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LE COÛT DE LA PANNE
Paris, le 6 janvier 2023

L'essence synthétique et les biocarburants au secours des moteurs thermiques

L'essence synthétique et les biocarburants au secours des moteurs thermiques

Alors que l'Europe décrète la fin du moteur thermique pour 2035, constructeurs et pétroliers s'activent pour éviter le coup de pompe : Porsche inaugure sa première usine d'essence de synthèse au Chili, tandis que Repsol teste un biocarburant pour MotoGP. Le "plein" d'infos dans notre dossier MNC.

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En Europe, on a pas - beaucoup - de pétrole, mais on a des idées : comme celle de réduire de "100%" les émissions de CO2 rejetées par les véhicules neufs à partir de 2035. Décision qui signe, en l'état actuel des choses, l'arrêt de mort des moteurs thermiques essence, diesel, gaz et hybride (essence et électrique)…

Pourquoi ? Car aucun moteur à explosions n'est à ce jour totalement vierge d'émissions, y compris ceux alimentés par des carburants plus "verts" comme le bioéthanol (l'alcool issu de la biomasse ajouté dans l'essence E85). Seuls les moteurs électriques ou à hydrogène n'émettent aucun rejet polluant en action, comme l'exige l'Europe d'ici seulement douze ans.

Cet aspect du texte voté cet été par le Conseil des ministres prête le flanc à la critique : chasser les émissions en circulation est certes une avancée, mais qui ne tient pas compte du bilan carbone total des modes de propulsion. Oui, une voiture électrique ne pollue pas en roulant, mais qu'en est-il de ses batteries bourrées de métaux rares extrêmement polluants à extraire du sol comme le lithium ? 

Et quelle source d'énergie alimente ces batteries : le nucléaire, dont le recyclage des déchets durablement toxiques - "300 ans à plusieurs milliers d'années", estime pudiquement EDF ! - consiste à les enfouir en profondeur pour les offrir aux générations futures ? Cette même filière atomique qui fait trembler toute la planète lors de catastrophes tristement célèbres comme Tchernobyl et Fukushima ?

La moto thermique encore autorisée après 2035 ? Probablement pas

Sachant par ailleurs que d'inquiétants soucis de corrosion placent actuellement près de la moitié des réacteurs français à l'arrêt (26 sur 56), la France est en outre contrainte d'acheter de l'énergie fossile à ses voisins. Autrement dit : gaz, pétrole et charbon participent massivement à recharger les voitures et motos électriques à l'heure actuelle. Pas vraiment un cycle vertueux. 

 

Précision d'importance : ce réglement européen n'évoque que les "voitures particulières" et "camionnettes légères". Les motos et scooters - ainsi que les poids-lourds et les bus - ne sont pas mentionnés, donc a priori non concernés par cette échéance de 2035. En tout cas, pas à ce jour : chic alors ?!

Pas de réjouissances hâtives : MNC imagine mal le couperet européen passer à côté des deux-roues motorisés. L'Europe interdit les voitures thermiques, mais laisserait rouler les motos à essence ? Peu crédible. Rien qu'en France, l'étau ne fait que se resserrer : stationnement payant à Paris pour les deux-roues non électriques, zones à faibles émissions (ZFE) toujours plus restrictives, contrôle technique moto cet été… 

Sous pression de pays réticents, l'Europe s'est néanmoins engagée à réexaminer l'alternative de carburants "dépollués" en 2026. L'Allemagne - soutenue par sa puissante industrie automobile - est fortement à l'origine de cette clause de revoyure, qui pourrait prolonger l'avenir des moteurs thermiques via des carburants au bilan carbone neutre. 

Après l'huile de synthèse, l'essence de synthèse !

Cette montée au créneau de Berlin contre l'UE s'appuie entre autres sur les promesses des carburants synthétiques, essentiellement portés par son compatriote Porsche : la luxueuse marque de voitures vient d'inaugurer au Chili la toute première usine destinée à fabriquer du "eFuel", soit de l'essence de synthèse.

 

Ce site expérimental a été inauguré en grandes pompes (oh, oh !) avec le ministre chilien de l’énergie Diego Pardow et le ministre des transports allemand Winfried Hermann. Cette cérémonie s'est ouverte avec le plein de carburant de synthèse dans une 911, modèle iconique du blason de Stuttgart. Tout un symbole : Porsche veut rester gaz en grand !

Pour mémoire, ce projet dévoilé au printemps 2021 vise à produire de l'essence sans pétrole : le carburant est fabriqué à partir d'un hydrogène produit par électrolyse, auquel du dioxyde de carbone est associé pour créer du méthanol. Cet alcool est ensuite transformé en essence sans plomb : un carburant entièrement synthétique. 

La marque du groupe Volkswagen - qui possède aussi Ducati - prévoyait initialement de démarrer la production à partir de "l'été 2022", mais la complexité de sa réalisation est à l'origine de plusieurs mois de retard. Si cette essence n'utilise sur le papier que deux ressources naturelles (eau et air), sa fabrication est en réalité une véritable… usine à gaz.

L'électrolyse pour produire de l'hydrogène consiste à faire passer de l'électricité dans de l'eau : beaucoup d'électricité en l'occurrence, pour isoler la précieuse molécule. La production de dioxyde de carbone (CO2) repose quant à elle sur d'énormes ventilateurs qui envoient l'air ambiant dans des filtres spécifiques. Processus là encore technique et gourmand en électricité…

Chaque litre de eFuel nécessite la bagatelle de "20 kWh", avoue le constructeur. Soit plus du double de la consommation aux 100 km d'un maxiscooter électrique comme le CE 04 ("7,7 kWh aux 100 km", selon BMW) ! De quoi plomber son bilan carbone : à quoi bon une essence sans pétrole si sa fabrication nécessite tant d'énergie, par ailleurs potentiellement polluante ?

La solution : se servir d'une ressource naturelle. Raison pour laquelle cette usine pilote est à Punta Arenas, région peu peuplée du sud du Chili : le site profite d'une forte exposition au vent - 270 jours par an - pour s'alimenter en électricité avec des éoliennes. Porsche assure qu'elles fourniraient "3,5 fois plus d'électricité" qu'en Allemagne. 

Un carburant vraiment vert ?

Outre l'énorme quantité d'énergie qu'elle requiert, l'essence de synthèse présente un autre défaut pointé du doigt par ces opposants dont le conseil européen : elle n'élimine pas les rejets polluants. Le moteur qu'elle alimente fonctionne de manière traditionnelle, via une combustion du mélange air-essence. 

 

Résultat : du CO2 et des particules sont produites à l'échappement, contrairement à l'objectif zéro émission exigé par l'Europe en 2035. Son bilan du "puit à la pompe" est toutefois bien meilleur puisque cette essence ne provient plus du pétrole : plus besoin de puits, justement, pour extraire puis raffiner le salissant "or noir" !

Porsche vante par ailleurs le caractère vertueux de sa conception à partir d'air et d'eau - et beaucoup d'électricité ! - pour affirmer que ce carburant de synthèse est "climatiquement neutre". Ses émissions seraient compensées par le captage du CO2 nécessaire à sa fabrication et le recours aux énergies renouvelables, ici l'éolien. Son empreinte d'un bout à l'autre de la chaîne serait égale à zéro, estime le constructeur.

Autre atout : ce eFuel est compatible avec tous les moteurs essence actuels sans modification particulière. La recette miracle ? Pas forcément : son coût de production est prohibitif, de l'ordre de "2 dollars le litre" estime Porsche. Soit beaucoup plus à la pompe après avoir ajouté les frais de transports, de distributions et les taxes, bien sûr !

 

Par ailleurs, les capacités de cette coûteuse usine sont limitées : sa production - expérimentale dans un premier temps - doit progressivement grimper à "55 millions de litres" d'ici trois ans. Porsche espère passer avant 2030 un cap avec "550 millions de litres" de eFuel.

Des chiffres énormes, certes, mais en réalité négligeables à l'échelle des besoins : le parc roulant français engloutit chaque année environ 50 milliards de litres de carburants fossiles (essence et gasoil confondus) ! Ne parlons pas de pays plus gros et/ou plus énergivores comme, au hasard, les États-Unis…

Ces freins incitent Porsche à présenter cette essence de synthèse comme une solution supplémentaire, pas comme une alternative de remplacement à elle-seule : le constructeur poursuit en parallèle son incontournable transition électrique, tandis que son e-Fuel sera réservé dans un premier temps à ses compétitions (Porsche Supercup, notamment).

Marc Marquez teste un biocarburant Repsol

En parlant de compétition, justement, le MotoGP se prépare aussi aux inévitables chamboulements qui menacent ses mécaniques d'exception. Les surpuissants moteurs prototypes - environ 300 ch au litre ! - sont amenés à évoluer, voire à céder la place au tout électrique du MotoE dans un avenir… que MNC espère le plus éloigné possible.

 

En attendant, la Fédération internationale du motocyclisme (FIM) et le promoteur Dorna tracent la feuille de route avec une direction claire : cap sur les biocarburants ! Les instances dirigeantes prévoient un recours à de l'essence avec "40%" d'énergies non-fossiles d'ici 2024, puis "100%" en 2027.

Face à cette échéance à nouveau très courte, les pétroliers sont mis à contribution pour maintenir un niveau de performances en adéquation avec la catégorie reine. Pas question de se retrouver avec des motos certes plus propres, mais à dix secondes des records actuels !

Repsol - sponsor-titre historique du team officiel Honda - est le premier à présenter un carburant décrit comme "renouvable" à destination des MotoGP : le pétrolier espagnol s'est adjoint les services du pilote vedette du HRC, Marc Marquez, pour une démonstration sur le circuit de Jarama (Espagne).

L'ancien patron du MotoGP était aux commandes d'une RC213V-S, soit l'exclusive version de série de son prototype habituel. Pourquoi pas sur sa RCV "tout-court" ? Parce que le règlement des Grands Prix l'interdit aux pilotes titulaires en dehors des essais officiels.

 

"Ce test a été positif : je n'ai pas perçu de différence en utilisant le biocarburant, ce qui rejoint l'objectif final de maintenir un haut niveau de performance", commente le n°93 avec une satisfaction pas vraiment surprenante : MNC le voit mal critiquer le puissant et historique partenaire de son employeur !

"Quand Repsol apporte un produit sur un circuit, il est déjà au point", ajoute-t-il dans le registre promotion. "Mais il est important de l'évaluer en piste pour vérifier si les résultats ne sont pas différents à cause de l'humidité ou de la température, des variables qui peuvent avoir une influence dans la recherche de la performance maximale"

Concrètement, le biocarburant testé par Repsol provient de matière première d’origine végétale, animale ou de déchets végétaux. Leur fermentation produit de l'éthanol, un alcool incorporé à des proportions plus ou moins importantes dans l'essence.

Les MotoGP boostées à l'alcool de plantes !

On en retrouve déjà à la pompe à hauteur de 5 à 10% dans le sans-plomb classique (SP95-E10) et jusqu'à 85% dans l'essence E85, qui nécessite un boîtier d'injection spécifique dit "Flex-Fuel". En France, ce bioéthanol est majoritairement issu de la betterave sucrière, de blé, de maïs et de résidus vinicoles (marcs de raisins et lies de vin).

 

Cette proportion de carburant "vert" grimpe jusqu'à 100% dans certains pays comme le Brésil : l'essence est entièrement non fossile, comme le souhaite le MotoGP d'ici trois ans. Mais comme l'essence de synthèse, les biocarburants ne résolvent pas la question des rejets notamment de particules fines. Mieux qu'avant, en somme, mais pas complètement propre pour autant… 

Ses détracteurs lui reprochent en outre de sacrifier des cultures vivrières au détriment de l'alimentation humaine. Argument à relativiser : "en France, les cultures utilisées pour la production de bioéthanol destiné à un usage carburant représentent environ 3% de la surface agricole française globale de céréales et de plantes sucrières", comptabilise le ministère de la transition écologique

La recherche se poursuit pour "verdir" davantage ces biocarburants et diversifier leurs sources au-delà des cultures alimentaires. Les pétroliers ont notamment mis au point une bioessence de synthèse à partir d'huiles végétales… qui bute sur les mêmes limites que l'essence de synthèse ci-dessus. A savoir un process industriel coûteux et, surtout, énergivore. 

Autre piste : les biocarburants de deuxième génération et troisième génération, fabriqués à partir de matières non alimentaires comme la paille, le bois et les résidus de tailles. Ce procédé consiste également à produire de l'alcool, mais cette fois en extirpant le sucre contenu dans la lignine et la cellulose des végétaux : on parle d'éthanol "lignocellulosique".

Un répit en attendant mieux ?

Essence de synthèse et biocarburants sont des perspectives prometteuses pour les moteurs thermiques, qui tendent à se rapprocher d'un impact neutre sur l'environnement au niveau global. Mais ni l'un ni l'autre ne répondent à ce jour favorablement à l'objectif européen d'absence d'émissions polluantes en utilisation pour 2035…

Les progrès de la science permettent d'espérer des améliorations d'ici l'échéance, tandis que les différentes parties prenantes continuent à exhorter l'Europe de reconsidérer sa décision qui sonne le glas de toute une filière historique. Disparitions d'emplois, à la clé…

Pour conclure sur une note positive, rappelons que le ministère des transports travaille depuis peu à faire homologuer les boîtiers Flex-fuel pour motos et scooters. Motards et scootéristes pourraient enfin rouler aux biocarburants légalement, en espérant qu'il ne s'agisse pas d'un répit avant l'extinction des moteurs prévue dans douze ans. Restez connectés !

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