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Circuit d'Almeria (Espagne), le 12 février 2024

Essai KTM 1390 Super Duke R : Katapulte Taille Maxi

Essai KTM 1390 Super Duke R : Katapulte Taille Maxi !

La "Bête" reprend encore du muscle et de la sophistication pour délivrer un message sans équivoque : son bicylindre porté à 1350 cc de 190 ch va porter de méchants coups à la concurrence maxi-roadsters ! MNC a brièvement tenté de dompter la nouvelle 1390 Super Duke R sur le circuit d'Alméria (Espagne)... et sous la pluie !

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Sommaire

Sortie de sa cage en 2013, la 1290 Super Duke tire sa révérence : place à la 1390 Super Duke R. KTM fait évoluer sa moto de plus grosse cylindrée par le biais, justement, de son monstrueux cubage. Son V-twin ouvert à 75° passe de 1301 cc à 1350 cc via un alésage porté de 99 à 101 mm. Ramenées en litre et en cm, ses côtes laissent pantois : son bloc de 1,35 litre - une petite voiture ! - abrite deux pistons de 10,1 cm de diamètre…

Objectif ? La course aux performances, bien sûr : la "Bête" - surnom donné par KTM - grimpe aux arbres de 180 ch à 190 ch, tandis que son couple s'établit à 145 Nm. Des valeurs monumentales pour un bi, dont l'architecture présente l'avantage d'être extrêmement démonstrative dans les bas et mi-régimes. Pensez que sa puissance maxi est atteinte à 10 000 tr/mn et son pic de couple max à 8000 tours, régimes où certains 4-cylindres en ligne commencent à peine à sortir l'artillerie lourde !

Les autres modifications se concentrent sur sa partie-cycle bâtie autour d'un treillis tubulaire et d'une boucle en alu, des freins Brembo et des suspensions "maison" WP. Là encore, KTM ne fait pas dans la dentelle : sa fouche entièrement réglable fait 48 mm de diamètre ! Du lourd, pour une moto qui ne l'est pas tellement : la 1390 Super Duke R nous est annoncée à "217 kg" avec le plein de 17,5 litres dans son réservoir, par ailleurs redessiné pour accueillir 1,5 l supplémentaire (il en avait perdu deux en 2020). 

Cette boule de muscles se décline également en version "Evo" avec gestion électronique du calibrage de ses suspensions, une fonctionnalité qui s'ajoute à sa longue liste d'équipements électroniques (antipatinage, modes de conduite, gestion du cabrage et du frein moteur, ABS sensible à l'angle, etc.). En clair : la Super Duke est "K-asiment" une Super Bike !

Design, finitions : KTM met du gros angle

La Super Duke n'a jamais versé dans la finesse esthétique : cette troisième génération ne fait pas exception avec un look agressif à souhait et, comme toujours chez KTM, tracé à l'équerre puis taillé à la serpe. Ne cherchez pas de courbes sensuelles, d'arrondis aérodynamiques ou la moindre rondeur : la 1390 Super Duke R est toute en arêtes saillantes. Et quelle tronche ! Son nouveau bloc optique à LED lui confère un genre menaçant, patibulaire mais presque.

Ses longues écopes intègrent des ailettes, façon MotoGP, alors que le diamètre de ses collecteurs d'échappement renforce son caractère impresionnant. A l'inverse, sa courte coque arrière la rend extrêmement compacte pour une moto de cette cylindrée. Au niveau finitions, MNC regrette que son capotage de phare fasse plastique - voire "plastoc" - comme sur les 390 Duke et 990 Duke que nous découvrons le même jour.

Sa visserie moteur banale fait également tiquer au regard de son prix : 21 449 euros en standand et 23 449 euros pour l'Evo. En revanche, l'intégration des câbles et gaines ne souffre d'aucune critique, tout comme les soudures. De quoi valoriser sa fabrication "localisée" à Mattighofen (Autriche), comme pour la nouvelle 990 Duke par ailleurs. Rappelons que les 125 et 390 Duke, elles, sont construites par Bajaj en Inde, alors que CF-Moto fabrique les 790 Duke et 790 Adventure dans son usine en Chine. 

Position : prête à tracer !

Repose-pieds haut perchés et reculés, selle haute et rembourée en noyaux de pêche, guidon plat comme posé sur la roue avant… La 1390 Super Duke R annonce la couleur d'emblée : tous les voyants sont à "l'Orange" pour un programme sportif, voire Hardcore. Le ton est donné alors que de sombres nuages chargés de pluie défilent dangeureusement au-dessus de la piste d'Alméria...

La posture est basculée vers le guidon fixé plus bas, la selle est en légère pente, alors que le nouveau réservoir écarte les cuisses malgré ses flancs évasés. Résultat : un pilote d'1m75 est perché sur les pointes, ce qui ne facilite pas les manoeuvres moteur coupé. D'autant que la "Bête" braque mal et que ses 217 kg tous pleins faits se font sentir : certaines de ses rivales listées par MNC lui rendent presque 20 kg (198 kg pour la Speed Triple 1200 et 199 kg pour les S1000R / M1000R).

MNC se console avec la découverte de leviers réglables, d'une prise USB-C sur la gauche de son instrumentation - toujours pratique - et la possibilité d'inverser son sélecteur de vitesses dans une optique purement circuit. Ready to Race, la 1390 Super Duke R ? Assurément.

Moteur : bestial !

Deux millimètres d'alésage supplémentaires et l'ancien 1301 cc passe à 1350 cc. Et, surtout, de 180 à 190 ch ! Les motoristes lui ont également greffé de nouveaux arbres à cames, une admission d’air plus directe, une boîte à air format XXL (10 litres), des rapports revisités (5ème et 6ème) et des corps d’injection gonflés à 60 mm. Un bloc hors normes, qui pourtant montre patte blanche aux dernières exigences environementales Euro5. Chapeau. 

Au démarrage, le twin délivre une pulsation grondante à travers son échappement latéral. Le genre de méchant barouf qui colle la chair de poule, avant de filer la banane à la moindre sollicitation de son accélérateur électronique bien calibré. Le bicylindre autrichien ne jappe pas : il aboie ! MNC apprécie la mise en sourdine de certains bruits mécaniques : ça "ferraille" moins au ralenti, tout en restant rugueux à l'oreille. La preuve avec ses violents crépitements à la coupure des gaz et ses vibrations bien senties !

Première accélération… et première claque ! La "Bête" bondit en avant avec une force inouïe dès les bas-régimes : la déferlante de couple est catapultesque à partir de 3000 tr/mn, régime conseillé pour que le twin tourne "rond" sur les intermédiaires. Des rapports qui passent avec précision mais sécheresse, la faute à une sélection aussi virile que son levier d'embrayage : la main et le pied droits sont mis à contribution, malgré le shifter bi-directionnel... en option ! Oui, c'est pas très généreux.

Le plus surprenant - et déstabilisant lorsqu'on découvre un circuit - est l'absence totale d'inertie de ce "gro-bi" : sa prise de tours est instantanée, particulièrement avec la cartographie optionnelle "Track" qui actionne la cartographie d'injection la plus directe et place au minimum l'intervention des assistances électroniques. Le bloc développe une énergie folle, comme pour s'extirper du cadre : ses relances entre 4000 et 7000 tr/mn sont infernales d'intensité, presque terifiantes. Et ça ne s'arrête pas là…   

MNC passe la première session - sur piste sèche - à tenter de canaliser cette incroyable fougue, avant de se rendre à l'évidence : ce moteur est un monstre ! Sa démonstration se poursuit dans les haut-régimes : aucun répit au guidon de la 1390 Super Duke R ! La ligne droite de 970 m nous amène à à 255 km/h, les épaules prêtes à se disloquer sous l'effort titanesque. Oh, pu…n, le truc : même la sixième arrache le bitume !

Partie cycle : une moto à poigne

Cadre treillis acier renforcé au molybdène, boucle moulée en aluminium, suspensions entièrement réglables - y compris en hydraulique haute et basse vitesses -, monobras oscillant "maousse", amortisseur de direction : la 1390 Super Duke R arbore des périphériques en accord avec son statut. A se demander, d'ailleurs, pourquoi KTM s'obstine à ne pas lui greffer un carénage et des demi-guidons : elle ferait une sportive d'enfer !

Son empattement diminue de 6 mm, à 1491 mm : c'est court pour une moto aussi velue ! Ce choix apporte de la vivacité : la moto se jette sur l'angle avec gourmandise. La précision est au rendez-vous, ainsi qu'un retour d'informations franc et direct. Pour autant, faire virevolter la 1390 Super Duke R demande de la poigne, sentiment renforcé par un centre de gravité assez haut placé (rançon de l'architecture moteur encombrante). Une Tuono V4 ou encore une MT-10 SP sont plus maniables et autrement moins physiques dans les enchaînements.

La stabilité est suffisante pour avaler de grandes courbes à toc sans transpirer, à condition toutefois d'intégrer le mode d'emploi exigé par la moto... La 1390 Super Duke R étant extrêmement réactive, il convient de rester souple du haut du corps tout en la serrant fermement entre ses cuisses : s'accrocher au guidon est le meilleur moyen de subir des mouvements de direction sous la poussée herculéenne du twin !

Gare aussi de correctement caler le pneu de 200 mm avant de rouvrir plein gaz en sortie de courbes : dans le cas contraire, l'amortisseur WP s'écrase sous la charge explosive du moteur. Ruades de l'avant et pertes de motricité à l'arrière viennent alors perturber la tentative de dressage. Problème : la mécanique est tellement expressive qu'il est difficile - voire impossible - de trouver une plage de régime succeptible de préserver le Michelin Power GP… et le pilote.

Le constat est encore plus édifiant sous la pluie, qui s'invite hélas après seulement deux sessions… Moto-Net.Com tente de continuer son essai sur bitume détrempé, mais piloter la Katoche dans ces conditions est comme un remake du "Salaire de la Peur" ! La 1390 Super Duke R paramétrée en mode "Rain" continue à envoyer du lourd, alors que sa réactivité sur l'angle n'est pas suffisamment canalisée à notre goût pour poursuivre l'expérience. L'instinct de conservation - la peur, quoi ! - nous suggère de rentrer aux stands après un tout droit dans les graviers.

Freinage : aussi balèze que le moteur !

Étriers radiaux Brembo Stylema, disques de 320 mm, nouveau maître-cylindre radial Brembo MCS, durits renforcées : la 1390 Super Duke R emploie les grands moyens pour stopper sa fougue sans encombre. Le résultat est extrêmement convaincant avec un "toucher" de frein optimal : MNC a l'impression de directement activer les 4-pistons de chaque étrier du bout des doigts. La puissance du dispositif Brembo est à la hauteur de celle du moteur : collossale ! 

Un doigt suffit à planter le train avant dans le bitume, bien aidé dans l'exercice par l'excellent maintien en hydraulique de la fourche "Apex". Un avion de chasse qui apponte sur un porte-avions ralentit à peine moins vite ! La constance au freinage est également de très haut niveau, alors que le frein arrière présente le répondant nécessaire pour corriger une trajectoire. L'ABS sensible à l'angle nous est apparu délicieusement transparent sur le sec. Sur le mouillé, ses interventions ont été salutaires tant le grip de la piste espagnole était bas !

Electronique : une Bête sophistiquée

La 1390 Super Duke R est équipée de série d'un contrôle de motricité et du cabrage, d'un assistant au départ et de trois modes de conduite (Rain, Street et Sport). Elle présente un pratique dispositif de démarrage sans clé qui contrôle aussi le verrouillage du bouchon de réservoir. Nouvelles subtilités : son étrange phare - allégé de 700 gr - adapte automatiquement sa luminosité aux conditions et reste allumé quelques secondes après avoir coupé le contact pour faciliter le rangement au garage. Bien vu !

L'action de l'antipatinage peut être paramétrée depuis des palettes "+" et "-" au commodo gauche, commodos par ailleurs rétro-éclairés. Cette fonctionnalité - introduite de série par Aprilia sur ses RVS4 - est hyper-pratique puisqu'elle autorise un réglable à sa main, section par section. De quoi se prendre pour un pilote… tout en gardant ce filet de sécurité suffisamment actif pour museler la "Bête" ! Le dispositif est efficace et peu intrusif sur ses graduations les plus faibles : de belles dérives sont déjà possibles sur le 2ème cran (9 au total) ! 

Autre nouveauté introduite sur ce millésime 2024 : l'anti-wheeling offre la possibilité d'entrer un angle d'inclinaison maximum toléré ! Il suffit d'entrer dans les sous-menus pour choisir "Low", "Médium" ou "Hight". Voire de le désactiver ("Off") pour les plus téméraires qui ne veulent aucune limite de cabrage... L'occasion de regretter une navigation moyennement intuitive dans l'interface KTM, ainsi qu'un écran pas spécialement lisible en action.

La 1390 Super Duke R est livrée de série avec deux modes de conduite supplémentaires : "Performance" et "Track", qui offrent davantage de possibilité de paramétrages des assistances et de l'affichage sur l'écran. Ces modes dédiés au circuit peuvent également être liés à un système d'acquisition de données optionnels, avec angles d'inlinaison et chronomètre GPS. 

Problème : ces modes "Track" et "Performance" - ainsi que le shifter "up and down" - ne sont actifs gratuitement que pendant 1500 km, conformément à la nouvelle politique commerciale de KTM ! Si vous souhaitez les conserver, il faut de nouveau passer à la caisse pour les déverrouiller électroniquement. Stratégie frustrante dans la mesure où le dispositif est présent quoi qu'il en soit sur le moto : le shifter, par exemple, est intégré dans la boîte ! Une politique par ailleurs franchement pingre pour une machine à plus de 21 000 euros… 

Verdict : Bête de foire !

Si la météo nous a empêché d'apprécier tout le potentiel de la nouvelle 1390 Super Duke R, sa prise en mains révèle un tempérament hors norme dans la lignée de la précédente 1290 Super Duke R testée en 2020 à Portimao (Portugal). A commencer par la monstrueuse patate de son twin, qui vaut à lui seul le détour : rares sont les moteurs aussi pleins et démonstratifs. 

La KTM n'est certes pas la plus docile, ni la plus facilement exploitable… Mais son incroyable répondant et le caractère tranchant de sa partie-cycle en font une véritable "Bête" à sensations : prendre son guidon donne la certitude d'être malmené et poussé dans ses retranchements, à la manière du plus effrayant manège de la foire.

Reste que son caractère bourru impose un pilotage autoritaire et une conscience très fine de ses limites, car la moto, elle, semble n'en posséder aucune lorsque sa poignée droite est vissée. A la fois addictif et effrayant… La 1390 Super Duke R est sans conteste une des motos les plus méchantes de son segment, voire la plus terrifiante !

Rivales KTM 1390 Super Duke 2024

  • Aprilia Tuono V4 : 4-cyl. en V, 175 ch, 121 Nm, 209 kg en ordre marche, 16 999 € (Factory : 19 999 €)
  • BMW S1000R : 4-cyl. en ligne, 165 ch, 114 Nm, 199 kg tous pleins faits, 16 490 €
  • BMW M1000R : 4-cyl. en ligne, 210 ch, 113 Nm, 199 kg TPF, 22 890 €
  • Ducati Streetfighter V4 : 4-cyl. en V, 208 ch, 123 Nm, 201,5 kg TPF, 23 590 €
  • Honda CB1000R : 4-cyl, 145,5 ch, 104 Nm, 212 kg TPF, 14 999 €
  • Honda Hornet CB1000 : à venir (plus de 150 ch)
  • Kawasaki H2 : 4-cyl. en ligne, suralimenté, 200 ch, 137 Nm, 239 kg TPF, 19 299 €
  • MV Agusta Brutale 1000 RS : 4-cyl. en ligne, 208 ch, 116,5 Nm, 186 kg à sec, 29 299 €
  • Suzuki GSX-S1000 : 4-cyl, 152 ch, 106 Nm, 214 kg TPF, 13 599 €
  • Triumph Speed Triple 1200 RS : 3-cyl. en ligne, 180 ch, 125 Nm, 198 kg TPF, 18 495 € (RR : 20 490 €)
  • Yamaha MT-10 : 4-cyl. en ligne, 165,9 ch, 112 Nm, 212 kg TPF, 15 999 € (SP : 18 999 €)

Points forts et points faibles KTM 1390 Super Duke R

POINTS FORTS KTM 1390 SUPER DUKE R

 
  •  Caractère et remplissage moteur
  • Périphériques dignes d'une Superbike

  •  Électronique redoutablement efficace

 
 

 

POINTS FAIBLES KTM SUPER DUKE R

 
  •  Design clivant

  •  Bestialité parfois difficile à canaliser

  •  Poids et nevosité sensibles 

 
 
 

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CONDITIONS ET PARCOURS

 
  • Modèle standard 
  • Circuit : 2 sessions de 20 mn à Alméria + quelques tours sous la pluie
  • Pneus : Michelin Power GP
  • Problèmes rencontrés : RAS
 
 
 

POINTS FORTS KTM 1390 SUPER DUKE R

 
  • Caractère et remplissage moteur
  • Périphériques dignes d'une Superbike
  • Électronique pointue très efficace
 
 
 

POINTS FAIBLES KTM 1390 SUPER DUKE R

 
  • Design clivant
  • Bestialité parfois difficile à canaliser
  • Politique d'options discutable à ce prix...