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Dans le sillon de Mick et Keith

Le photographe Dominique Tarlé explique la genèse de quatre photos prises dans les années 70 :
par Dominique Poiret, recueilli par
publié le 12 juin 2014 à 18h06

A l’occasion de l’exposition qui lui est consacrée à la Galerie de l’instant, le photographe Dominique Tarlé commente pour Libération une sélection de clichés emblématiques des années passées dans l’entourage des Rolling Stones.

Mick Jagger Honda et Ami 6 (1971)

«Au début du séjour des Stones [sur la Riviera, ndlr], Mick et le saxo Bobby Keys décident d'acquérir chacun une Harley-Davidson. Après avoir ratissé la région, les deux musiciens reviennent bredouilles et se rabattent alors sur deux Honda.

On a fait une virée au soleil couchant. Je suis derrière la moto de Bobby, dans le sens inverse de la marche, et je photographie le jeune chanteur.

On devine, à regarder son visage, qu’il pense qu’une Honda n’est pas une Harley. C’est le cliché dans son intégralité. J’avais pensé un moment supprimer le premier cavalier, en fin de compte je l’ai conservé. Aujourd’hui, cette photo serait impossible, Mick serait caché par son casque.»

Jumping (1976)

«C’est le premier concert de la tournée européenne, à Francfort probablement, avec Ron Wood, qui remplace Mick Taylor (lui-même avait pris la place de Jones). Je suis au pied de la scène et pendant un morceau, Keith se dirige vers son ampli pour régler le son. Au moment de revenir, il se prend les pieds dans les câbles et se casse la figure. Et c’est là où l’on s’aperçoit de la complicité du duo qu’il forme avec Jagger. Mick comprend tout de suite qu’il se passe quelque chose. Il se retourne et voit Keith le cul par terre. Aussitôt, il saute dans les airs pour attirer l’attention du public sur lui. En tout cas, c’est la manière dont j’interprète cette photo. Ça dure une fraction de seconde et ensuite tout rentre dans l’ordre.»

Keith petits pois (1976)

«Ce soir-là, les Stones sont aux Abattoirs de Pantin. Dans la journée, je rejoins Keith à son hôtel parisien avant le concert. Il est au bar en compagnie de Ron Wood. Je lui offre un tee-shirt que je viens de réaliser avec un copain, Harry Cover, à l’effigie de Bob Marley. Il le porte sur la photo. Keith grimpe dans sa chambre pour l’enfiler. A son retour, je sens qu’il y a quelque chose qui cloche. Il a l’air replié sur lui-même, perdu dans ses pensées, ce qui n’est pas dans sa nature, surtout quelques heures avant un concert. Je saurai plus tard que ce jour-là, il vient d’apprendre le décès du troisième enfant qu’il a eu avec Anita Pallenberg. Le petit garçon, qui s’appelait Tara, est décédé à l’âge de 2 mois de la mort subite du nourrisson. Keith ne dira rien aux autres membres du groupe avant la fin du concert. Sur scène, Keith a joué normalement, comme si de rien n’était.»

Les Lustres (1971)

«Nous sommes dans le salon de la villa Nellcôte, on voit Keith et Gram Parsons qui chantent et jouent ensemble. Musicalement, je n'ai jamais rien entendu d'équivalent au duo Gram et Keith. Gram voulait que Keith produise son album solo chez Rolling Stones Records, ce qui inquiétait profondément Mick. S'il avait accepté, Keith aurait dû jouer, chanter, composer et, par conséquent, aurait été absent plusieurs longs mois. Cette relation représentait un danger potentiel pour l'avenir des Stones. Mais ce projet ne verra jamais le jour. Entre-temps, Mick a mis tout le monde au travail dans les caves de la villa. Mais l'esprit musical, ouvert sur toutes les cultures, que Keith et Gram avaient en tête se retrouve sur Exile on Main St. L'album sera très mal accueilli par la critique à sa sortie mais aujourd'hui il est considéré comme leur meilleur. Keith et Gram avaient vu juste.»

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