La RATP, en collaboration avec la Préfecture de Police de Paris, poursuit son expérience de surveillance vidéo pour photographier les plaques avant et arrière des véhicules se trouvant sur les voies de bus. Reportage sur la ligne 38.
La ligne de bus n°38, qui traverse Paris de la Porte d'Orléans à la Gare du Nord, est traditionnellement la ligne "pilote" sur laquelle la RATP teste ses nouvelles fonctionnalités et ses nouveaux équipements.
Et depuis fin 2003, l'expérience en cours consiste à équiper les bus de caméras vidéos (une à l'avant et l'autre à l'arrière) pour surveiller la circulation dans les voies de bus et immortaliser, le cas échéant, la plaque avant - et arrière ! - des véhicules indésirables. Rappelons que ne sont autorisés à circuler dans les voies de bus que les taxis, les vélos et assimilés et... les bus ! Les indésirables sont donc les livreurs, les deux-roues motorisés, les cars privés et les (rares) voitures particulières.
Ces caméras numériques, bien que discrètes, sont facilement repérables : l'une est fixée à l'avant du bus, en haut à droite du pare-brise par rapport au conducteur (photo 1) et l'autre sur la lunette arrière, également du côté droit de la chaussée (photo 2). Elles sont toutes deux actionnées par un bouton sobrement recouvert de velcro (photo 3). Elles ne doivent pas être confondues avec les caméras de vidéo-surveillance interne, qui permettent au central de contrôler ce qui se passe à l'intérieur du bus. Notons toutefois que la RATP et Thalès viennent de signer un contrat portant sur la fourniture, dans les 18 mois, de 5 500 caméras couleur (dont 1 300 dotées d'un dispositif audio), 1 300 enregistreurs numériques, 1 400 disques durs amovibles et 220 écrans pour les machinistes...
Actuellement à Paris, seuls 17 bus de la ligne 38 (qui en compte 28) sont équipés de caméras extérieures. Lors de leur installation fin 2003, les chauffeurs ont reçu une "rapide formation de 5 minutes sur le fonctionnement de l'appareil". Mais suite à de vives protestations syndicales - "notre métier c'est de conduire un bus, pas d'aider la police à verbaliser", "jamais de ma vie j'appuierai sur ce bouton", "on est pas sous Pétain", "moi j'appuie que quand c'est les flics qui bouchonnent !", peut-on notamment entendre, encore aujourd'hui, au dépôt de la Porte d'Orléans -, la RATP a mis un peu d'eau dans son rosé.
Le déclenchement de la caméra est donc simplement "facultatif", et semble n'être utilisé que dans les cas où le contrevenant fait vraiment preuve de mauvaise volonté. "J'ai à bord 80 personnes pressées, qui payent pour se rendre à leur destination", explique l'un des chauffeurs interrogés par Moto-Net. "Quand un livreur qui nous empêche de passer s'excuse et se dépêche, je laisse faire. Mais quand il me fait un bras d'honneur ou me montre qu'il n'en a rien à foutre, pas de problème : je déclenche la photo !" Sauf, bien sûr, quand le livreur masque sa plaque avec la ridelle de son camion...
Et les motos ? "Les motos c'est différent", explique Olivier, "17 ans de 38" à son actif : "elles ne nous bloquent jamais le passage, sauf exception rarissime comme un coursier qui a la flemme de monter sur le trottoir... Le problème des deux-roues motorisés, c'est qu'ils ont tendance à se faufiler à droite ou à gauche du bus à l'arrêt, lorsque les passagers descendent et veulent traverser. Je jette alors toujours un oeil dans mes rétros et si j'en vois un arriver, je klaxonne pour prévenir le piéton. Je suis moi-même motard et si j'avais un conseil à vous donner, ce serait de rouler vraiment doucement dans les voies de bus. Même si c'est vrai que les plus excités sont souvent les scooters... Je ne compte plus le nombre de scoots que j'ai vus s'encastrer dans un abribus, un kiosque, un feu rouge ou carrément sous mon bus... En fait, ce sont plutôt les vélos qui nous bouchonnent, car à cause du rétrécissement des voies de bus à chaque feu, on est souvent obligés de rester derrière" (photo 3).
En somme, s'il paraît clair que la plupart des motards parisiens continueront à emprunter les voies de bus lorsque le reste de la chaussée est encombrée, par simple souci de temps, de fluidité et de sécurité, n'en déplaise aux "ayatollahs verts" (© FFMC, lire Moto-Net du 14 mars 2004) de la Mairie de Paris, nous avons tout intérêt à nous y montrer discrets ! D'autant que d'autres conducteurs interrogés par Moto-Net sont carrément opposés à notre présence, tout comme à celle des taxis, vélos ou autres rollers : "les voies de bus, c'est pour les bus ! On a déjà suffisamment de responsabilités comme ça sans qu'on vienne en plus nous casser les c... ! Et c'est un motard qui te le dit !"
Bien. Mais une fois la photo prise par le chauffeur, que se passe-t-il ? Là, ça se corse... En comparaison, obtenir le plan détaillé des bases secrètes du Pentagone serait un jeu d'enfant tout juste bon à occuper un jeune journaliste stagiaire ! "Aucune idée", expliquent en choeur les chauffeurs interrogés par Moto-Net. "C'est pas moi qui m'en occupe", assure le responsable maintenance au dépôt de la Porte d'Orléans. "Je ne peux pas vous le dire", s'excuse le responsable en chef de la ligne 38, "mais nous avons suffisamment de conducteurs qui appuient sur le bouton pour avoir une bonne base de données à exploiter"...
Une seule certitude : aucune verbalisation n'est actuellement effectuée, le dispositif étant toujours "à l'essai". Selon nos informations, il semblerait toutefois que ce soit la Préfecture elle-même qui envoie "régulièrement" ses agents récupérer les disques durs stockés dans les bus et gérés par le département sécurité de la RATP, "entre une fois par nuit et une fois par semaine".
Pour en faire quoi ? "Regarder si ça fonctionne, si les images sont suffisamment nettes et si la distance de prise de vue est bien réglée, afin de pouvoir éventuellement automatiser entièrement le système et le généraliser à toutes les lignes en site propre". Car l'objectif à terme, si les tests sont concluants, est d'automatiser entièrement le processus, avec réception de la contravention directement à domicile comme avec les radars automatiques.
Enfin, toujours selon nos informations, sachez que la distance de prise de vue optimale des caméras est actuellement de 30 à 40 mètres à l'avant et à l'arrière du bus, avec une impossibilité technique de photographier un deux-roues plus proche et se trouvant sur la partie gauche de la voie de bus.
Et chez vous, comment ça se passe ? Les motards sont-ils encore tolérés dans les voies de bus à Lyon, Marseille, Bordeaux, Genève, Bruxelles ?
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