Déclarations et analyse du Superbike à Sepang

Depuis son arrivée au sein du team officiel Aprilia cet hiver (lire MNC du 13 novembre 2013), Marco Melandri n'avait de cesse de répéter qu'il ne sentait pas sa nouvelle monture, qu'il lui fallait encore - et encore ! - adapter son style de pilotage à la RSV4... et inversement !

Samedi, en dépit du fait qu'il connait le tracé de Sepang sur le bout des gants pour y avoir bouclé un nombre inestimable de tours au guidon de protos de MotoGP - à l'occasion de Grand Prix mais aussi de nombreux essais hivernaux -, le célébrissime n°33 ne se qualifiait qu'au milieu de la deuxième ligne de la grille de départ, derrière Toni Elias et son Aprilia privée...

Le lendemain toutefois, Melandri redressait nettement le tir et pointait en deuxième place de la feuille des temps du warm up matinal, à deux dixièmes du Ninja Tom Sykes. Or la hausse graduelle de la température (plus de 40°C dans l'air et jusqu'à 60°C sur la piste !) n'a en rien enrayé la belle mécanique italienne.

Marco a été le seul pilote à descendre sous les 2' 05 lors des deux courses dimanche. Parti prudemment à chaque fois, il est progressivement monté en puissance - comme il sait si bien le faire, lorsqu'il est en confiance ! - et a signé ses deux premières victoires au guidon de la Superbike de Noale.

Le champion italien - de Grand Prix 250 en 2002, sur Aprilia déjà - empoche donc 50 points qui lui permettent de s'élancer, tardivement il est vrai, dans la course au titre 2014. Mais le Hérisson de Ravenne, roi de la jungle malaise, aura-t-il la constance nécessaire pour accéder au trône mondial ? Rien n'est moins sûr.

À l'issue de cette première épreuve du championnat du monde Superbike à Sepang - pas la première en Malaisie, le WSBK avait fait halte en 1990 et 1991 à Shah Alam ! -, Melandri totalise 147 points et accède à la cinquième place, 54 points derrière le leader Sykes... Un gouffre, alors que le cap de la mi-saison sera franchi dès la prochaine course !

Dans deux semaines, "Mister On-Off" devra confirmer sa phénoménale prestation d'hier. Pour cela, Marco pourra compter sur l'appui de sa chérie Manu qui couve leur premier bébé et sur ses nombreux fans, puisque la prochaine épreuve du World Superbike se disputera chez lui, sur le circuit de Misano qui réapparait au calendrier WSBK après une année d'absence.

Les Aprilia au Top

En attendant ce rendez-vous important, l'Aprilia Racing Team était ravi de voir sa nouvelle recrue exploiter sa machine au maximum. L'équipe était d'autant plus comblée qu'elle ne s'est pas contentée ce week-end d'un "simple" doublé, mais a enregistré un "quadruplé" grâce aux deux deuxièmes places de notre compatriote Sylvain Guintoli.

Auteur de la Superpole samedi après-midi (samedi matin pour nous en France), Sylvain a profité de l'un de ses principaux atouts (son côté "smooth", lire notre portrait de Sylvain Guintoli) pour exploiter au maximum son Aprilia sur le tracé aussi brûlant que glissant de Sepang. Dimanche, le pilote français était toujours le meilleur en sortie de courbe, mais cela n'a pas suffi...

Dans l'impossibilité d'attaquer Marco en fin de première manche, Sylvain a tout de même joué la gagne en seconde manche jusque dans le dernier virage. Ses détracteurs sont bien forcés de reconnaitre qu'il s'est alors battu comme un Lion... un vrai, de Noale !

La prestation de notre compatriote est d'autant plus remarquable qu'il affrontait son coéquipier - même matériel donc, et interdiction de l'abimer - qui se trouve être l'un des plus tenaces pilotes du plateau... Demandez plutôt à Elias que Melandri a bien failli sortir en début de course !

Le dernier tour de la deuxième course de WSBK à Sepang n'avait d'ailleurs rien à envier en termes d'intensité et de beauté au final qu'ont offert la semaine passée Lorenzo et Marquez au Mugello, pas plus qu'à la superbe lutte entre Van den Mark et Cluzel quelques heures plus tôt en catégorie Supersport !

"Pas de Marseillaise mais une bonne opération au championnat", observait Sylvain hier soir sur son compte officiel Twitter. Un constat que peut partager notre "Coq Supersportif" Jules, une nouvelle fois deuxième derrière le leader Michael VDM et deuxième du classement WSSP !

Contrairement à Aprilia, Kawasaki a connu un dimanche décevant, la faute à une bête perte de l'avant de Loris Baz au tout début de la première manche. Sans doute frustré de ne pas avoir encore gagné de course cette saison alors qu'il en a la capacité - la moto, le talent, etc. -, Bazooka a dégainé trop vite à Sepang.

Les Kawasaki au tas

Déjà samedi en Superpole, Loris en avait trop demandé à son Pirelli : alors qu'il avait la Superpole à portée de gants, la jeune pousse Kawa' (21 ans seulement pour rappel !) s'est plantée dans le bac à graviers de l'ultime épingle, et s'est retrouvé en septième position sur la grille malaise.

Pour accrocher le bon wagon en course, le "Géant Vert" n'avait d'autre choix que de jouer des coudes dans le "pif" de la première chicane, ce qu'il s'est attelé à faire en bon pilote professionnel qu'il est... Et ce qui l'a malheureusement conduit vers une impasse. Et "paf" le Sykes !

"Week end de mer***", gazouillait Baz hier soir, "chute au deuxième virage en essayant d'éviter mon coéquipier qui a fini par tomber quand même !" Le compte-rendu de sa première course est aussi cruellement court que fidèle à la réalité...

Heureusement pour lui - et pour la firme d'Akashi, recollée par Aprilia au championnat des constructeurs ! - la suite s'est mieux moins mal déroulée : "Deuxième manche avec manque de grip et je perds la 4ème place dans la dernière ligne droite !", résume le Ninja n°76, déjà prêt à livrer son prochain combat.

Alors que les deux officiels Aprilia ne cessent de se congratuler mutuellement pour leurs deux fructueuses courses - ce lundi encore via Twitter ! -, les deux hommes Verts semblent irréconciliables. "Dernière chose au sujet de l'incident d'hier", signalait Baz, "ma première réaction en entrant dans le box de Tom a été de présenter mes excuses ! Mais on n'entend rien quand on crie"

La seule solution viable selon Moto-Net.Com : régler leur différent sur piste... Vivement Misano ! De son côté, Tom déclarait en descendant de la troisième marche du podium gravie en seconde manche : "je ne vais pas trop parler de la première course. Loris a malheureusement donné raison à beaucoup de gens, à mes dépens..."

Le "Number One" de la discipline a effectivement perdu de précieux points ce dimanche, mais il reste en tête du championnat avec 201 points au compteur, contre 188 pour Sylvain Guintoli, 179 pour Jonathan Rea, 170 pour Loris Baz, 147 pour Marco Melandri et 130 pour Chaz Davies.

"Un grand bravo à mon pote Jérémy Guarnoni qui fait deux courses énormes dans des conditions difficiles à tout point de vue !", concluait sur une note plus positive Loris Baz via Facebook. Le n°11 de l'équipe MRS a en effet décroché ses meilleurs résultats de la saison, terminant 3ème de la catégorie Evo.

À la première place de cet "autre" classement WSBK se sont relayés le leader David Salom (officiel Kawasaki lui aussi) puis Leon Camier, qui remplace Sylvain Barrier au sein de l'équipe BMW Italie depuis la deuxième épreuve de la saison...

Sylvain Barrier de retour à Misano ?

"Sylvain a obtenu de la part de la FFM sa validation pour pouvoir reprendre la compétition", se réjouit d'ailleurs l'entourage du double champion de Superstock 1000. "Nous en profitons pour les remercier vivement de leur réactivité".

"Le médecin du Team ainsi que les différents professionnels qui ont suivi Sylvain dans sa convalescence ont également validé son retour en piste", apprend-t-on sur le site officiel de Syl'20. "Nous espérons le voir prochainement sur les circuits au guidon de sa moto afin de nous faire rêver et oublier ce mauvais moment..."

"De plus, il a effectué des tests avec toute son équipe la semaine dernière en Italie et ces derniers sont très positifs ! Sylvain a eu beaucoup de plaisir à retrouver la joie des circuits, il a hâte de faire son retour"... à Misano ? Moto-Net.Com mène l'enquête, restez connectés !

"Nous sommes très heureux non seulement de la première position de Leon en deuxième manche, mais surtout parce que nous avons été en mesure de résoudre les problèmes qui bridaient notre pilote", analysait de son côté le directeur de l'équipe BMW Italie, Gerardo Acocella.

"Il n'y avait un problème considérable, mais plusieurs problèmes mineurs qui empêchaient notre pilote de s'exprimer pleinement. C'est dommage car en première course, il aurait pu terminer premier pilote Evo sans ce contact dans le deuxième virage qui lui a fait perdre de nombreuses places".

"C'est encore un week-end très positif, ce qui est de bon augure pour la prochaine course à Misano". Doit-on comprendre que grâce à ses bons résultats, Leon Camier s'est assuré un guidon pour le reste de la saison chez les Italiens, aux côté de Sylv'1 ? Là encore, mystère et boules de gomme...

Les Ducati, Honda et Suzuki à l'arrache

Les gommes Pirelli justement, semblent avoir posé problème ce week-end aux pilotes Ducati, dont le meilleur représentant est à nouveau Chaz Davies. En première manche, le n°7 officiel courrait vers un troisième podium - sur le sec ! - cette saison quand il a été contraint de baisser de rythme.

Alors qu'on aurait pu croire les Ducati handicapées par les deux lignes droites de Sepang et le manque d'allonge de leur bicylindre - mais quel manque d'allonge au final ?! -, ce sont les grandes courbes et le grip déficient sur l'angle qui ont freiné les Superbike de Bologne.

"Le grip arrière, en particulier lors de la seconde manche où les températures étaient les plus hautes, a été notre principal problème ce week-end", reconnait humblement Ernesto Marinelli, directeur du projet Superbike chez Ducati.

Bien que le nombre de tours ait été limitée à 10 en raison de la casse moteur de la MV Agusta de Corti (drapeau rouge donc), la deuxième partie de la seconde manche a été trop longue : les 1199 Panigale ont dévoré leur pneus et leurs pilotes n'ont pu défendre leurs chances...

"C'est vraiment dommage pour Davide", ajoute le Big Boss des Rouge, "la fièvre et la fébrilité due à la grippe ne l'a certainement pas aidé à affronter des conditions qui étaient déjà extrèmes. Mais grâce à sa détermination et au soutien de la Clinique Mobile, il a pu terminer les deux courses".

Or l'exploit n'est pas mince : le n°34 n'avait achevé qu'une course sur deux lors des trois épreuves précédentes ! En terminant 8ème et 10ème à Sepang, Giugliano inscrit son plus gros score (14 points) depuis sa troisième place obtenue à Assen. "Chi va sofferenza va sano" ?!

Contraint de sortir de la piste au tout début de la première manche pour éviter Sykes et Lowes, Jonathan Rea a réalisé une courageuse remontée vers la 6ème place, composant avec un frein moteur trop sensible selon lui à son environnement : circuit, météo, état du pneumatique, etc.

Sixième de la seconde course également, le Nord-Irlandais affirme que son équipe est parvenu à redresser le tir entre les deux courses... L'écart qui le séparait du - même - vainqueur étant passé de plus de 31 secondes à seulement 7, et son meilleur chrono étant descendu de plus d'une seconde, nous sommes tentés de croire "JR".

Comme Melandri toutefois et pour se battre pour le titre mondial, "Johnny" doit impérativement progresser - ou faire progresser sa Fireblade visiblement - sur le plan de la régularité. Auteur d'un impérial doublé à Imola, le n°65 collectionne depuis les sixièmes places et n'a cessé de perdre du terrain au championnat. Le HRC devrait réagir !

Enfin, il faut saluer le courage des pilotes Suzuki qui ont obtenu des résultats plutôt inespérés au regard de leurs conditions physiques. "Pour Alex, cette première visite à Sepang s'est avérée éprouvante alors qu'il aurait pu marcher très fort aujourd'hui", regrette Paul Denning, grand chef du team Suzuki Voltcom Crescent.

"Il n'a passé qu'un virage en première manche avant d'être violemment pris dans l'accident déclenché par l'action téméraire ("rash en anglais dans le texte, NDLR) de Loris Baz et a causé à Alex quelques petites blessures et un coup très sévère sur la tête".

Sur le podium à Donington, le champion de Superbike anglais (2013) a toutefois été relayé par son coéquipier Eugene Laverty, qui n'était pourtant pas en très grande forme lui non plus ! La semaine dernière, "Youdjine" avait un agenda - trop - rempli avec un test du prototype XRH-1 au Japon, suivi d'un autre en Australie...

Le n°58 a très peu roulé à Phillip Island en raison du mauvais temps mais a tout de même réussi à se faire mal dans le virage "Doohan", du nom du quintuple champion du monde de GP500 qui était d'ailleurs présent ce week-end à Sepang !

"Eugene n'est pas au mieux de sa forme avec un os cassé au pied droit", note Mister Denning, "et il est un peu affaibli d'une manière générale par son accident de la semaine passée, mais il a fait en sorte que cela ne l'affecte pas et attaqué si fort qu'il est monté sur le podium en première manche".

De son côté, Laverty ironise en postant une photo de ses - vilains - pieds sur Twitter : "je mets ma carrière de top modèle "pied" en veilleuse pour le moment". Deux petites semaines de repos devraient lui permettre de récupérer...

Deux semaines, et un vol retour vers son domicile à Monaco surclassé par son ami Max Biaggi... La grande classe pour le double champion du monde de Superbike italien, et le panard complet pour le vice-champion du monde 2013 irlandais !