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INTERVIEW EN VERT
Paris, le 21 mai 2008

Rencontre avec Michael Bartholemy, responsable compétition MotoGP chez Kawasaki

Rencontre avec Michael Bartholemy, responsable compétition MotoGP chez Kawasaki

Au plus haut niveau du sport moto, rares sont les managers qui se livrent sans retenue ou calcul : c'est pourtant le cas de Michael Bartholemy, qui a accepté de revenir avec lucidité et franchise sur le début de saison délicat des Verts. Interview.

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Nommé responsable de la compétition fin 2006, suite à la séparation entre Kawasaki et Harald Eckl, Michael Bartholemy s'est jeté avec énergie dans la quête du Graal pour l'illustre usine d'Akashi. Objectif : briller en catégorie reine et se battre pour le titre !

Interview Moto-Net.Com : rencontre avec Michael Bartholemy, responsable compétition MotoGP chez KawasakiPour autant, l'ex-structure de Randy de Puniet a jusqu'à présent connu des fortunes pour le moins contrastées (lire Moto-Net.Com du 8 janvier 2008) et le belge de 39 ans n'a jamais caché son désir de rebondir cette année, grâce notamment à la signature du talentueux John Hopkins et au maintien de l'opiniâtre Anthony West en second pilote.

Las ! Une blessure de l'américain dès les essais hivernaux (lire Moto-Net.Com du 1er février 2008) ajoutée à un châssis en délicatesse et à un soudain manque de performances d'Anthony West ont quelque peu pénalisé le team officiel : malgré les efforts de toute l'équipe, les résultats ne sont pas au rendez-vous depuis le début de la saison.

Pour ne rien arranger, l'apparition d'un zeste de malchance en France (Hopper a cassé sa chaîne au Mans et West a souffert de réglages inadéquats de sa machine) n'arrange pas les affaires des Verts au classement général...

Interview Moto-Net.Com : rencontre avec Michael Bartholemy, responsable compétition MotoGP chez Kawasaki


Résultats Kawasaki 2008
John Hopkins n°21 Anthony West n°13
Qatar 12ème 16ème
Jerez 7ème 13ème
Estoril 5ème 16ème
Shanghai 14ème 17ème
Le Mans Abandon 14ème
Général 11ème (26 points) 18ème (5 points)

Moto-Net.Com : Pourquoi votre équipe rencontre-t-elle autant de difficultés depuis le début de la saison ?
Michael Bartholemy : Après les essais à Valence, nous étions assez confiants. Certes, John exigeait une moto complètement différente de celle de Randy ou de Shinya, mais le développement fut rapide et efficace durant l'hiver. Malheureusement, la chute en Australie nous a fait perdre beaucoup de temps : environ un mois et demi dans le programme. C'est pourquoi au Qatar, nous avons souffert... Nous n'étions pas au niveau et John non plus : il n'arrivait pas à bien se placer sur la moto. Ensuite, la course de Jerez fut délicate car nous n'avions pas pu figer le bon choix de pneus, tandis qu'à Estoril le résultat fut satisfaisant pour John. Je pensais que nous mettrions 1 mois et demi après le début de la saison pour revenir au niveau, c'est-à-dire au GP de Chine, mais nous sommes passés complètement à côté...

M.-N.C. : Il est vrai que sur le tracé de Shanghai, vos pilotes sont apparus en grande difficulté ! Que s'est-il passé durant ce week-end ?
M. B. : En vérité, nous étions plutôt rapides avec les pneus de qualification, mais malheureusement John a manqué de réussite avec ses trois pneus : avec le premier il s'est loupé, avec le deuxième il a tiré tout droit au freinage de la ligne droite et enfin lors de son dernier essai, il a chuté ! Ce qui veut dire que nous étions relégués assez loin sur la grille, forçant John à tout donner dès les premiers mètres... Mais il s'accroche avec Alex de Angelis, tombe et repart avec dix secondes de retard.

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M.-N.C. : Anthony West et John Hokins ont mentionné des problèmes de traction sur la ZX RR après cette course et le problème semble récurent pour l'australien depuis le début de la saison. Qu'en est-il réellement ?
M. B. : C'est exact que nous avons connus des soucis à ce niveau. Jusqu'à présent, nous n'avions pas rencontré ce problème - que ce soit en essais ou en courses -, mais là je pense que nous n'avions pas le réglage idéal pour la course. Pour Anthony, OK, c'est vrai qu'il y a un souci. Quand on a vu ce qu'il avait été capable de réaliser en 2007, puis ses performances durant l'inter saison et les dernières courses, nous avons été déçus car ce n'est pas ce que nous attendions de lui ! Maintenant, je ne suis pas quelqu'un qui baisse facilement les bras dès que tout ne fonctionne pas bien ! Nous avons changé beaucoup de choses dans l'organisation, Anthony habite désormais à côté de chez moi, nous faisons du moto cross ensemble et je l'entraîne personnellement.

M.-N.C. : Pensez-vous qu'il réussira à revenir au niveau ?
M. B. : Peut-être est-il déjà trop tard effectivement, mais ça on ne peut pas le savoir aujourd'hui... De mon côté, je vais faire le maximum pour l'aider et on verra sur les cinq, six prochaines courses s'il est capable de revenir. Pour autant, je suis réaliste : je sais qu'Anthony n'est pas un pilote qui est capable de gagner une course sur le sec, nous le savions en l'embauchant. Mais il doit au moins se rapprocher et essayer de terminer entre la huitième et la dixième place lors d'une course "normale", et réaliser un coup d'éclat lors d'une course sur le mouillé. C'est ce que nous attendons de lui cette saison, car il n'est pas ici pour rouler à la dernière position.

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M.-N.C. : John et Anthony ne semblent pas rencontrer les mêmes problèmes avec la moto. Est-ce dû aux différences de pilotage entre les deux pilotes ?
M. B. : John est très "souple" avec la moto, tandis qu'à l'inverse Anthony est très brutal. Ce qui signifie qu'en sortie de virage, il sollicite tellement l'arrière de la machine qu'il patine beaucoup et il se plaint alors d'un manque de traction. Son problème réside dans les enchaînements de virages, car s'il ressort mal du premier, il est mal placé pour le suivant et les soucis s'accumulent. Ils ont vraiment deux styles de pilotage très différents et c'est pourquoi Anthony est le seul - mis à part en Chine - à souffrir de ce problème de traction.

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M.-N.C. : Qu'en est-il du développement du moteur "screamer" (lire Moto-Net.Com du 29 février 2008 ) ?
M. B. : Pour tout vous avouer, la semaine dernière en essais, Olivier Jacque a réussi pour la première fois à rouler plus vite avec la moto screamer qu'avec celle utilisée en course actuellement ! Désormais, la machine ne va pas seulement plus vite en ligne droite mais sur l'ensemble d'un tour de notre circuit d'essais à Autopolis (au Japon, NDLR). Mais il nous faut plus d'informations pour savoir comment la machine va se comporter en course. L'idéal, selon moi, serait de l'aligner au départ de la saison 2009 : cela permettrait aux pilotes de s'y habituer.

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M.-N.C. : Pourquoi ne pas profiter du troisième pilote engagé lors des courses de Laguna Seca (le 20 juillet) et d'Indianapolis (le 14 septembre) pour étalonner cette nouvelle motorisation en course ?
M. B. : Le souci dans ce cas, c'est qu'on travaillerait en même temps sur deux concepts moteurs différents et ce, pendant un week-end de course : cela risque de faire beaucoup trop de travail pour les ingénieurs et l'équipe ! Qui plus est, Laguna Seca se situe au milieu d'un planning très chargé : il y a beaucoup de courses qui se suivent et notre programme d'essais avec Olivier est déjà très ambitieux !

M.-N.C. : Justement, comment se déroulent ces essais avec Olivier Jacque ? Sur quels axes de travail se concentre t-il ?
M. B. : Olivier est le pilote d'essais le plus rapide du monde ! Il est le seul à avoir un rythme encore suffisamment proche des temps actuels et ça nous permet d'avoir un retour d'informations très fiables. Il faut savoir qu'outre le screamer, Kawasaki a créé un tout nouveau châssis pour les besoins de John Hopkins : les pilotes issus de la 250, comme Randy et Shinya, sollicitent énormément l'avant de la machine, alors que John freine très tard et prend beaucoup d'angle en courbe. Les forces exercées sur la moto ne sont plus les mêmes et c'est ce qui nous a obligés à revoir notre châssis. L'exemple de l'interaction entre nos pilotes d'essais et de course s'est illustré juste avant Estoril : Olivier a essayé un châssis et il nous a dit "celui-ci devrait plaire à John". On a mis ce modèle dans une voiture en direction d'Estoril et John termine 5ème !

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M.-N.C. : L'embrayage semble être la bête noire de Kawasaki depuis la saison dernière... Avez-vous trouvé des solutions ?
M. B. : C'est vrai que nous avons eu des problèmes avec l'embrayage, notamment en phases de départs et d'entrées en courbe. C'était l'un des points les plus problématiques pour John : en début d'année, nous avons examiné différentes solutions pour éradiquer ce souci et notre partenaire qui s'occupe de l'embrayage de la moto a fini par trouver une solution il y a environ un mois. Vous savez, il nous manque 20 ans d'expérience de la course au plus haut niveau : Kawasaki s'est retiré de la catégorie reine en 1983 et n'est revenu qu'en 2003, ce qui explique pourquoi nous avons parfois besoin d'un peu plus de temps pour résoudre certains problèmes.

M.-N.C. : Quel est le budget d'un team d'usine comme Kawasaki en MotoGP ?
M. B. : En fait, ça dépend aussi du budget pilotes ! Si l'on met, par exemple, Valentino Rossi dans un team, le coût va forcément grimper en flèche ! Mais en moyenne, je dirai que ça se situe entre 40 et 80 millions de dollars par an, salaires des pilotes compris.

M.-N.C. : Quels ont été les critères de choix pour signer John Hopkins ?
M. B. : L'année dernière, je voulais absolument un top pilote, or il n'y en a pas dix en MotoGP ! Au mois d'avril, j'ai dit à l'usine "le meilleur choix, c'est John Hopkins" et effectivement, il a terminé le championnat 4ème derrière Stoner, Pedrosa et Rossi, des pilotes qu'il était impossible d'embaucher de toute façon car ils étaient sous contrat.

Interview Moto-Net.Com : rencontre avec Michael Bartholemy, responsable compétition MotoGP chez KawasakiM.-N.C. : Le fait d'avoir toujours choisi des pilotes rapides et prometteurs, mais qui n'ont jamais gagné de course en MotoGP, n'a-t-il pas constitué un frein au développement de Kawasaki depuis 2003 ?
M. B. : Quand on voit le team et ses résultats de l'extérieur, c'est toujours assez facile de critiquer, mais il faut parfois aller un peu plus loin que les apparences pour bien appréhender la situation ! Jusqu'à la fin de la saison 2006, il n'y avait aucun pilote qui voulait rouler avec notre machine ! Au GP d'Estoril, je suis même allé voir Casey Stoner et je lui ai fait une offre sûrement quatre fois plus élevée que celle de Ducati, mais il a choisi la Ducati et il a fait le bon choix, car à ce moment là c'était certainement la meilleure moto. Ce qui veut dire que nous avons toujours pris les meilleurs pilotes qui voulaient bien rouler chez nous : Shinya et Randy, par exemple. C'est pourquoi dès que la moto est devenue plus compétitive, j'ai dit à l'usine que nous devions franchir une étape.

M.-N.C. : En quoi consistait cette étape et quelle fut la réaction de Kawasaki à votre demande ?
M. B. : Juste avant d'aller en Turquie l'année dernière, je suis allé au Japon et j'ai demandé à l'usine s'ils souhaitaient que nous gagnions des courses ou simplement faire des ronds sur la piste... Là, au vu des progrès réalisés par la moto, l'usine a décidé de mettre un plus gros budget pour les pilotes et j'ai pu assurer John relativement tôt. Bien sûr, pour être à 100% honnête, j'aurais aimé signer un pilote qui a déjà remporté plusieurs Grand Prix, mais il ne faut pas se voiler la face : il ne suffit pas de proposer un guidon d'usine et plein de bonne volonté, c'est la guerre à tous les niveaux en MotoGP !

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