C'est à croire que les décisions prises en Formule 1 finissent toujours par être examinées en MotoGP : après le sulfureux chapitre sur le manufacturier pneumatique unique, voici que pointe la délicate question de la gestion électronique embarquée...
Non sens pour certains, mise en avant des seules qualités du pilote pour d'autres : la suppression ou la standardisation des centrales électroniques fait déjà couler beaucoup d'encre...
Lorsque la FIA (Fédération internationale de l'automobile) a annoncé que 2008 verrait l'obligation d'utiliser une centrale électronique unique, un véritable tollé a secoué le monde de la Formule 1 : les bolides des différents constructeurs font appels à tellement de technologie embarquée que vouloir freiner son développement apparaissait comme irréalisable.
Injection, embrayage, anti-patinage, boîte de vitesses, contrôle de traction : toute la conduite d'une machine de course d'aujourd'hui repose sur l'utilisation de "puces savantes". A tel point que pour beaucoup, les performances d'un pilote et de son équipe se résument à la capacité de l'électronique à gérer la puissance et l'adhérence en sortie de courbes.
Conscient du dilemme - privilégier la libre concurrence ou favoriser le pilotage pur ? -, la FIA a tranché et a choisi d'abolir l'anti-patinage et l'aide au départ, tout en imposant une centrale électronique unique pour tous les constructeurs.
Dénommée SECU (Standard Electronic Control Unit), l'appareil est conçu par McLarren Electronic System et traitera de 100 à 500 Kbits d'informations par secondes : un véritable bond... en arrière, puisque certains constructeurs avaient développé des boîtiers séparés pour chaque organe important des monoplaces (moteur, embrayage, boîte de vitesse, différentiels, etc.) bien plus légers et performants que celui essayé à Barcelone en décembre par toutes les équipes de F1 !
Si les pilotes reconnaissent leur plus grande contribution à la gestion des gaz, tous admettent un plus grand risque de travers et de blocages de roues au freinage : pour les plus jeunes, l'apprentissage promet d'être ardu puisqu'ils n'ont jamais connu de Formule 1 dépourvue de gestion électronique les aidant à trouver l'adhérence !
Un constat que n'ont pas manqué de soulever quelques pilotes du plateau MotoGP : tour à tour Rossi, Capirossi et Melandri (lire Moto-Net.Com du 26 décembre 2007) ont remis en cause la trop grande importance des aides électroniques dans le pilotage des nouvelles 800 cc.
Il est vrai que depuis l'apparition des 4-temps, l'influence de l'électronique n'a fait que croître dans la catégorie reine : anti-cabrage, anti-patinage, aide au départ, traction control, cartographies d'injections programmables au guidon - afin d'adapter la réponse moteur à l'usure de pneumatiques -, gestion instantanée de la consommation d'essence - mélange air essence appauvri en courbes pour permettre la pleine exploitation de la puissance moteur en lignes droites -, etc. Chaque constructeur y va de sa petite "trouvaille" qui permet à ses pilotes d'aller plus rapidement et plus "facilement" aux limites de la moto.
"Trop facilement ", fustigent d'ailleurs les pilotes les plus aguerris : pour ceux qui ont connus la 500 2-temps et les premières générations de MotoGP, l'électronique lisserait le talent du plateau en contrôlant les sorties de courbes de manière de plus en plus sensible et efficace.
Dès lors, la suppression du fameux "traction control" ou l'idée d'une ECU (Electronic Central Unit) unique fait son apparition : chaque machine serait mue par un calculateur commun, laissant le pilote seul faire la différence en courbes et lorsque les pneumatiques usés rendent la gestion de ces prototypes de 220 ch (et plus ?) pour 148 kg délicate !
Mais le MSMA (association regroupant tous les constructeurs) juge cette proposition inacceptable, en estimant que la catégorie reine est là pour utiliser ce qui ce fait de mieux en matière de technologies. Qui plus est, le retour en arrière en termes de "performances électroniques" engendrerait une augmentation du risque de chutes pour les pilotes, plus sujets aux pertes d'adhérence brutales et pas toujours contrôlables.
Cette conclusion se veut étayée par le nombre de chutes en baisse dans la catégorie, mais surtout par la quasi disparition des redoutés "high sides" : incontournable à l'époque du 2-temps, le phénomène est dû à une perte d'adhérence de la roue arrière à l'accélération - suite à une sollicitation trop grande sur le pneumatique - puis à un raccrochage soudain qui expulse le pilote.
Désormais, les chutes n'adviennent pratiquement plus qu'aux freinages et/ou sur l'angle (les dénommés "down sides"). C'est pourquoi la physionomie des dégagements a changé : ce sont maintenant les entrées de courbes qui bénéficient des plus grands échappatoires et autres bacs à sable.
Pour Carmelo Ezpeleta (le dirigeant de la Dorna, la société espagnole qui gère les Grands prix moto), l'affaire est entendue : "je ne suis pas favorable à l'abolition des aides, mais ceci est du ressort des pilotes : si la commission de sécurité décide que çà ne portera pas atteinte à la sécurité et qu'ils veulent l'enlever, pourquoi pas. Mais de mon point de vue, si le problème concerne le manque de spectacle pendant les courses, je ne crois pas que ça aille dans le bon sens. Le spectacle est dans les dépassements, pas dans les chutes ou dans les glissades. A Assen, cette année, on a couru avec le contrôle de traction et la course fut fantastique !", rappelle le patron barcelonais de 62 ans.
Une course incroyable, certes, mais remportée par Valentino Rossi : le gourou espagnol du MotoGP manquerait-il d'objectivité ? "En ce qui concerne le "traction control", nous avons trois choix possibles : l'interdire, l'autoriser ou le réglementer avec une ECU identique pour tous. La meilleure chose à faire est de soumettre le problème à la commission de sécurité : Valentino a son opinion, que je ne partage pas et je veux connaître celles de Casey, de Dani, de Marco et du reste des pilotes", tranche Ezpeleta.
Le dirigeant espagnol ne cache pas ses sentiments vis-à-vis de ce nouveau rebondissement dans ce championnat dont il assure la promotion : pour lui, si la F1 a été contrainte d'utiliser une centrale unique, c'est seulement à cause d'un manque de spectacle, alors qu'en MotoGP ce problème ne se pose pas.
L'incroyable mainmise de Stoner sur cette saison n'a en outre pas porté préjudice à la fréquentation des courses, avec des chiffres de ventes de billets et de retransmission télé records en 2007 !
Ezpeleta précise même, à l'instar de pilotes comme Nicky Hayden ou Randy de Puniet, que l'électronique n'a jamais transformé un pilote moyen en champion du monde : "certains pilotes prétendent que sans le contrôle de traction, les meilleurs feront la différence, mais c'est déjà le cas actuellement", explique-t-il.
Victimes de problèmes pneumatiques en 2006 et en 2007, Valentino Rossi a choisi de courir avec des Bridgestone cette année, laissant son statut de pilote n°1 chez Michelin à Dani Pedrosa : un pari osé, qui ne suffira peut-être pas pour vaincre l'impérial Casey Stoner...
"Je dois admettre que le règlement pneumatique de l'an dernier nous a fait du tort, donc nous l'avons changé", reconnaît Ezpeleta. "Mais pour Valentino, il ne suffira pas de passer aux Bridgestone pour recommencer à gagner, car la différence cette année ne s'est pas faite qu'avec les pneus", prévient le patron de la Dorna.
Conscient du rôle d'ambassadeur pour le sport moto assuré par Valentino ces dernières années, Carmelo Ezpeleta confiait toutefois son admiration pour le nouveau champion du monde, Casey Stoner, en lequel il retrouve cette soif de vaincre de son illustre compatriote Mick Doohan.
Or Casey Stoner est ouvertement contre l'abolition ou la réglementation de l'électronique : après s'être fait échauder suite à la proposition de pneu unique cet été, Ezpeleta et la Dorna auraient-ils décidé de prêter plus d'importance aux avis du jeune australien ? A suivre...
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