En intégrant le Team Alice, Sylvain Guintoli pensait s'ouvrir de radieux horizons : avec une moto et des pneus au top, plus le soutien d'une équipe expérimentée, le français pouvait être optimiste ! Or après cinq courses, le bilan est amer... Interview.
Après une saison en Yamaha - Dunlop au sein du team Tech 3 l'an dernier (lire Dossier spécial MotoGP 2007), Sylvain Guintoli s'est fait contacter par Ducati et Luis d'Antin. Au vu des performances du meilleur débutant 2007, les dirigeants de l'usine décident de lui donner un coup de pouce inespéré : rouler avec le package champion du monde, aux côtés de Toni Elias, dans le team "B" de la firme de Bologne !
Opiniâtre, bosseur et déterminé, le pilote de 25 ans saisit sa chance à pleines mains et découvre alors un team à l'organisation bien rôdée et au professionnalisme avéré, mais surtout une Ducati chaussée de Bridgestone au tempérament bien trempé : Capirossi et Barros s'y sont cassé les dents en 2007 et cette année, ce n'est pas Marco Melandri (coéquipier de Stoner dans le team officiel) ou Toni Elias qui affirmeront le contraire...
Après l'euphorie des premiers mois, la désillusion guette désormais l'exilé anglais : incapable de trouver ses marques sur la GP8, celui qui a débuté en GP 250 en 2001 n'est que 17ème au général, avec cinq petits points inscrits en cinq courses... Pire : sur certains circuits, ses résultats et ses chronos sont inférieurs à ceux réalisés avec la Yamaha en Dunlop...
Comment expliquer un tel constat ? Quels sont les soucis rencontrés avec la sulfureuse Ducati ? C'est ce que Moto-Net.Com a essayé de comprendre avec le souriant frenchie, rencontré juste après la deuxième séance d'essais lors du Grand Prix de France.
Moto-Net.Com : Sylvain, quelles sont tes impressions après ces essais libres ?
Sylvain Guintoli : A vrai dire, pour l'instant ce n'est pas vraiment la fête... Certes, on part d'un petit peu moins loin que d'habitude, mais comme à chaque fois qu'on arrive sur un nouveau circuit, on est loin au chrono et nous mettons du temps à remonter...
M.-N.C. : Comment expliques-tu ces difficultés d'adaptation aux différents circuits ?
S. G. : Le problème, c'est que je dois oublier tous les réflexes que j'ai acquis en arrivant sur chaque circuit ! Le style de pilotage de la Ducati est tellement spécifique que mon expérience du tracé ne me sert pas et du coup, nous perdons du temps. Après, en Chine par exemple, nous avons réussi à recoller aux temps alors que j'étais très loin au début. Il nous faut simplement travailler sans relâche pour remonter.
M.-N.C. : Tu as eu la chance de signer pour rouler avec la Ducati en Bridgestone, soit le package champion du monde en titre. Pourtant, Elias et toi semblez rencontrer de grosses difficultés depuis le début de la saison. Peux-tu nous en dire plus ?
S. G. : C'est vrai que nous disposons de la moto et des pneus champions du monde : les différences avec le team officiel sont minimes. Donc signer pour un tel package, c'est top ! Mais en fait, nous rencontrons pas mal de complications et il faut avouer que les autres usines ont aussi bien bossé cet hiver : le niveau est beaucoup plus homogène qu'en 2007. Maintenant, mon souci principal, c'est surtout que je n'arrive pas à adapter mon pilotage à la Ducati GP8.
M.-N.C. : Concrètement, quelle est la méthode pour aller vite avec cette machine et pourquoi tu n'y arrives pas ?
S. G. : Le problème, c'est que j'ai un pilotage où je rentre très vite dans les courbes, en sollicitant très fortement l'avant de la moto. Or, l'an dernier, c'était facile d'aller vite avec la Yamaha : tu pouvais entrer vite en courbe, la faire glisser et utiliser le traction control pour ressortir. Avec la Ducati, ce n'est pas possible ! Alors pour compenser ma perte de temps, mon premier réflexe est de rentrer encore plus vite en virage, mais je me retrouve mal placé pour réaccélérer en sortie et le système de gestion électronique de la Ducati est tellement différent que je n'arrive pas à faire glisser la moto...
M.-N.C. : Ce qui signifie que tu dois changer radicalement ton style de pilotage et tes habitudes ?
S. G. : On y travaille, mais ça prend du temps car maintenant, on peut considérer que je suis un "vieux jeune pilote" ! Cela fait longtemps que je roule et j'ai mes réflexes sur les circuits, donc ce n'est pas évident de changer du tout au tout... Mais bon, Toni et Marco rencontrent les mêmes problèmes que moi : on est d'ailleurs souvent dans les mêmes chronos en début de week-end, même si en Chine ils ont tous les deux réalisé une superbe course. Cela me redonne du baume au coeur, car ça prouve que c'est possible et je suis convaincu que ça va finir par le faire !
M.-N.C. : Toni Elias a récemment déclaré que le principal souci de la machine provenait d'un train avant trop chargé et que lorsque le réservoir d'essence se vidait, la moto était plus facile à piloter. Es-tu de son avis ?
S. G. : Non, je n'ai pas autant de difficultés que lui à ce niveau là. C'est vrai que pour Toni, les écarts de temps entre le début et la fin de la course sont très conséquents. Je pense que son souci provient essentiellement de son style de pilotage : il ne "tient" pas la moto en courbe, il est très, très déhanché et il se fait emmener par la moto, surtout lorsque le réservoir est plein et donc l'inertie plus élevée. D'autant qu'il peut moins jouer avec son corps pour contrôler la moto, car il est beaucoup plus petit que moi. Alors que moi, je suis groupé sur la moto et je peux bouger durant les différentes phases de virages, donc le poids ne me dérange pas.
M.-N.C. : Le châssis de la Ducati est donc délicat à appréhender. Mais qu'en est-il de son moteur ? Est-ce qu'il est aussi exploitable que celui de la Yamaha ?
S. G. : Au niveau moteur, c'est la moto la plus rapide et la puissante, c'est sûr ! Sur le circuit de Shanghai par exemple, avec ses longues lignes droites, c'était un véritable massacre ! Comme on avait le vent dans le dos, on allait encore plus vite qu'avec les 990cc ! La grosse différence avec les autres machines, c'est qu'on a pas besoin de brider les 5ème et 6ème rapports - quand la moto est en charge à 100% - pour des raisons de consommation, car notre gestion électronique est visiblement un peu meilleure, e qui nous permet d'aller très vite dans le moindre bout droit. Maintenant, ça ne fait pas tout et la Ducati n'est a priori exploitable qu'avec le style de pilotage de Casey Stoner : il mélange le style 250 et MotoGP en courbe et c'est de cette façon qu'il réussit à aller aussi vite.
M.-N.C. : Que veux-tu dire en parlant de mélange de styles ?
S. G. : En fait, Casey entre très vite en virage - comme en 250 -, mais il arrive à casser sa vitesse à l'intérieur de la courbe pour relever la machine très tôt et pouvoir réaccélérer très fort, comme il faut le faire avec des machines aussi puissantes que des MotoGP. Je ne sais pas précisément comment il y arrive, mais je dois continuer à travailler, car il prouve cette année encore que la moto est ultra compétitive.
M.-N.C. : Quelles sont les différences entre les Bridgestone que tu utilises cette année et les Dunlop ?
S. G. : En vérité, le pneu avant Dunlop était réellement très bon : son comportement était finalement assez similaire à celui du Bridge. Par contre, au niveau de l'arrière, la différence est énorme, surtout en termes d'endurance, que ne possédait pas le Dunlop. Bien sûr, les motos ne sont pas du tout les mêmes, donc ça reste délicat de comparer. Avec les pneus Bridgestone, j'ai tout de suite eu un bon feeling : j'arrive même à faire mes meilleurs temps en fin de course, ce qui prouve leur compétitivité. D'ailleurs, même avec la restriction pneumatique, nous ne sommes pas réellement pénalisés car nous n'avons pas besoin de passer plein de pneus durant les séances. Le seul souci proviendrait plus de la mise en action : les Bridgestone ont besoin de se rôder durant deux tours environ, suivant la température de la piste. D'ailleurs, j'ai chuté ce matin avec deux degrés d'angle, sans trop comprendre ce qui m'arrivait ! J'avoue que ça ne m'a pas rassuré et de voir en plus les chronos et le classement d'aujourd'hui, ça m'a mis un coup au moral... J'adore le circuit du Mans, j'avais vraiment envie de bien faire, alors forcément je suis déçu et frustré de me retrouver à deux secondes des meilleurs temps...
M.-N.C. : Est-ce que tu t'attendais à souffrir autant avec cette machine?
S. G. : Certainement pas ! En 2007, Casey a littéralement survolé le championnat et Loris Capirossi a réalisé des performances très correctes. Donc j'étais vraiment très heureux de signer dans le team Alice ! C'était - et c'est toujours - une formidable opportunité. Maintenant, pour être franc, Marco, Toni et moi, on est un peu déçu car on attendait beaucoup plus du package, même s'il est compétitif comme on le voit très bien avec Casey. L'adaptation à la moto est réellement difficile et elle n'est pas polyvalente. Il n'y a qu'un seul style de pilotage qui permet d'aller vite avec elle et c'est ce que je dois apprendre. Mais c'est dur : on se sert des acquisitions de données pour comprendre, mais quand j'essaie de le reproduire en piste, j'ai l'impression d'être à l'arrêt en entrée de virages !
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