Après les dernières prières en plein air, c'est une autre musique qui s'est mise à emplir la vallée verdoyante où se tient tous les ans le rassemblement de Porcaro. Celle des motos rutilantes qui rugissent dans un tonnerre de décibels. Mais pas de quoi effrayer la Madone des motards, qui veille sur ses ouailles portant cuirs et tatouages. Léopold vient depuis 20 ans, de Royan (Charente Maritime) en chevauchant sa Harley. « La vierge Marie est notre mère à tous et on ne peut qu'aimer sa mère », dit-il. Au moment de la communion, il portait l'ombrelle destinée à abriter du soleil l'un des officiants. Ses solides biceps bariolés et sa longue crinière grise se détachaient sur l'aube blanche du prêtre.
Croyants ou non
Combien étaient-ils, hier, à Porcaro ? 15.000, selon l'un des organisateurs. Moins que l'an passé. La mauvaise météo des derniers jours avait dissuadé plus d'un motard à prendre la route. La foule était quand même impressionnante. Il a fallu près de deux heures, à l'issue de la messe, pour bénir les pèlerins, un à un. Et pour accélérer le défilé, il y avait cette année un prêtre de plus. C'est à cinq qu'ils ont donné l'onction de la Madone à cette armada vrombissante, haute en couleur, de croyants ou non, de tous les styles, du bad boy au sélect, mais tous là pour se mettre sous la protection de la Vierge en ce 15 août.
Un nouvel aumônier
Bruno et Isabelle, un couple de Bordeaux, avaient fait le voyage pour la première fois sur leur trike, une moto à trois roues rutilante. « On voulait voir par curiosité, on n'est pas déçu ». Isabelle, assise tranquillement à l'arrière, portait ses deux chiwawas dans ses bras, promis eux aussi à un jet d'eau bénite et à un « que la Sainte Vierge vous protège ». Une équipe de copains du Nord ne voulait pas rater le rendez-vous. « Pour le bon esprit, l'ambiance, et c'est un passage obligé quand l'un de nous a une moto neuve ». « Impressionnant ! Qu'on ait la foi ou pas, c'est touchant », soulignait Bernard, de Châteauroux (Indre) sur sa superbe BMW. Cette édition 2014 était celle d'un passage de témoin et celle d'un hommage. Le père Jean-François Audrain, qui présidait la messe, a laissé sa place d'aumônier des motards au père Antoine de Roeck, vicaire à Guer. Nommé à la direction du Séminaire pontifical à Rome, il va devoir mettre de côté sa passion pour les bolides, après avoir été pendant sept ans aumônier des motards, une fonction qui ne consiste pas seulement à bénir, le 15 août, mais à organiser également à Porcaro des stages de perfectionnement de conduite, des sorties et à apporter du réconfort aux familles endeuillées par un accident.
50 motards en 1979
Le père Audrain, véritable as de la moto, a créé le « Team de la Madone ». Il possède une GSX-R 1000, une « ultra-sportive ». Son successeur, le père de Roeck, ne pouvait être lui aussi que motard, c'est la règle. « Mais sur ma 600, je fais office de petit garçon sage », dit--il, titulaire seulement du permis depuis un an après avoir roulé en 125 cc... « Je ne me mets qu'au figuré dans la roue du père Audrain », ajoute ce jeune prêtre de 32 ans. L'hommage était pour le fondateur du pardon, l'abbé Prévoteau, décédé en février dernier. En 1979, il avait lancé avec un groupe de motards de Rennes cette Madone de Porcaro. Ces 50 premiers motards sont aujourd'hui des milliers.
