Novembre 2000Quand on sort de laéroport de Denpasar, la première chose
qui frappe est une douce chaleur passablement humide...
L E S R O U T E S |
EN BREF |
Lectures Nadia : Le livre de Saphir de Gilbert Sinoué, que je " Ce que je vais te livrer est le plus troublant, le plus Hervé : le livre, ou plutôt le conte Mèmed le mince, " La lueur, pas plus grosse quune tête Un animal totem : Un conseil, un seul : Hervé les bons tuyaux :
En arrivant, donnez-vous un ou deux |
BALI
Une 125 au paradis...
Quand on sort de l’aéroport de Denpasar, la première chose qui frappe est une douce chaleur passablement humide...
Les premiers pas
Après une semaine passée à se repaître de paysages de rizières, de caldeira
volcanique et de visites de temples hindous à Bali, nous avons donc pris le ferry à
Padang Bay, petite anse aux couleurs de rêve dans laquelle pénètrent on ne sait trop
comment dénormes ferry ventrus, couverts de traînées orange tellement la rouille
les ronge.
Nous sommes arrivés à Lembar le 14 août,
à la tombée de la nuit. En grimpant dans le bémo avec les quatre Australiens et le
Suédois, nous nous sommes une nouvelle fois interrogés sur la capacité de ces engins à
engloutir des êtres humains. Le charme des transports en commun en Asie du Sud-Est
consiste à prendre un minibus le plus petit possible pour se faufiler partout et à le
remplir avec un maximum de clients pour le rentabiliser au mieux. Donc, quand quatre
autres bonhommes ayant fini leur journée au port nous eurent rejoints avec le chauffeur,
et quautant de sacs à dos que de touristes furent entassés sur une des banquettes,
nous étions fin prêts pour découvrir Lombok.
Lombok, terre musulmane, est une île gaie et animée jusque tard dans la soirée. Tard
dans la soirée sentend jusquaux environ de minuit, sachant que le soleil se
couche tous les soirs vers 18h00. Cette ambiance nous change un peu du calme et de la
discrétion balinaise. Nous passerons notre première nuit à Lombok dans un petit
bungalow charmant, non loin de la mosquée de Mangsit
Les premiers tours de roues
Et la moto dans tout ça ? Cest ce soir-là, en rentrant de la balade en
bateau, que nous sommes allés louer notre première moto : une de ces innombrables
125 qui sillonnent les routes de lIndonésie. Ce sont des petites motos japonaises,
qui ont lair de toutes se ressembler : une allure de mobylette, une longue
selle, des pneus lisses, des rétros inexistants
et un truc qui paraît assez
bizarre : la pédale de gauche est double, elle passe devant et derrière le
cale-pied ! Ah, il ny a pas non plus de levier dembrayage !
Jai oublié comment ça sappelle, mais en fait ça fonctionne plutôt
bien : quand on veut monter une vitesse, on appuie devant ; et quand on veut
rétrograder, on appuie derrière avec le talon. Et tout ça sans embrayer ni débrayer.
Après contrôle de
certaines fonctions comme le freinage de lengin et explications sur le
fonctionnement décrit ci-dessus, nous enfourchons la bête et partons faire nos premiers
tours de roues indonésiens
Evidemment, ce système de passage de vitesse est pas
mal, mais faut quand même sy habituer, surtout en roulant à gauche dans une
circulation dense et aux véhicules très variés : depuis le cidomo, petite voiture
à deux roues tirée par un cheval, hyper inconfortable et tape-cul mais très typique,
jusquau camion bariolé et surchargé qui déboule a grand renfort de klaxon. Une
explication, quand même : le klaxon en Indonésie nest pas une chose difficile
à vivre quand on a compris quil sert à avertir (tention, jte
double !), et non pas à rouspéter en gueulant comme un putois dans sa bagnole à la
mode occidentale.
Le lendemain, nous partons pour notre premier vrai trajet à mobylette. Direction
Tetebatu, petit village agrippé aux premiers contreforts montagneux du mont Rinjani, soit
environ 170 km aller-retour. Rinjani est LE volcan de Lombok, encore en activité et
dune altitude de 3 726 m. Nous devons y retrouver quatre personnes avec
lesquelles nous avons sympathisé dès notre départ de France et que nous croisons sans
cesse par hasard depuis : Laure, Claire, Jean et Chantal. Loccasion de
Tetebatu, la seule qui fut calculée, échouera dailleurs lamentablement, et nous ne
parviendrons pas à nous voir au cours de cette journée !
Escapade au cur du Paradis sur Terre
Les deux jours suivants seront notre véritable périple à deux roues. Sur les
conseils damis de nos quat zamis, nous traçons notre itinéraire, qui sera
quelque peu plus long que la veille, et prévoyons de passer la nuit à Kuta, à
lextrême sud de lîle, alors que nous partons de Mangsit, située dans le
nord-ouest.
Dès le matin, la température douce et
agréable nous permet de rouler en tenue légère. Il me faut apporter ici une précision
importante à propos de la sécurité. Lors de nos déplacements à moto, nous étions
dans lirrespect le plus complet des règles de sécurité motardes en vigueur
en Europe. Il nous est apparu proprement impossible de transposer nos usages à
lautre bout du monde. Même si, à différentes reprises, nous avons cru télescoper
un piéton, un cycliste, ou encore un coq poursuivi par un chien au milieu de la route,
nous nous sommes adaptés aux usages locaux comme, par exemple, porter un casque tout
juste bon à nous tenir la tête à lombre, ou encore ne pas mettre de gants, ne pas
porter de blouson
Somme toute, nous avons pris quelques risques, mais il faut avouer
que nous avons aussi apprécié de rouler, pour une fois, en toute simplicité !
La route que nous prenons longe la cote
ouest jusquà Lembar après avoir traversé Mataram, agglomération de trois pôles,
lun économique, lautre administratif et le troisième portuaire, qui ensemble
constituent la capitale de Lombok. Cette route est large bien que minée de nombreux nids
de poule qui obligent les camions, les voitures et les deux-roues à zigzaguer dun
bord à lautre. La circulation y est vraiment rapide compte tenu de
limportance du trafic. Nous sommes pressés de parvenir à Lembar pour pouvoir
rouler plus tranquillement sans risque de se faire renverser dans un concert de klaxon.
Mais sur cette route, nous avons déjà goûté à la gentillesse des Indonésiens :
à peine notre carte routière est-elle dépliée quun piéton sarrête ou
quune mobylette fait demi-tour pour nous renseigner. Enfin, nous attaquons, toujours
plein sud, une petite route en pas trop mauvais état (pour le moment
) et bien moins
encombrée. Le prochain village que nous devons traverser est Sekotong Timur. Nous ne le
savons pas encore, mais pendant les cinq prochaines heures, nous ne croiserons que très
peu de monde et ne traverserons que de tout petits villages dont les habitants ne sont pas
très coutumiers des visites touristiques.
Nous cheminons ainsi de village en village, nous arrêtant par-ci par-là pour demander
notre route, cest-à-dire en sefforçant de prononcer du mieux possible le nom
du prochain patelin, parce que, sorti de "Hello, hello", nos braves
interlocuteurs ne parlent pas plus anglais que nous ne parlons lindonésien et
encore moins le dialecte local qui est, à Lombok, le sasak. Nous traversons donc Sekotong
Tengah après Sekotong Timur (!), puis Sepi, et encore Montong Sapah. Cest après
Keling que nous nous sommes arrêtés à un petit col qui dominait une baie profonde. Il
était temps de faire une pause casse-croûte. Au menu : noix de coco, mini-bananes
et biscuits made in Lombok. Plutôt frugal comme repas, mais notre trajet prenant des
allures de raid, il est près de 14h30 et nous ne sommes pas encore arrivés à
destination (Kuta) alors que nous pensions y être pour midi ! Quà cela ne
tienne, nous voici regonflés à bloc et dattaque pour chevaucher notre rouge
destrier.
Ca chauffe !
On est dautant plus motivé
quil nous a semblé apercevoir, du haut de notre col, une plage à lair
accueillant tout au fond de cette baie profonde, là, au bout sur la gauche
Javais toujours cru, naïvement daccord mais sincèrement aussi, que de telles
plages nexistaient que dans les studios dHollywood
Erreur
Devant
nous sétale une plage infinie, au sable blanc et fin comme du sel, à leau
turquoise et transparente
Seuls quelques bateaux de pêcheurs occupent ce lieu
enchanteur, bercé par le bruit des vagues et encadré dun somptueux décors de
montagnes verdoyantes. Adam et Eve ne devaient pas être mieux lotis que nous !
Le Paradis, oui mais après
De retour sur terre après cette halte paradisiaque, nous bouclons notre première
étape en arrivant à Kuta après quelques six heures dun trajet que nous
navions même pas imaginé en rêve ! Pratiquement 150 km de routes dont
plus de 100 km de pistes défoncées, ravinées, pentues comme jamais, sans oublier
le décor grandiose. Et le tout ponctué détapes plus enrichissantes et inattendues
les unes que les autres. Kuta, cest dabord une baie fort jolie avec un village
de pêcheurs. Puis cest devenu un lieu touristique apprécié, entre autres, par les
surfeurs du monde entier. Quand nous y arrivons, nous découvrons un nombre impressionnant
de petits hôtels offrant leurs bungalows et leurs restaurants. Le guide du routard,
soi-disant mis à jour tous les ans, ne parle que de quelques trois ou quatre lieux
dhébergement
Quà cela ne tienne : à mobylette, on a vite fait
de faire un tour pour choisir le lieu de notre étape et de nous attabler devant une bonne
bière bien fraîche en contemplant la carte. Plus tard, nous regretterons de navoir
prêté attention quau restaurant et non pas à létat du bungalow
Dans limmédiat, notre principal
souci est de nous restaurer. En attendant dêtre servi, vaguement endormi, je laisse
mon regard se perdre sur la plage peu fréquentée tandis que la mer reflue au large. Et
le miracle se produit à nouveau : comme à chaque fois, cest par hasard que
nous apercevons "la bande des quatre" ! Nadia part en courant à la
rencontre de nos copains de voyage, Laure, Claire, Jean et Chantal tandis que je garde un
il sur nos affaires. Avec empressement nous nous racontons nos périples respectifs
pour finalement nous donner rendez-vous sur la plage dici une petite heure. Le soir
nous fêterons ensemble les 50 ans de Jean qui, modestement, en paraît tout juste 40, et
nous déciderons que "la bande des quatre" louera trois motos dès demain matin
pour nous accompagner dans notre aventure motorisée. Ils ne sont pas motards et
nont pas connu la joie adolescente de la mob.. Quand, à nouveau réunis lendemain,
arrivent enfin les engins, les uns piaffent et nattendent que de faire un essai,
tandis que les autres se font des politesses ! Les démarrages sur les gravillons de
lhôtel ne rassurent pas les loueurs qui, assurément, ne sont pas des
professionnels mais des particuliers qui "diversifient leurs revenus". Chantal,
courageuse, enjambe une des motos et sapprête à démarrer.
Le paradis, ça se partage
Nous enfourchons nos montures et reprenons la
route avec, dans la tête, lenvie de se trouver une petite plage sympa et déserte.
Chose qui fut faite à peine quelques kilomètres plus loin. Les mobylettes abandonnées
au bord de la route, nous avançons vers cette plage, encore une fois paradisiaque tant le
sable est blanc et la mer transparente et turquoise. Après cette baignade matinale, nous
reprenons la route. Les conducteurs des trois autres motos semblent prendre de
laisance et notre progression continue, jamais très loin de la mer que nous
découvrons au détour dun petit col ou derrière un virage. Bien quil y ait
peu dembranchements, notre carte est précieuse et nous prenons soin de la regarder
régulièrement en ponctuant notre analyse de commentaires qui ne sont pas toujours pour
rassurer notre groupe. De toute façon, ils nont pas le choix et sen remettent
à nous de bonne grâce. Le paysage est ici bien différent de celui qui nous entourait la
veille. Point de montagne, mais plutôt une grande plaine sèche ou la mer a probablement
tenté des incursions car on devine par endroit des zones plus sombres avec des arbres,
comme un marais qui sassécherait progressivement.
Coqs, chiens et crevaisons...
La suite de notre
itinéraire séloignait de la mer et des plages paradisiaques. Notre route
ressemblait dailleurs de moins en moins à la piste, caillouteuse certes mais toute
même régulière, que nous empruntions depuis le matin. Petit à petit nous retrouvions
une route goudronnée avec son cortège de nids de poules, dornières,
deffondrements et de ravinements. Le paysage évoluait aussi, sans cette mer
omniprésente depuis deux jours. Un air de campagne sinstallait autour de nous, avec
des champs cultivés, des pâturages avec leurs vaches aux allures de gazelles et leurs
zébus. Les zébus, pas toujours dans les pâturages dailleurs, mais aussi sur la
route, à vous regarder droit dans les yeux avec on ne sait pas trop quelle idée dans le
crâne, juste derrière une paire de cornes gigantesques et effilées. Le coq poursuivi
par le chien au milieu de la route, cétait pas mal aussi et finalement, on a dû
avoir aussi peur quavec les zébus. Des coqs, y en a partout en Indonésie. Ce sont
des coqs de combats. Les chiens, y en a pas mal aussi. Et là, un des chiens qui a
décidé de se taper un des coqs au milieu de la route, à la seconde pile où on arrivait
à leur hauteur. Je lai pas fait exprès, mais la roue avant de la moto a séparé,
au millimètre, les poils de la gueule du chien des plumes de la queue du coq
Heureusement parce quil paraît, que là-bas, si on écrase un de leurs champion de
coqs de combat, il vaut mieux ne pas sarrêter et filer jusquà
lambassade direct !
De retour du paradis
De notre coté, nous continuons au milieu de
la foule retrouvée : camions surchargés, voitures pressées, bémos
sarrêtant nimporte où, marcheurs le long de la route
Nous arrivons
finalement à la tombée de la nuit à Senggigi où nous rendons au loueur la mobylette
rouge qui nous amena, au terme dun périple de près de 300 km, jusquau
Paradis sur Terre. Un peu désemparés parce que démunis de notre deux roues chéri, nous
avons sauté dans un bémo pour nous faire déposer à lhôtel de Mangsit qui avait
gardé un de nos sacs à dos. Le lendemain, les yeux encore plein dimages de notre
virée, nous embarquions sur le ferry qui nous ramenait sur Bali où nous avions encore à
découvrir la plongée avec bouteilles à Tulamben, le temple de Tanahlot que la mer verte
encercle de ses vagues puissantes. A Ubud nous avons revu, une dernière fois, la bande
des quatre avant leur retour en France.
Nous avons ramené de lautre bout du monde de bien belles images et bien des
souvenirs, les plus importants étant sans conteste les quelques échanges que nous avons
pu avoir avec des Indonésiens, au hasard de notre parcours.
Hervé
© Moto-Net - Novembre 2000
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