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Grenade (Espagne), le 16 avril 2018

Essai Yamaha Tracer 900 et Tracer 900 GT 2018 : la voie de la sagesse

Essai Yamaha Tracer 900 et Tracer 900 GT 2018 : la voie de la sagesse

Inclassable, la Yamaha Tracer 900 ? Cette moto routière sportive dérivée du tempétueux roadster MT-09 mélange les genres... avec succès : 35 000 ventes en Europe depuis sa sortie fin 2014, dont 7000 en France ! Sa première évolution tend vers davantage de rigueur en plus d'introduire une inédite déclinaison voyageuse, la Tracer 900 GT.  Essais. 

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Essai Tracer 900 et Tracer 900 GT - Page 1 : une autre trace

La Yamaha Tracer 900 est à la moto ce que la Swatch est à l'horlogerie : une agitatrice de références, légère et efficace, enrobée d'une rafraîchissante dose de fun. Et comme la montre suisse, la moto brille par son positionnement agressif (9999 € à sa sortie fin 2014), revu à la hausse après sa période de lancement à 10 499 €. Pour 2018, l'inflation est très modérée : 10 599 € !

Ce prix serré est d'autant attractif que la Tracer 900 secoue joyeusement le créneau des motos sport-GT. Entre sa dotation de série pléthorique (pare-mains, béquille centrale, antipatinage ajustable, selle, guidon et bulle réglables, prise 12V, instrumentation complète) et son 3-cylindres de 115 ch ultra-pêchu, la joueuse Yamaha bouscule les sens... et ses rivales : la Z1000SX, la F800GT ou la VFR800 et sa déclinaison Crossrunner n'ont qu'à bien se tenir !

 

Les motards français ne s'y trompent pas : cette lointaine descendante de la TDM s'est hissée au 9ème rang du marché moto 2017 - devant la R1200GS Adventure - avec 1927 ventes.

Un succès phénoménal que le blason d'Iwata aimerait élargir avec l'inédite déclinaison Tracer 900 GT équipée en série de valises, régulateur, poignées chauffantes, shifter, tableau de bord TFT et suspensions plus évoluées...

Balades rapides avec confort

Une MT-09 avec un semi-carénage et un guidon large : voilà pour résumer la "trace" suivie par la Tracer 900. Une moto hyper ludique, car très proche du tempétueux roadster (châssis et moteur identiques) ! Avec du recul, Yamaha la jugerait-elle trop délurée au regard de sa vocation routière ? C'est en tout cas ce que laissent à penser les modifications apportées pour 2018...

 

Cette volonté "d'assagissement" se matérialise au premier regard sur la face avant des nouvelles Tracer 900 et Tracer 900 GT : les précédentes lignes anguleuses cèdent la place à un coup de crayon adouci et moins agressif. Ce look plus consensuel s'accompagne d'un rétrécissement du guidon (-16,5 mm) et surtout des protège-mains, considérablement affinés.

Au total, d'embout à embout, l'encombrement du guidon perd carrément 10 cm : de face, le changement est spectaculaire ! La sensation d'avoir affaire à un curieux croisement entre un roadster et un trail s'estompe, même si la Tracer 900 reste singulièrement "haute sur pattes" avec ses suspensions à fort débattement (137 mm et 142 mm).

Logiquement, cette transformation impacte l'ergonomie, plus conforme aux canons habituels sur une moto sport-GT : buste droit et jambes légèrement repliées, le pilote attrape le guidon avec davantage de naturel. Comme en 2017, les jambes se placent aisément autour du réservoir de 18 litres, dont les imposantes échancrures abritent les genoux. Un bon point pour une moto routière.

Inchangée, la finesse entre les cuisses est toujours aussi remarquable et sert l'accessibilité : un(e) motard(e) d'1,75 m pose facilement les pieds à plat avec la selle en position basse (850 mm). Au besoin, les mêmes conservent de solides appuis au sol quand l'assise est relevée - sans outils - à 865 mm (modification qui requiert un peu d'habitude, comme en 2017 : voir les détails en page 2).

Confort et aspects pratiques revus

Les selles pilote et passager adoptent une nouvelle texture à multi-densité, dans cette volonté manifeste d'améliorer le confort général. Le résultat n'est pourtant pas convaincant : étroite et ferme, l'assise pilote n'a pas les qualités requises pour envisager sereinement de longues étapes. L'accueil s'améliore pour les motard(e)s de grande taille, qui peuvent se reculer pour profiter de l'élargissement de la selle. 

Le Journal moto du Net apprécie en revanche la présentation qualitative de ces nouvelles selles, soulignée par des coutures surpiquées et l'élégant cache chromé placé entre les deux. L'occasion de saluer une finition valorisante à ce niveau de prix, avec des soudures et des traitements de surface soignés. 

Autre modification importante : le réglable de hauteur du pare-brise, désormais ajustable - en roulant - d'une seule main via un système à pince comme sur les Ducati Multistrada (voir page 2). Une réussite ! La protection prodiguée par cette bulle - élargie sur sa partie basse - couvre le buste et une grande partie des épaules, ainsi que le casque jusqu'à son dernier tiers.

Sans surprise, les pare-mains "rabotés" offrent une protection en retrait : le haut des doigts et le dessus des mains sont exposés aux éléments, faisant apprécier les poignées chauffantes de la Tracer 900 GT. Mais désormais, on ne craint plus d'éborgner un piéton comme avec les précédentes protections aux angles saillants excessivement larges !

Le bras long...

Dernière modification d'importance sur la Tracer 900 version 2018 : son bras oscillant en aluminium s'allonge de 60 mm (6 cm) pour améliorer sa motricité et surtout sa stabilité. Le train avant de l'ancien modèle avait en effet la fâcheuse tendance à devenir volage, surtout à haute vitesse : Yamaha résout le problème de manière radicale !

Car cette conséquente augmentation ne s'accompagne - étonnamment - d'aucune autre modification, là où la géométrie du train avant ou le déport sont généralement révisés pour préserver l'agilité dans ce cas de figure. Ici, l'angle de chasse reste de 24° et la chasse de 100 mm. Résultat : l'empattement passe en toute logique de 1440 mm à 1500 mm.

La conséquence de cette modification est immédiatement perceptible : la Tracer 900 a perdu en maniabilité pure et demande un peu plus d'efforts pour s'inscrire en courbes. Une légère retenue se ressent notamment pendant la deuxième partie de l'inclinaison dans les virages lents. Logique contrepartie aussi du raccourcissement du guidon, qui diminue d'autant le bras de levier.

Rassurez-vous, la Yamaha n'est pas devenue un "camion" pour autant ! Sa direction d'une neutralité confondante reste au service de déplacements évidents, tout comme sa légèreté (214 kg pour la standard et 227 kg avec les valises pour la GT). La Tracer 900 a cependant perdu cette vivacité diabolique qui la rendait certes un peu "brouillonne", mais aussi très sensationnelle.

Terminées également les joyeuses amorces de délestage en sortie de courbes sur les premiers rapports : la roue avant est dorénavant rivée au sol, même soumises à de fortes accélérations. La lever intentionnellement en deuxième exige de martyriser l'embrayage, puis de tirer fermement sur son guidon. Les amateurs de "figures libres" en seront pour leur frais !

L'objectif visé par Yamaha est parfaitement atteint : la stabilité devient irréprochable, ce qui rassurera les motards rebutés par sa réputation de "fille légère" ! La vigilance reste néanmoins de mise à très haute vitesse avec la Tracer 900 GT : le surpoids créé sur l'arrière par les valises allège sensiblement la direction au-dessus de 150 km/h.

Des liaisons au sol perfectibles

Sur la Tracer 900 GT également, MNC regrette un compromis d'amortissement vraiment très souple, trop pour "dégoupiller" en toute quiétude… La fourche s'enfonce vivement au freinage, provoquant des verrouillages de direction sensibles. Cette caractéristique - moins prononcée sur la version standard - oblige à relâcher totalement le levier droit avant d'entrer en courbe. 

Le frein arrière étant de surcroît peu puissant et difficile à doser, la place laissée à l'improvisation est limitée : resserrer une trajectoire uniquement avec la pédale droite est délicat, tandis que lécher le frein avant sur l'angle redresse immédiatement la moto. Clairement, une conduite "enroulée" est préférable à un pilotage énervé dans les portions très sinueuses.

La Tracer 900 se montre heureusement beaucoup plus permissive dans les mêmes conditions, même si l'on regrette parfois les réactions "supermotardesques" de l'ancienne version. Les pneumatiques d'origine, médiocres sur sol froid ou humide, jouent aussi un rôle : les Dunlop Sportmax D222 sont longs à chauffer et avares de remontées d'informations. Les troquer contre une monte plus performante est recommandé.

Se pencher sur les réglages de suspensions est aussi à prévoir dans une perspective de roulage à parts égales entre  "Sport" et "GT". Moto-Net.Com a profité de la molette déportée sur la Tracer 900 GT pour raffermir la précharge de l'amortisseur : avec 2,5 tours supplémentaires, le comportement s'est amélioré sans trop détériorer le confort d'amortissement.

Le temps nous a cependant manqué pour se pencher davantage dans les ajustements, et notamment de ralentir l'hydraulique à l'avant comme à l'arrière pour limiter les transferts de masse et raffermir les appuis. La marge de progression est à nos yeux importante dans ce domaine : à vérifier lors d'un prochain essai comparatif !

Un moteur gros comme ça !

S'il est un aspect dans lequel les Tracer 900 et Tracer 900 GT n'ont en revanche aucun progrès à faire, c'est bien en matière de motorisation ! Le "3-pattes" de 847 cc reste un monument de performances, d'agrément et d'efficacité : à ce jour, ce moteur est le plus vivant de la production japonaise, à l'exception du 4-cylindres compressé des Kawasaki H2 !

Capable de reprendre en sixième à 50 km/h à 2000 tr/mn, sans effort et avec suffisamment de vigueur, ce "CP3" offre une souplesse délectable pour une moto routière. Mais ce calme apparent cache un solide tempérament, qui s'exprime dès 5000 tr/mn avec un répondant rageur. Le bloc grogne alors sourdement et balance des baffes par paquets, sans jamais s'essouffler !

Sa patate phénoménale s'accompagne d'une sonorité râpeuse aux accents métalliques : c'est un moteur débordant de vie, qui remue les trip(l)es et agite les sens ! Sur la Tracer 900 GT, le tour de manège repart de plus belle d'une simple pression sur le sélecteur grâce au shifter simple effet. Ce dispositif dérivé de la MT-09 n'est pas des plus onctueux, surtout sous 4000 tr/mn, mais sa présence de série n'en facilite pas moins les montées de rapports.

Verdict : Yamaha change de trace...

Chaque motard a dans un coin du casque son propre schéma de sa moto idéale : une machine ludique mais pas exclusive, confortable mais rigoureuse, bien équipée mais accessible... Bref, la quadrature du cercle ! Avec ses Tracer 900 et Tracer 900 GT 2018, Yamaha répond en grande partie à ses principes communément partagés !

Ne cherchez pas ailleurs : les Tracer 900 proposent le meilleur compromis équipements/performances du marché, le tout servi par un trois-cylindres au rendement exceptionnel. A 12 199 €, la Tracer 900 GT et son équipement alléchant - y compris les valises - risque même de cannibaliser des ventes de FJR1300 et de Super Ténéré 1200 !

Quant à la Tracer 900 "tout-court", elle atteint dans cette deuxième génération une forme de maturité a priori susceptible d'élargir son succès. Ce modèle 2018 est moins excessif, aussi bien d'un point de vue stylistique que sur un plan dynamique : la moto est certes moins joueuse, mais ses réactions sont plus prévisibles. 

En clair, elle s'est rachetée une conduite pour mieux tenir son rang... au risque toutefois d'y rentrer trop sagement, dans le rang. Car ce que la Tracer 900 a gagné en rigueur, elle l'a perdu en spontanéité : ce n'est plus une déclinaison  sans filtre et semi-carénée de l'explosive MT-09, constat qui justifie finalement son changement de nom (elle s'appelait "MT-09 Tracer" à sa sortie en 2014).

Mais ce changement de cap soulève une question : n'est-il pas risqué de chambouler une recette qui fonctionne, dans la mesure où "46%" de ses propriétaires la jugent "excellente" et "l'adorent" et que "43%" la décrivent comme "très bonne" selon une enquête de satisfaction menée par Yamaha auprès de "1091" de ses clients ? 

Car si la Tracer 900 a attiré et continue d'attirer autant de motards, ce n'est pas uniquement grâce à sa dotation de série complète et son tarif serré : son grain de folie - aujourd'hui en partie étouffé - y est aussi pour quelque chose ! 

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CONDITIONS ET PARCOURS

 
  • Modèle d'origine avec 386 km au départ
  • Parcours :  232 km
  • Routes : routes sinueuses du sud de l'Espagne
  • Pneus : Dunlop Sportmax D222
  • Conso : non mesurées (5,9 l/100 km à l'ordi de bord)
  • Problèmes rencontrés : un cailloux a malencontreusement percé le radiateur, causant une importante fuite de liquide de refroidissement sur le côté gauche de la moto et de notre équipement ! Une protection grillagée éviterait ce type de désagrément...
 
 
 

POINTS FORTS TRACER 900 

 
  •  Rapport performances/équipements/prix
  •  Moteur vivant et plein à tous les régimes
  •  Aspects pratiques en hausse
 
 
 

POINTS FAIBLES TRACER 900

 
  • Confort de selle médiocre
  • Vibrations dans les mi-régimes
  •  Suspensions souples, surtout sur GT
 
 
 

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