Plutôt que d’affronter la terrible concurrence nippone sur le terrain de l’efficacité pure, Moto Guzzi a usé de ses recettes bien connues pour concocter cette magnifique 1200 Sport. Mais est-elle aussi jolie à regarder que plaisante à piloter ? Essai.
Dans la gamme sportive de Moto Guzzi, la 1200 Sport vient occuper la place laissée vacante depuis l’arrêt de la diffusion des V11. Même si elle pioche allègrement dans les éléments de la 1100 Breva d’une part et de la 1200 Norge d’autre part, elle n’est pas non plus une moto au rabais créée à la va-vite pour combler un vide. La nouvelle Guzzi offre une personnalité à part entière, tant esthétique que dynamique.
50 % Breva
La 1200 Sport ne peut renier ses faux airs de 1100 Breva ! C’est bien normal car elle en récupère une grande partie du châssis. Si l’architecture est proche, l’orientation est tout de même plus sportive avec notamment, un guidon plus large et placé plus bas afin de mettre plus d’appui sur le train avant.
L’empattement perd un centimètre, soit 1 485 mm, tandis que la fourche traditionnelle Marzocchi de 45 mm de diamètre gagne des réglages en compression et en détente hydraulique. Il est cependant étonnant, compte tenu de sa dénomination sportive, que cette Guzzi ne soit point équipée d’une fourche inversée, comme sur la 1100 Griso, par exemple.
50 % Norge
Outre l’amortisseur arrière réglable en précharge de ressort et en détente hydraulique, la Sport hérite surtout du généreux moteur et du magnifique tableau de bord de la 1200 Norge. Par rapport à celui de la Breva, le bicylindre culbuté gagne 87 cc et surtout 9 ch ainsi que 14,7 Nm de couple. Il revendique donc maintenant 95 ch à 7 600 tr/min et 100 Nm à 6 000 tr/min.
En revanche, il conserve ce qui fait la spécificité des mécaniques du constructeur italien : le montage transversal du moteur (dont la course des cylindres est donc perpendiculaire à l’axe de roulage de la moto) et le refroidissement par air et par huile.
Star des terrasses
Succès assuré en ville au guidon de la Moto Guzzi 1200 Sport ! L’italienne a une vraie "gueule" faite du savoureux mélange de sa mécanique virile et saillante et de ses lignes sensuelles et parfaitement proportionnées. Quel que soit l’angle sous lequel on la regarde, la Sport est agréable à l’œil et harmonieuse.
Sa croupe est magnifique avec ce feu qui intègre deux barillets de diodes et son capot de selle noir et blanc qui n’attend plus qu’un numéro. L’avant n’est pas en reste avec ce saute-vent également bicolore et les flancs de réservoir chromés du plus bel effet.
Le monobras, qui intègre le cardan, libère la vue sur une magnifique jante Brembo, un peu cachée du coup par l’échappement. Les disques pétales de 320 mm du frein avant surprennent presque sur une machine quand même plus "bcbg" que "streetfighteuse" !
Si la finition est globalement bonne, le revêtement carbone du simple échappement – à la sonorité démoniaque, soit dit en passant - donne des signes très précoces de vieillissement ! À surveiller !
Sons et lumières
Déjà très joli et valorisant de jour, le tableau de bord de la 1200 Sport, hérité de la Norge, s’avère extraordinaire de nuit. Il mêle avec bonheur l’analogique et le numérique. La jauge d’essence, le compte-tours et le compteur de vitesse sont à aiguilles : si les deux premiers se montrent très lisibles, il est en revanche difficile de relever sa vitesse de manière précise et rapide. En effet, la graduation trop espacée, tous les 30 km/h, n’est pas très pratique. Gare aux excès d’optimisme !
Sous ces trois grands cadrans ronds se trouve une fenêtre digitale qui fourmille d’informations, en plus d’un ordinateur de bord. On y trouve : un odomètre, deux trips partiels et un trip réserve, les températures moteur et extérieur, un chrono, une horloge, les vitesses moyennes et maxi, les consommations moyenne et instantanée… Ouf !
L’ordinateur de bord permet en plus d’accéder à un indicateur de tension de la batterie et à un mode diagnostic. Bref, voilà de la bonne lecture pour les longues soirées d’hiver !
La Guzzi ne se livre pas, elle se mérite !
À la différence de ses concurrentes japonaises, la 1200 Sport ne se démène pas pour plaire au plus grand nombre ! Ce sera à un petit nombre de passionnés de se plier à ses exigences. À commencer par une position de conduite assez éprouvante, particulièrement en ville.
Le guidon très large, placé bas et surtout loin de la selle, impose au pilote de se coucher littéralement sur le réservoir pour se saisir des commandes. C’est vraiment contraignant et peu pratique en ville où l’on a presque l’impression d’avoir les bras trop courts lorsque le guidon est braqué à fond !
Dans cet exercice urbain, le moteur chauffe aussi exagérément les jambes du pilote, c’est bien l’hiver mais un peu dur l’été ! Comme toujours chez Guzzi, la béquille latérale est repoussée loin devant et nécessite une bien longue guibole pour la déployer et surtout la rentrer.
Seule concession faite au quotidien, la Sport propose un emplacement correct sous la selle pour loger un antivol.
La valse des cylindres
Contact ! Toute la moto s’ébroue sous les coups de pistons du bicylindre monté de manière transversale par rapport à la route. Comme les BMW équipées du fameux flat-twin, la Guzzi s’agite de gauche et de droite quand on accélère pour quitter le ralenti. Ensuite, le phénomène s’estompe pour ne laisser place qu’aux "good vibrations" made in Italy.
L’échappement en carbone distille une sonorité réjouissante qui fait partie intégrante du plaisir de conduite. Les futurs propriétaires n’auront nul besoin d’investir dans un quelconque pot adaptable tant le sympathique "barouf" est déjà plaisant ! La machine gronde dans les montées en régime et pétarade joyeusement lorsqu’on sollicite le frein moteur.
Les manœuvres moteur coupé ou au pas sont à aborder avec circonspection car la belle accuse tout de même un poids respectable autour des 260 kg, tous pleins faits ! Comme le centre de gravité n’est pas si bas que çà et que le guidon est placé vraiment bas, il faudra faire preuve de poigne dans les recoins.
Un peu de ville…
Une fois vautré sur le réservoir, les bras écartés pour se saisir du guidon, on savoure heureusement le confort de la selle moelleuse et bien dessinée… c’est déjà çà !
Lorsqu’on embraye, l’embrayage à sec fait entendre un bruit métallique très particulier. Les aficionados de la marque ne s’inquièteront pas, en revanche, les piétons qui traversent au feu vous lanceront un regard mi-amusé, mi-inquiet, genre "Toi mon coco, tu vas pas aller bien loin avec ta trapanelle qui fait un bruit de casserole…" Et pourtant, si !
Clonk ! La première passe dans un léger claquement de cardan et l’embrayage hydraulique libère en douceur les 100 Nm disponibles dès les plus bas régimes (6 000 tr/min). En ville, le guidon très large se transforme bien vite en "fauche-rétros" et donne envie d’en sortir rapidement !
Beaucoup de routes
Car, la 1200 Sport s’apprécie avant tout sur route. La disponibilité de son moteur y fait merveille. À condition de ne pas descendre sous les 2 000 tr/min, le bicylindre se montre doux, coupleux et parfaitement exploitable. Il est généreux en sensations plus qu’en performances, ce qui est parfaitement dans l’air du temps !
Moteur longue course oblige, le twin n’a pas une allonge extravagante et il faudra le soulager avant les 8 000 tr/min. La partie-cycle sert bien ce moteur attachant. Stable et saine, elle parvient de surcroît à faire oublier l’embonpoint certain de l’engin. Son guidon très large offre un bras de levier très important qui confère à la Guzzi une vivacité surprenante dans les enchaînements de virages.
Le freinage n’est pas en reste et stoppe la moto sans problème. Il faut reconnaître que de ce côté-là, la 1200 Sport est bien équipée avec ses deux disques de 320 mm pincés par des étriers Brembo à 4 pistons et ses durites tressées d’origine. Les Pirelli Diablo finissent de rassurer le pilote quand celui-ci adopte un rythme enlevé.
Sportivo-agricole…
Attention, malgré son nom, la 1200 Sport n’est pas non plus une sportive, au sens japonais du terme ! Elle permet de rouler vite si son pilote reste fluide mais elle refusera l’arsouille à outrance. La faute à une inertie moteur très importante, au cardan qui n’aimera pas ce traitement et à la boîte de vitesse trop lente.
Rustique, la Guzzi n’aime vraiment pas être malmenée et en devient récalcitrante. Compte tenu de son poids, elle n’accepte que très peu l’improvisation. De plus, lorsqu’on la brusque, le large guidon qui apporte de la vivacité à rythme normal, devient un handicap car le train avant est alors presque trop vif et imprécis.
Bref, le pilote comme la moto ne prendront pas de plaisir dans un registre trop agressif qui est franchement contre nature pour cette machine aux solutions techniques très traditionnelles.
Oubliez son nom !
Fière de ses origines, cette Moto Guzzi affiche et revendique sa différence et son côté rustique. Mais elle en paye le prix sur l’autel de l’efficacité sportive. La 1200 Sport est donc une magnifique machine aussi plaisante à rouler qu’à regarder mais il ne faudra pas se laisser leurrer par son nom.
Pour 12 195 €, il y a beaucoup plus sportif ! En revanche, pour qui veut rouler différent, sur une machine de caractère – et surtout pas en ville ! – la Moto Guzzi constitue une belle occasion, un peu chère certes, de se faire plaisir !
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