Comparatif Superbike 2018 : Aprilia RSV4 RF Vs BMW S1000RR Vs Ducati Panigale V4 S

Théâtre il y a un an de notre comparatif Superbike 2017 qui avait réuni les quatre sportives japonaises, le Circuit des Écuyers nous accueille à nouveau en 2018 pour tester cette fois les trois Superbike européennes... sans risquer la perte de points sur le permis, la case prison ou la collision avec un tracteur ! MNC en profite pour remercier chaleureusement le propriétaire Franck Guittard, son fils Erik et Ingrid Becard.

Long de 3,5 km, le tracé de Beuvardes est particulièrement sinueux et technique, donc parfait pour juger l'agilité et la stabilité de nos machines. Vallonné, il est très éprouvant pour les pilotes comme pour les parties-cycles... et l'électronique : nos monstres de 200 chevaux parcourent la majorité du tour en seconde ! Ca va swinguer.

Enfin, la ligne droite en montée est idéale pour comparer les performances des moteurs : elle permet de tirer allégrement sur les 2, 3 et 4èmes rapports avant de plonger dans une courbe rapide en aveugle qui se négocie en trois. Frissons garantis !

Avec la Ducati toutefois, les frémissements commencent en bas de la ligne droite, au moment d'ouvrir les gaz en grand... Pour ce faire, il faut impérativement peser de tout son poids sur le train avant car ce dernier a une fâcheuse tendance à vouloir quitter le sol. Gaffe aux premières accélérations à toc : le coup de boule guette !

S'agripper du mieux possible au guidon de la nouvelle Panigale ne permet pas uniquement de conserver la fonction directrice de la roue avant - parfois utile ! - : cela permet aussi d'éviter que l'électronique bride la rotation de la roue arrière et de profiter du plein potentiel du V4 dont les relances sont magnifiées par les pots !

Le calage "Twin Pulse" n'est pas un simple argument marketing : il permet effectivement au V4 de tracter aussi fort qu'il chante, ce qui n'est pas peu dire. La vigueur du 4-cylindres en V a de quoi enflammer les pistards amateurs de sensations fortes, mais aussi refroidir les pilotes moins expérimentés...

Aucun risque heureusement de partir en soleil : comme sur l'Aprilia et la BMW, une centrale inertielle se charge de déterminer la position de la Ducati dans l'espace. Trop cabrée ? Le moteur est alors automatiquement bridé afin de maintenir la roue avant sur le bitume, ou juste au-dessus.

Plus puissante et plus légère que la RSV4 RF et la S1000RR FO (pour "Full Options" !), la Panigale V4 S accélère logiquement plus fort. Bien plus fort. Dans les mi régimes, les écarts sont étonnants : lors de tests de reprises autour de 4000 tr/min en 3ème comme en 4ème, la Ducati bat aisément la BMW et humilie l'Aprilia...

Fort de son V4 de 1103 cc, la Superbike de Bologne bondit immédiatement devant ses deux rivales de 999 cc. Elle inflige une belle correction à l'allemande et son 4-en-ligne qui s'accroche toutefois au bout d'une poignée de secondes et maintient ensuite sa dizaine de mètres de retard... mais ne remonte pas pour autant.

La Ducati pour le plein de sensations

La seconde italienne reste sur place, littéralement. La RSV4 se trouve deux fois plus loin que la S1000RR lorsque son "petit" V4 lâche enfin les chevaux, aux alentours de 8000 tr/min. Sur l'Aprilia pourtant, le sentiment d'accélération est décuplé par la fabuleuse bande-son, audible dès les bas-régime.

Pour s'extirper plus efficacement des épingles aux commandes de la RSV4 RF, notre hôte Éric Guittard - pilote en mondial d'Endurance, SVP ! - n'hésite d'ailleurs pas à rentrer la 1ère vitesse. Fait exceptionnel selon lui ! Moins expressive que la Superbike de Noale, la S1000RR se révèle mieux remplie dans les mi régimes : on peut donc rester en seconde, comme sur la Panigale V4...

En maintenant les trois machines haut dans les tours, les écarts dans la ligne droite s'avèrent nettement moindres, voire inexistants. Mieux : le pilote qui cravache savamment son Aprilia peut éventuellement passer devant son camarade débordé par la fougue de la Ducati !

Un peu plus lourde et mieux campé sur sa roue avant, la BMW est la Superbike européenne qui demande le moins d'expérience pour ouvrir en grand dans les bouts droits : on essore la poignée sans se poser - trop - de questions et sans risquer de prendre la bulle dans le menton...

En outre, les repose-pieds de la S1000RR offrent aux bottes le meilleur grip et leurs pointes surélevées permettent de bien se poser dessus dans les virages. La RSV4 RF est également bien pourvue de ce point de vue-là. Beaucoup mieux que la Panigale V4 en tout cas...

Les repose-pieds de la Ducati sont curieusement plats, courts - pour des prises d'angles plus prononcées ? Admettons... - et glissants. Par deux fois, Moto-Net.Com a eu la désagréable expérience d'attaquer la ligne droite avec le pied extérieur en l'air. Pas glop. Et pas très adapté à une moto qui exige justement une forte mobilité de la part du pilote.

Aux commandes de l'Aprilia, Moto-Net.Com n'a recensé qu'un seul gros défaut sur circuit : la découpe trop saillante des flancs de réservoir tranche l'intérieur des cuisses, au risque de se taper une paire de bleus en fin de journée piste ! Heureusement pour eux, les rouleurs MNC n'ont passés qu'un tiers de leur temps sur la RSV4 RF.

Dans une bien moindre mesure, la Ducati peut également gêner son pilote à cause de son réservoir un peu trop proéminent dans sa partie avant : cette fois, c'est le bras extérieur qui ne se pose pas très naturellement dessus. On ne préfère pas pour autant le réservoir de la BMW, très imposant...

Dans les parties les plus lentes d'ailleurs, la BMW est la plus physique à emmener : il faut fournir un peu plus d'efforts au niveau des jambes pour pivoter autour de son réservoir, et un peu plus au niveau des bras pour lui faire rejoindre la corde ou franchir une chicane. Avantage en revanche : une fois posée, la BMW est la plus stable des trois machines.

La BMW pour découvrir le Superbike

Sur la S1000RR "FO", la sensation de piloter une grosse moto est accentuée par le manque de retenue des suspensions électroniques en mode Sport. Les appuis, au freinage comme à l'accélération, ne sont pas aussi solides que sur la RSV4 RF dont les suspensions ne sont pas pilotées électroniquement, mais ont été fort bien réglées par Aprilia France.

En sélectionnant le mode Race de la BMW, son hydraulique est davantage fermée, si bien qu'on peut attaquer plus fort dans le sinueux. Sur le sollicitant tracé des Écuyers, il n'est toutefois pas nécessaire de s'appeler Loris Baz - unique pilote BMW en WorldSBK cette saison - pour cerner les limites de la partie-cycle allemande.

Sur la Panigale V4 S, la sensation - forte ! - de piloter une teigne est omniprésente... Son tonitruant moteur catapulte vivement le pilote. Or le large guidon réagit lui aussi vivement aux imperfections du tarmac : dans un premier temps, MNC préfère d'ailleurs contourner certains raccords du tracé de Beuvardes pour ne pas être trop bousculé.

La Ducati paraît diablement agile pour une arme de ce calibre... Elle peut sans doute remercier son vilebrequin contrarotatif issu du MotoGP, ainsi que la géométrique de son train avant (voire les fiches techniques en page suivante). Il n'y a que son empattement qui soit nettement supérieur aux autres : trois bons centimètres qui ne sont pas de trop pour passer les 214 ch au sol !

Seule machine du comparo - et de la production Superbike en 2018 - à bénéficier d'un élégant mono-bras, la Panigale V4 S est aussi celle qui bouge le plus à la remise des gaz, même en réglant ses Öhlins électroniques sur Race. La (sur) puissante italienne aurait peut-être été plus à l'aise au Mugello ou au Mans. Mais MNC n'a malheureusement pas les clés de ces circuits de MotoGP !

Joueur, chahuteur, perturbateur, agitateur, provocateur (bête à poil ?)... Les qualificatifs du caractère de la Panigale V4 sur circuit varient d'un pilote à l'autre, mais tous s'accordent à dire que la Ducati est la plus exigeante. Trop pour ceux qui souhaitent travailler leur position sur la moto, ou soigner leurs trajectoires : dans le premier cas, mieux vaut chevaucher la BMW, dans le second l'Aprilia...

Grâce à son train avant fabuleusement rigoureux, la RSV4 RF inspire instantanément confiance. Ce n'est pas le cas de la Panigale V4 S que le pilote doit apprendre à dompter, doit progressivement sonder les - insondables pour le commun des mortels ? - capacités de franchissement de courbes à toc ou presque. La Ducati peut virer fort et vite, y compris sur revêtement fatigué, mais elle secoue salement !

De même, l'Aprilia jouit d'une stabilité impériale, sur l'angle comme en ligne droite : contrairement à la tempétueuse Ducati, jamais elle ne guidonne au passage des vitesses dans la ligne droite. Et pourtant, Moto-Net.Com jure avoir cravaché de la même manière ces deux compatriotes. Et tout autant l'allemande, d'ailleurs.

Des trois motos également, l'Aprilia est sans doute celle qui dispose de la meilleure traction en sortie de courbe : en mode "Race", le voyant de l'antipatinage ne clignote qu'en de très rares occasions, alors que celui de la Ducati s'illumine bien plus souvent.

Si l'on ajoute à - tout - cela, le fait que la RSV4 est la plus adroite pour plonger à la corde, pour resserrer ou élargir une trajectoire en plein virage, on obtient le meilleur outil du comparatif pour qui souhaite descendre ses chronos. Il faudra également régler les suspensions, petit à petit : MNC regrette juste l'absence de mini-molettes qui permettraient de régler la fourche, comme on modifie l'hydraulique de l'amortisseur.

L'Aprilia pour claquer une pendule

L'Aprilia se distingue aussi de la concurrence grâce aux gâchettes sur son commodo gauche,, rudement pratiques pour modifier en plein roulage - en pleine course ? - le niveau d'intervention du contrôle de traction : du 8 très intrusif au 1 très permissif. Voire "zéro" pour les héros !

La BMW permet le même genre de modifications, mais via des petits boutons qui demandent au pouce de s'éloigner davantage du guidon : on préfère donc les manipuler dans les lignes droites uniquement. Sur la Ducati enfin, changer ce réglage est un peu plus compliqué en roulant... Dommage.

Dommage en effet, car il est instructif de jouer avec l'antipatinage d'une Superbike ! En sélectionnant le mode le plus castrateur, on se contraint à piloter à la manière des pilotes de MotoGP : en redressant au plus vite la machine pour qu'elle accepte de lâcher ses chevaux !

L'excellent grip des chausses d'origine de "nos" trois motos du jour autorise toutefois d'accélérer - fort - sur l'angle, malgré les très fortes chaleurs. Les dérives à l'accélération sont également prises en compte par les puces savantes embarquées : les débuts de "slide" en fin de sessions sont rapidement et soigneusement gérés. Ouf...

Soulignons qu'au terme de notre roulage sur piste (environ 150 km), le Diablo Corsa SP de la Ducati était plus fatigué que celui de l'Aprilia, en raison des plus fortes contraintes appliquées par le gros V4 de la nouvelle Panigale. Sur la BMW S1000RR, le Metzeler Racetec RR était dans un état comparable au Pirelli de la RSV4.

Et le freinage dans tout ça ? Les différences sont ténues... Mais le Journal moto du Net estime que l'Aprilia remporte également la victoire dans ce domaine, dominant de peu la BMW puis la Ducati, car elle offre un freinage à la puissance aussi progressive que démoniaque.

C'est la RSV4 RF que MNC a le plus sollicité sur les freins : au fur et à mesure des tours, la prise du levier droit est retardée, renforcée... Et la moto finit - enfin ?! - par broncher, la roue arrière balayant très légèrement la piste, dans les limites permises par l'électronique.

Sur la S1000RR, le frein moteur inférieur permet au pilote de gérer un peu plus naturellement les décélérations. Dans le même temps, le frein avant de la BMW se montre plus mordant : on agrippe donc le levier droit moins franchement que sur l'Aprilia. Il faut être plus précis, ce qui est possible sur circuit, mais un peu dur sur route en cas d'urgence).

Enfin, la Ducati n'est certainement pas une mauvaise freineuse. Son guidon moins cintré et large propose d'ailleurs un excellent appui ! Mais en chipotant, on peut lui reprocher son levier moins consistant ("dur") que sur les concurrentes. La course du levier plus longue oblige à mieux mesurer ses actions... Pas toujours simple dans le feu de l'action !

Inemployés sur circuit, les freins arrières se différencient plus nettement chez "nos" Superbike. Dosable et puissant, celui de la BMW est sans doute le plus pratique sur route... pour ménager l'improbable passager ? À l'opposé, celui de l'Aprilia demande le plus d'effort, mais s'avère bon pour utilisation sur route, tranquille.

Verdict : deux italiennes et une allemande vont sur circuit...

Toute nouveau moteur, tout nouveau châssis : Ducati sort en 2018 une toute nouvelle Superbike... tout en conservant son nom évocateur (Borgo Panigale, quartier nord-est de Bologne où est basée l'usine), sa ligne à tomber, son caractère en acier trempé alu forgé et son tarif haut placé !

Avec son Desmosedici Stradale, la Panigale V4 se montre au moins aussi bestiale que la 1299 Panigale. Aussi délicate à mener sur route comme sur circuit... C'est pourquoi MNC - et Matthieu, son essayeur le plus débridé - la conseille aux motards qui recherchent en priorité une moto pour faire le plein de sensations fortes.

Sortie il y a neuf ans déjà mais graduellement peaufinée - surtout au niveau de l'électronique aussi pointue que sur ses rivales transalpines -, la S1000RR apparait désormais comme une Superbike - presque - polyvalente. Dommage que sa position de conduite un peu plus relax soit gâchée par les vibrations dans le guidon.

Moins effrayante que la Ducati, moins grisante que l'Aprilia, la BMW reste néanmoins une machine hyper performante et très gratifiante. Moto-Net.Com - et Yves, son essayeur le plus vieux sage - la préconise aux pistards qui débutent dans la catégorie Superbike.

Enfin, la RSV4 RF se révèle la plus efficace sur circuit. De ces trois machines "made in Europe", elle offre au pilote le meilleur compromis fougue / contrôle. Elle est en outre et de loin, la moins chère de la bande... sans pour autant rogner sur la qualité des pièces et l'assemblage ! Selon MNC - et Alex, son essayeur le plus exigeant -, l'une des meilleures sportives du moment.

L'Aprilia pèche cependant par sa ligne qui commence à dater et fatigue les cuisses sur piste ! De plus, les responsables du groupe Piaggio ont usé et abusé de son triple optique, le postant sur les mignonnes RS4 125 et excitantes Tuono V4, mais aussi sur les décevantes Caponord 1200 et insultants SRV 850 ! L'image de (la) marque n'en est pas sortie grandie...