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FACE AU SÉNAT
Paris, le 26 janvier 2018

Limitation à 80 km/h : Emmanuel Barbe ne parvient pas à convaincre le Sénat

Limitation à 80 km/h : Emmanuel Barbe ne parvient pas à convaincre le Sénat

Auditionné par les commissions des lois et de l'aménagement du territoire au Sénat sur les véritables justifications de la limitation à 80 km/h, le délégué interministériel à la sécurité routière n'a pas réussi à convaincre les sénateurs qui viennent de créer un groupe de travail... Explications.

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Mercredi matin au Sénat, Emmanuel Barbe a tenté de convaincre les sénateurs du bien fondé de la limitation à 80 km/h imposée par le gouvernement à partir du 1er juillet 2018. Mais force est de constater que soumis au feu des questions pendant plus d'une heure et demie, le délégué interministériel à la sécurité routière a eu bien du mal à convaincre...

"Si le premier ministre s'est prévalu de résultats qu'il a qualifiés de "scientifiques", nous aimerions bien - puisqu'ils sont "scientifiques" - pouvoir les partager avec vous, parce que naturellement nous ne pourrions manquer d'être convaincus par des études "scientifiques", annonce le président de la commission des lois Philippe Bas (Manche, Les Républicains) dans un préambule fort diplomatique... mais non dénué d'une pointe bonne louche d'ironie !

Scientifique, vous avez dit scientifique ?

"On a quelques raisons d'en douter", renchérit le président de la commission de l'aménagement du territoire Hervé Maurey (Eure, Union centriste), "parce qu'on ne nous donne pas pour l'instant les informations permettant d'étayer le bien fondé de cette décision"...

Limitation à 80 km/h : Emmanuel Barbe ne parvient pas à convaincre le Sénat

Directement interpellé sur le manque de justifications de cette limitation à 80 km/h, le délégué interministériel a d'abord rappelé les autres mesures du CISR du 9 janvier (téléphone au volant, éthylotests, etc.) avant d'asséner que "la vitesse est le facteur majeur de la sécurité routière et je ne vous dis pas l'excès de vitesse, je dis la vitesse"...

"Quand on ne sait pas quoi mettre sur le papier, on met vitesse"...

"La vitesse est le seul facteur causal d'accident et je vais raisonner par l'absurde : sans vitesse pas d'accident, c'est une évidence", a poursuivi M. Barbe en soulevant une bronca parmi son auditoire, pourtant pas composé de vilains motards barbus mais de sages sénateurs dûment cravatés !

"J'ai le cuir dur, je suis habitué à des débats difficiles", a prévenu le délégué interministériel qui a cité le déploiement des radars automatiques en 2003 pour tenter de démontrer que la baisse de la vitesse entraînait "mécaniquement" une baisse des accidents : "sur le réseau qui sera visé par la mesure 80 km/h (les routes nationales et départementales à deux sens sans séparateur central, NDLR), entre 2002 et 2005 on assiste à une baisse de la vitesse moyenne pratiquée de 7%, et dans le même temps on assiste à une baisse de la mortalité de 37%".

"Cette expérimentation ne portait pas sur l'accidentalité"

"Cette expérimentation n'avait qu'un seul but : mesurer l'effet de la baisse des vitesses maximales autorisées (VMA) sur la vitesse moyenne pratiquée, car l'effet mécanique sur la baisse des accidents est démontré", poursuit M. Barbe en estimant que "de ce point de vue c'est une expérimentation tout à fait probante, puisqu'on constate des réductions de vitesse de 4 à 5 km/h sur les zones qui ont fait l'objet de ces expérimentations, et plus fort encore, des réductions sur la vitesse moyenne des poids lourds qui sont déjà normalement à 80 km/h et qui ont baissé leur vitesse".

"Juste pas de pertinence"

"L'étude du Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, NDLR) ne portait pas sur l'accidentalité parce qu'en accidentologie, une période de deux ans sur 80 km, elle n'a juste pas de pertinence", a admis le délégué interministériel. "Ce qu'on a constaté en faisant une étude qui a été compliquée à faire, c'est qu'il y a plutôt une tendance favorable", a-t-il très prudemment avancé...

"M. le délégué, vous pouvez nous dire ça mais vous ne pouvez pas nous cacher l'étude", a répliqué Philippe Bas : "nous saurons, grâce à votre pédagogie sans doute, avoir le discernement nécessaire pour comprendre les limites de l'exercice !"

Ambiance... Mais au-delà du "manque d'acceptabilité" de cette mesure, fort justement souligné par Michel Raison, le sénateur de Haute-Saône rappelle - comme on le sait depuis 15 ans - que les chiffres de la sécurité routière sont faux : "sur la vitesse comme cause des accidents, j'ai interviewé des gendarmes qui m'ont dit : vous savez, quand il y a un accident et qu'on ne sait pas quoi mettre sur le papier, on met vitesse"...

Notons également l'intervention de Rémy Pointerau, qui illustre douloureusement le fossé qui se creuse d'années en années entre les gouvernements - quels qu'ils soient - et le pays "réel" : "sur le terrain, cette mesure est perçue par nos concitoyens comme une punition", souligne le sénateur UMP du Cher, et elle va "augmenter leur sentiment d'abandon et d'exaspération qui va se traduire aussi dans les urnes, je vous le signale au passage"...

"Réunir les éléments d’information nécessaires"

"Moi je suis motard, je fais de la moto tous les week-ends en région parisienne", a par ailleurs rappelé M. Barbe sans pourtant réussir à convaincre les sénateurs - ni à leur fournir les résultats de l'expérimentation - puisqu'à l'issue de cette audition, "les deux commissions ont créé un groupe de travail commun sur la sécurité routière composé de trois membres : Michel Raison (Haute-Saône, Les Républicains), Michèle Vullien (Rhône, Union centriste) et Jean-Luc Fichet (Finistère, Socialiste et républicain)".

Le Sénat précise que "ce groupe de travail a été chargé de procéder à des auditions préparatoires à la tenue d’une table ronde sur la sécurité routière ouverte à tous les sénateurs".

"Il s’agit de réunir les éléments d’information nécessaires pour évaluer, sans a priori, l’utilité pour la lutte contre l’insécurité routière d’une réduction à 80 km/h de la vitesse maximale autorisée sur certaines routes", soulignent Philippe Bas et Hervé Maurey en ajoutant qu'ils "attendent toujours de connaître les résultats et la valeur scientifique des études et de l’expérimentation que nous avons demandés par courrier au premier ministre dès le jeudi 11 janvier"...

"Vous aurez menti aux Français"...

Par ailleurs, "si cela s’avérait nécessaire, les commissions pourraient demander les prérogatives d’une commission d’enquête pour obtenir communication de ces documents. La sécurité routière est un enjeu essentiel, qui mérite davantage que des effets d’annonce", préviennent les sénateurs...

"Si à la fin de ce débat, les Français s'imaginent que c'est simplement en allant moins vite qu'ils participeront à une circulation plus sûre, vous leur aurez menti", a de son côté résumé Jean-Yves Leconte, sénateur (socialiste) représentant les Français établis hors de France, soulignant que "le plus important, c'est l'attention".

Visiblement peu disposé à s'entretenir avec les journalistes à l'issue de son audition, Emmanuel Barbe a coiffé son chapeau avant de s'éloigner rapidement... en plein milieu d'une question ! A suivre sur le Journal moto du Net : restez connectés...

Vidéo : Audition d'Emmanuel Barbe au Sénat le 24 janvier 2018

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Commentaires

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Maintenez la pression les mecs, je suis sûr que rien est mort !.... Et maintenant mouillez-vous. Pour les ceusses qui comme moi sont en Ile-de-France, QUI ? S'engage sur la prochaine manif samedi prochain vincennes ??? Je veux des pseudo... J'y serais.... et à d'autres sans soucis jusqu'à obtention de l'abandon de cette merde que l'on veut nous imposer.... La logique aurait-été effectivement qu'il y ait un changement mais pour un remplacement par des panneaux routier100 ! Routier voies séparées 120... Autoroutes 150.... Oui, nos véhicules devenant de plus en plus intelligents, sûrs bardés d'électroniques que d'ailleurs nous payons très cher au moment d'acquitter la facture d'achat.... Bien mené notre combat peut-être gagnant, j'en suis convaincu... La clé de la victoire > le RAPPORT DE FORCE.... Et des formes de manifs percutantes, je veux dire par là pas forcément tout péter, mais quelque chose peut-être de nouveau, qui serait surprenant. Il faudrait étonner les médias. Que ça passe dans le 20 h. Des actions à répétition, au niveau national. T'es à Toulouse tu agis à Toulouse. T'es en Bretagne tu fais un truc là-bas... T'es en région parisienne, tu prends le périph d'une porte à une autre, MAIS,,, en > vélo, roller, trottinette, sur 4 voies.... Imaginez, X millier de personnes débouler de cette façon sur cette voie clé à Paris, ça passe pas au 20 h ça ? Mais il faut le poids, c'est tout, la seule condition... Et il faudrait tracter à mort, exposé clairement les choses informer le concitoyen lambda, tout ceux qui plane à quinze mille, le mec indécis qui a pas compris que bientôt pour aller faire un tour en Normandie le dimanche de Paris il devra se lever à 3 h du mat pour partir à 4 au plus tard.... Usagers de la route, bougeons ne la laissons pas aux assoc's rétrogrades générant des deux de tension se traînant misérablement à à peine 80 déjà avec les panneaux 90. Demain ils seraient à 70 et toi coincé derrière ne voulant pas bouffer la ligne continue qui s'étale sur des centaines de mètres (bien sûr en pleine ligne droite, avec visibilité 1000/100). En bécane ça va encore tu arrives à manœuvrer discrètement et rapidement pour sortir de ce piège, mais en BAR t'es coincé.
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Ah mais, ce n'est pas encore dans la poche donc...si les sénateurs l'ont dans l'pif, il est mal barré le lutin de griffon d'or, et c'est tant mieux. Il n'y a plus qu'à nous, usagers de manifester notre mécontentement pour enfoncer le clou...hop hop hop...
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"Cette expérimentation n'avait qu'un seul but : mesurer l'effet de la baisse des vitesses maximales autorisées (VMA) sur la vitesse moyenne pratiquée, car l'effet mécanique sur la baisse des accidents est démontré" Euh, ben non, ce n'est pas démontré ! C'est que les sénateurs aimeraient bien qu'on leur démontre, justement... Par ailleurs, Barbe a menti sur le but de l'expérimentation. Il s'agissait bien, dixit son ministre de l'époque, Mr Cazeneuve, de vérifier si 10 km/h en moins faisait baisser la mortalité routière : «Parce que la vitesse est un sujet qui a constamment été mis sur le métier pour réduire le nombre de morts sur les routes, j'ai décidé de conduire une expérimentation sur trois axes qui sont particulièrement accidentogènes»... Barbe devrait se reconvertir dans la dentisterie !

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