L'assureur AXA Club 14 vient de formuler 14 propositions visant à sécuriser les motards pour améliorer la pratique de la moto en France. Pour Moto-Net, le délégué interministériel à la sécurité routière Rémy Heitz les a passées en revue.
L'assureur AXA Club 14, qui revendique "300 000 adhérents" en France, vient de formuler 14 propositions visant à améliorer la pratique de la moto et à sécuriser les motards. Pour Moto-Net, le délégué interministériel à la sécurité routière Rémy Heitz a accepté de les passer en revue.
Les 14 propositions émises par l'assureur AXA via AXA Prévention et Club 14 prennent en compte trois facteurs : la machine, le motard et son comportement.
Feux de jour
Contrairement à la Mutuelle des Motards qui s'est clairement prononcée contre l'expérience (lire Moto-Net du 29 octobre 2004), Club 14 ne recommande pas l'abolition de cette mesure et précise qu'en cas d'adoption de l'allumage des feux de jour pour les automobilistes, il sera nécessaire de "trouver le moyen d'identifier différemment les deux-roues". Le discours est particulièrement policé et Serge Morelli, président de Club 14, rappelle que "ce n'est qu'à la rentrée 2005 que l'on pourra apprécier l'efficacité de la campagne des feux de jours".
Philippe Monneret (ancien pilote, patron des moto-écoles du même nom et commentateur sur Eurosport), insiste sur le fait que "la route se partage, on ne peut pas refuser plus de sécurité pour les automobilistes". AXA cite notamment l'exemple de la navigation maritime, qui prévoit des codes couleur et des rythmes de clignotement différents selon les catégories de bateaux et de cargaisons.
Verra-t-on prochainement sur nos montures des clignotants rouges à bâbord et verts à tribord ? Ou des feux oscillants en haut d'un grand mât montés en série sur les nouveautés du Mondial 2005 ? " Une évaluation de l’expérimentation est en cours. Il faut travailler à identifier différemment les motocyclistes", estime de son côté le délégué interministériel à la sécurité routière, Rémy Heitz.
Voies de bus
Concernant la circulation dans les couloirs de bus, Philippe Monneret estime "dommage qu'elle soit interdite en partant du principe que les motards ne respecteront pas les limites de vitesse. Il faut faire confiance aux motards respectueux, quitte à verbaliser ceux qui ne respectent pas les règles".
Le deuxième argument qui va à l'encontre de cette solution est la présence dans les couloirs de nos cousins cyclistes : la cohabitation avec les deux-roues non motorisés est pourtant possible, comme nous avions pu le voir lors de nos interviews de cyclistes parisiens (lire Moto-Net du 9 novembre 2004). "Le problème est la différence de vitesse : en limitant celle-ci à 35 ou 40 km/h, les risques seraient très limités" avance l'ancien pilote.
Le délégué interministériel, lui, préfère botter habilement en touche en indiquant que "cette décision est du ressort des collectivités locales".
Remontée des files
Interdite par le code de la route, la remontée des files est abondamment pratiquée par les conducteurs de deux-roues. Comme le souligne Monneret, si l'on conçoit la moto comme un outil efficace en milieu urbain, il est "idiot" de ne pas pouvoir le faire ! Eric Le Maire, président d'AXA Prévention, ajoute même qu'il "serait bien de pouvoir identifier un couloir".
AXA Prévention et Club 14 proposent donc que les motards puissent remonter "entre les deux voies les plus à gauche, en ne dépassant que très légèrement la vitesse du flot des voitures et en respectant les automobilistes qui voudraient, par exemple, changer de file".
La pratique n'est déjà pas considérée comme un délit en Belgique et aux Pays-Bas. En Suisse, une pétition regroupant 17 524 signatures a été déposée en ce sens à Berne par le Groupe parlementaire moto et la Communauté d'intérêts motards.
Prudent, Rémy Heitz préfère ne pas se prononcer car "un groupe de travail étudie actuellement le dossier. ". Malgré tout, la matérialisation d'un couloir lui "semble compliquée sur le plan technique. Il faut faire très attention à ce que nous faisons", explique-t-il à Moto-Net, rappelant par ailleurs que "beaucoup d'accidents ont lieu lors de cette pratique, d'où nos contrôles accrus qui visent à sanctionner les conduites à risque"...
Stationnement en ville
Autre sujet en vogue ces derniers temps : le stationnement des deux-roues en ville (lire Moto-Net du 9 juin 2004 et Moto-Net du 28 juin 2004). AXA estime qu'il faut "soit multiplier les espaces sur la chaussée, soit accepter le stationnement des deux-roues sur les trottoirs moyennant règles et aménagements". Rémy Heitz est naturellement "pour la résolution de ce problème", mais précise que "ce sujet concerne les collectivités locales et non l'Etat"...
Jeunes permis
La cinquième proposition concerne l'application du décret du 4 juillet 1996, qui règlemente le rapport poids/puissance des deux-roues. Selon AXA, la mesure concernant la limite de 25 KW (ou 34 ch) "présente quelques inconvénients" : l'offre réduite de motos de moins de 34 chevaux, un bridage aux techniques limitées et faciles à contourner et l'apprentissage dans les motos écoles sur des machines non bridées à 34 ch. La proposition consiste donc à "remplacer, pendant la période probatoire pour les moins de 21 ans, la limitation à 34 ch par une nouvelle mesure de délai probatoire quel que soit l'âge : le rapport poids/puissance".
Pour Philippe Monneret, il s'agit de "faire quelque chose de plus logique : pourquoi apprendre sur une moto qui développe 50 à 60 chevaux et conduire pendant deux ans une 34 ch ?". C'est selon leur rapport poids/puissance que les modèles de motos seraient ou non accessibles aux nouveaux permis. Une autre proposition préconise également l'accès progressif à la puissance, par le biais de stages de pilotage... chez Monneret par exemple !
" La directive européenne sur le permis de conduire en discussion prévoit un réaménagement de l’accès progressif à la moto, notamment avec une puissance portée de 34 à 50 CV. Il n’est pas prévu de mettre en place un système d’accès progressif comportant plusieurs niveaux de puissance selon l’âge du conducteur. Un tel système serait trop lourd à créer et surtout à gérer, c'est pourquoi je pense que les constructeurs et les assureurs ont un rôle important à jouer", estime de son côté Rémy Heitz.
Contrôle technique
Face à un parc moto vieillissant et à des motards "de plus en plus nombreux à ne pas être à même d'entretenir seuls leur machine", AXA et Club 14 proposent un "contrôle technique non imposé qui pourrait conduire à un système de prime pour les conducteurs qui font fréquemment contrôler leur moto". Une idée à laquelle Rémy Heitz n'adhère pas particulièrement : "nous ne souhaitons pas alourdir le coût d'utilisation de la moto", promet-il...
Ouvrez les circuits !
AXA reprend également à son compte les initiatives d'ouverture des circuits français. Lancé dès 2002 par la Mutuelle des Motards sous l'impulsion de Christophe Guyot, le dossier n'a guère avancé depuis (lire Moto-Net du 19 octobre 2002 et Moto-Net du 12 mai 2004).
Interrogé par Moto-Net sur ce retard dans l'avancée du dossier, Rémy Heitz évoque "les difficultés d'ordres financier et structurel auxquelles nous nous heurtons. L'Etat subventionne de telles actions même si cela reste d'une portée limitée. Des partenariats locaux et nationaux permettent de faciliter l'accès aux circuits. La question est de démontrer l'impact de ces actions dans l'avancée de la sécurité routière"...
Prévention, équipement et respect des règles
AXA préconise encore l'instauration d'un "stage de conduite pour les permis B désirant passer à la 125" et rappelle la nécessité de "s'équiper complètement" et de "porter correctement le casque", deux impératifs largement soutenus par Rémy Heitz, dans la mesure où ils collent parfaitement à la campagne officielle de la Sécurité routière sur la fragilité des deux-roues (lire Moto-Net du 3 juin 2005). Le respect des normes antibruit est également encouragé par Rémy Heitz, même s'il "regrette qu'une quinzième proposition ne prône pas le respect des règles en général, des limites de vitesse en particulier...".
L'aménagement des infrastructures routières et le doublement des glissières de sécurité font aussi partie des propositions d'AXA. Rémy Heitz rappelle à cette occasion que "trois millions d'euros seront dépensés dans le cadre du doublement des glissières cette année".
Pour tenter de faire passer ses 14 propositions, Club 14 a tout récemment intégré le Conseil national de la sécurité routière (CNSR, lire Moto-Net du 26 octobre 2001) et compte faire entendre sa voix et celles de ses "300 000 adhérents". On se souvient pourtant des lourdeurs rencontrées par la FFMC au sein de ce même conseil, qui en avait claqué la porte l'an dernier (lire Moto-Net du 7 avril 2004)...
Club 14 pourra-t-il mieux faire entendre la voix des motards auprès des pouvoirs publics, médias et autres organismes "TF1 approved" ? En attendant, Rémy Heitz se félicite de cette nouvelle arrivée : "nous devons travailler avec l'ensemble du monde de la moto (constructeurs, concessionnaires, utilisateurs, assureurs...). Nous travaillons également avec Club 14, qui est un interlocuteur pertinent".
Enfin, interrogé sur le maintien des "Etats généraux de la moto" proposés par Gilles de Robien, l'ex-ministre des transports aujourd'hui reconverti dans l'éducation nationale (lire Moto-Net du 10 mai 2005), le délégué interministériel explique qu'il "ne peut pas le dire pour le moment, car un point doit être fait avec M. Perben (ancien ministre de la justice devenu ministre des transports, NDLR), mais il n'y a pas de raison qu’ils n'aient pas lieu".
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