembre, c'est un peu Disneyland pour le motard : soleil éclatant, 18°C et une vue plongeante sur l'Atlantique. D'un côté du casque, des plages encerclées de majestueuses parois rocheuses. De l'autre, des routes tortueuses et désertes dans la campagne montagneuse d'Algarve… Sûr que ça change du périph' glacé, bondé et "radarisé" !

Un tel environnement mérite une moto à l'avenant : une machine de moyenne cylindrée si possible, car plus légère et accessible. Mais avec du moteur, tout de même : même si le paysage est magnifique, pas question de rester "scotché" entre deux séances contemplatives !  

Un roadster ? Oui, bonne idée... Sauf que l'aspect "tout-dans-la-quiche" jette littéralement un froid au regard des rafales de vent frais en provenance de l'océan, surtout en début et fin de journée. Et puis un peu de confort supplémentaire ne saurait nuire, tandis qu'un grand guidon favoriserait l'improvisation dans les épingles bordées de pins et d'orangers.

Bref la moto idéale serait un roadster de 600 à 750 cc réactif et ludique, mais avec un habillage et une ergonomie revisités pour tailler la route. Bonne pioche : c'est exactement le crédo de la Tiger 660 Sport qui nous tend les poignées ! Cette nouvelle Triumph dévoilée mi-octobre se veut l'interprétation "trail-GT" de la Trident 660, exactement comme le fait Yamaha avec sa populaire Tracer 7.

A l'instar de sa cible désignée, la Tiger 660 Sport est davantage un roadster "haut sur pattes" qu'un trail : en témoignent ses jantes à bâtons de 17 pouces en 120 et 180 mm, son moteur dépourvu de sabot, son court silencieux en sortie basse exposé aux chocs ou encore l'absence de pare-mains et de porte-bagages de série (liste et prix des options dans notre Fiche technique en page 3). 

Son trois-cylindres de 660 cc "A2 approved" est repris tel quel à la Trident 660 - par ailleurs la meilleure vente de Triumph en France cette année avec plus de 1900 immats -, ce qui lui permet de revendiquer fièrement le titre de "moto la plus puissante de sa catégorie" avec 81 ch et 64 Nm (détails en photos légendées en page 2).

Idem pour sa partie cycle : cadre tubulaire acier et périphériques sont identiques, à l'exception de la boucle rallongée et renforcée qui intègre de série des poignées et supports de valises. Selle plus spacieuse,  guidon élargi et relevé,  bras oscillant allongé et débattements portés à 150 mm avant-arrière (120 et 133 mm sur Trident) sont aussi au programme. Son amortisseur intègre par ailleurs une pratique mollette déportée pour ajuster sa précontrainte.

Toutes ces modifications contribuent à l'élégante prestance de la Tiger 660 Sport, dont le charme raffiné établit une nouvelle référence dans la catégorie : la Triumph est une belle moto aux lignes fluides, à l'opposée des traits torturés de certaines rivales (coucou Versys 650 et Tracer 7 !). Seule la consensualité de son faciès peut lui reprochée, avec ses phares en amande… comme sur une moto japonaise, pour le coup !

La Triumph frappe également très fort en matière de qualité perçue : son assemblage "Made in Thaïlande" force l'admiration avec ses ajustements millimétrés, ses soudures impeccables, ses gaines et câbles parfaitement regroupés et dirigés, ses carters moteur bicolores, ses pratiques valves coudées et ses écopes qui dissimulent esthétiquement son radiateur. A 9095 euros, elle ne craint personne sur ce plan !

Ses suspensions Showa et son tableau de bord mi-LCD, mi-TFT couleurs concourent aussi à cette perception positive. MNC regrette cependant qu'une moto routière de ce standing fasse l'impasse sur un levier d'embrayage réglable, une prise, un vrai coffre - le gilet jaune passe juste sous la selle -, voire un vide poche et des commodos rétro-éclairés. Dommage aussi que son échappement sous le moteur la prive d'une béquille centrale pour entretenir sa chaîne…

Au guidon de la Tiger 660 Sport 

"Very easy", la prise en mains du nouveau Tigre d'Hinckley ! La Tiger 660 Sport se veut accueillante pour le plus grand nombre, même si sa redoutable compacité favorise les motards de taille moyenne : les plus grands manquent d'espace pour détendre leurs jambes, comme souvent avec des motos de moyenne cylindrée. Surtout quand elles dérivent d'un roadster aussi menu que la Trident !

 

Un pilote d'1m75 pose les pieds à plat de chaque côté, malgré sa selle relevée de 805 à 835 mm et son réservoir plus volumineux (17,2 l Vs 14 l sur Trident). L'arcade est judicieusement préservée par le biais du rétrécissement de l'avant de l'assise et des échancrures du réservoir. La selle passager surélève agréablement l'invité(e), en plus de lui ménager un espace correct et des poignées accessibles (MNC a testé à l'arrêt, mais pas en roulant).

Le guidon de 834 mm (+ 49 mm Vs Trident) tombe idéalement dans les gants, tout en redressant le buste à la verticale aux bénéfices du confort. Même satisfaction concernant le réglage de hauteur - sur 8,3 cm - du pare-brise : il suffit de tendre la main vers l'arceau au bas de la bulle, puis d'exercer une pression vers le haut ou bas.

Simple et fonctionnel, ce mécanisme à crans émet en revanche des craquements désagréables lors de son coulissement... Sa protection laisse par ailleurs apparaître des limites : si le buste et les épaules sont convenablement abrités, ce n'est pas le cas de la tête qui reste trop exposée.

La déflexion atteint péniblement le niveau des yeux d'un pilote d'1m75 : impossible, donc, de rouler avec un casque modulable en position ouverte au-dessus de 90 km/h (à 4000 tr/mn en 6ème, soit dit en passant). Des turbulences au sommet de la tête se font par ailleurs ressentir au-delà de 130 km/h (6250 tr/mn) : dommage, ça se joue à pas grand-chose.

Les premières manoeuvres valident un bon rayon de braquage et un poids relativement contenu (206 kg Vs 196 kg pour la Tracer 7), ainsi que l'exquise sonorité du "Triple" : le moteur ronronne sourdement et sans ce sifflement des anciennes générations de Triumph, please ! Sa mélodie rocailleuse est plus ronde et agréable qu'un twin. 

Bien qu'un poil collante à basse vitesse, la Tiger 660 Sport fait preuve d'un agrément prometteur sur ses aptitudes routières. A ce stade, MNC ne lui reproche que son levier d'embrayage assez ferme et trop éloigné, sa sélection également assez rêche et le format en "cuvette" de sa selle : les petits et moyens gabarits glissent vers l'avant, qui manque par ailleurs de rembourrage. Revers de l'accessibilité…

Les pilotes d'1m80 et plus n'éprouvent pas le même inconfort, car ils peuvent se reculer sur la partie plus spacieuse et plus épaisse. Grands comme petits apprécieraient en revanche des caoutchoucs sur les repose-pieds pour filtrer les légères vibrations perceptibles dans les bottes - et le guidon - après les mi-régimes. Rien de rédhibitoire, cependant.

Un Tigre dans le moteur !

Le trois-cylindres de la Tiger 660 est dirigé par un accélérateur sans câble et deux modes de conduite (route et pluie), qui influent sur la réactivité de l'accélérateur et de l'antipatinage de série. Autant le dire tout net : ce moteur est une réussite, avec une disponibilité de tous les instants et du peps à revendre dans les tours !

Hyper souple, il reprend sans broncher à 25 km/h en troisième et relance comme qui rigole à seulement 40 km/h en sixième : les évolutions en ville y gagnent en simplicité, car peu importe le rapport engagé ! De quoi faire abstraction de la rugosité de son ensemble "embrayage/sélection".

Le calibrage réussi de son "ride-by-wire" offre un dosage précis de l'accélération, tandis que sa transmission par chaîne est - heureusement - vierge du moindre à-coups. La Tiger fait "3-pattes" de velours ! Cette confortable rondeur se poursuit entre 2000 et 4000 tr/mn avec des relances sympathiques au regard de sa cylindrée, à défaut d'être très démonstratives. 

Sa poussée dans le premier tiers du compte-tours est ainsi moins explosive que celle du bicylindre de la Tracer 7, mais autrement plus consistante que celle du 4-cylindres de CB650R. Le "3-pattes" offre un subtil compromis entre ces deux architectures mécaniques : moins rugueux que le premier et moins creux que le second.

Puis le "Tiger" sort les griffes et s'énerve un bon coup au passage des 5000 tours, comme pour dire : "maintenant, fini de musarder" ! Ses envolées deviennent même ultra-toniques entre 7000 et 10 000 tr/mn, soit une belle plage d'exploitation qui se termine par une allonge carrément sportive. Le cravacher dans les tours est un régal dans les portions sinueuses.

C'est un moteur à deux facettes, mais avec du répondant en toutes circonstances : "90%" de son couple serait disponible entre "3600 et 9750 tr/mn", selon Triumph. Au point de parfois évoquer une plus grosse cylindrée, sentiment flatteur renforcé par l'étagement assez court des trois premiers rapports alors que la 5ème et 6ème sont moins réactives car davantage démultipliées. 

Tiger Sport, vraiment ?

Une chouette moto, un moteur rigolo et punchy : que demander de plus ? De bonnes suspensions et un freinage à l'unisson, pardi ! Hélas, le bât blesse précisément sur ces aspects sur la Tiger 660 Sport malgré la note prestigieuse apportée par son accastillage Showa et Nissin…

Sa fourche manque de maintien hydraulique en deuxième partie de course, tandis que son amortisseur fait à l'inverse preuve de raideur sur les chocs d'intensité moyennes à fortes. Ce singulier manque de cohésion - rare chez Triumph - est à l'origine de transferts de masse mal maîtrisés et de réactions imprécises en conduite sportive.

Saine et prometteuse à rythme tranquille, la Tiger 660 Sport laisse très - trop - vite apparaître ses limites lorsque l'allure augmente : elle préfère l'anticipation à l'improvisation, à plus forte raison sur mauvais revêtement. Les bosses font ressortir la sécheresse de son amortisseur - ainsi que de la partie avant de sa selle -, au détriment du confort et de la tenue de cap.

La Triumph préfère les trajectoires toutes en rondeur avec un minimum de contraintes sur ses suspensions, aux entrées en virages debout sur les freins suivies d'une inclinaison autoritaire. D'autant que son freinage manque justement de progressivité : les étriers avant 2-pistons offrent des réactions "On-off", tout comme la pédale droite. La puissance considérable déboule d'un seul coup, ce qui n'arrange pas les affaires de la fourche ni de l'ABS…

Ce freinage brutal car difficile à doser accélère l'écrasement trop précipité de la fourche, qui n'assure pas son rôle de "tampon" : toute la charge est transmise au Pilot Road 5, ce qui provoque des efforts supérieurs aux seuils de tolérance de l'ABS. La direction se met alors à "piocher" sous l'effet des successions de relâchements de la pression commandés par la centrale antiblocage.

Le phénomène apparaît également à l'arrière, ce qui tend à suggérer que cet ABS n'est peut-être pas le plus efficace du marché : son déclenchement paraît trop précipité et surtout trop long, ce qui ne manque de faire piquer une bonne suée quand la précision directionnelle est soudainement affectée par son entrée en action !

La solution consiste à équilibrer l'assiette de la Tiger 660 Sport avant de l'inscrire en courbes, en combinant l'action de son frein moteur à celles de ses étriers Nissin. La Triumph, moins malmenée, dévoile alors de réelles qualités dynamiques dont un châssis de premier plan.

La moto est d'une stabilité exemplaire dans les courbes rapides et bénéficie d'une motricité redoutable, qui rend son antipatinage inutile sur sol sec. Réactive aux ordres, elle gagnerait cependant en maniabilité avec un pneu arrière moins large : 180 mm pour une 660 cc de 80 ch, ce n'est ni indispensable ni économique…

Verdict : bonne moto, routière à améliorer

Cette nouvelle Tiger 660 Sport souffle le chaud et le froid avec ses indéniables qualités et son sex-appeal, qui sont hélas ternis par quelques lacunes pratiques et - surtout - un amortissement perfectible. Étonnant de la part de Triumph qui aurait pu (dû) tirer son épingle du jeu face à une Yamaha régulièrement critiquée sur ce point.

Par ailleurs, si cette nouveauté est très bien placée dans sa catégorie (voir les rivales en page 2), MNC estime qu'une moto de 660 cc à 9095 euros n'est pas spécialement bon marché. Ce n'est pas propre à Triumph : le constat est aussi valable pour sa rivale Yamaha à 8899 euros. Demain, les 600/700 cc coûteront le prix d'une 1000 cc d'hier !

Gare aussi aux risques de cannibalisation ou d'incompréhension de la gamme Tiger Triumph, qui comprend la Tiger 660 Sport et - depuis peu -  la Tiger 850 Sport aux arguments très proches (85 ch et 11 500 euros), puis les Tiger 900 et Tiger 1200 davantage orientés tout-terrain. "Maman tigre" doit à peine y retrouver ses petits ! 

D'où la question de son appellation "Tiger" : pourquoi donner une connotation aventure à cette moto exclusivement routière ? De même, et c'est une surprise, le qualificatif "Sport" n'apparaît pas vraiment justifié au regard de ses limites en conduite très sportive…Un comble.

  • Suite de notre essai Tiger 660 avec nos photos légendées en page 2

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CONDITIONS ET PARCOURS

 
  • Modèle avec 1755 km au départ 
  • Options : peinture rouge et poignées chauffantes
  • Parcours :  250 km (essentiellement réseau secondaire autour de Faro)
  • Pneus : Michelin Pilot Road 5
  • Conso moyenne : non mesurée (5,1 l/100 km à rythme élevé, selon ordi de bord)
  • Problèmes rencontrés :  allumage intempestifs des voyants moteur et ABS 
 
 
 

POINTS FORTS TIGER 660 SPORT

 
  • Moteur onctueux et tonique
  • Châssis sain et stable
  • Technologies et finitions flatteuses
 
 
 

POINTS FAIBLES TIGER 660 SPORT

 
  • Amortissement médiocre 
  • Freins avant et arrière difficiles à doser
  • Confort et protection perfectible 
 
 
 

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