Le premier GP 2008 sans filet !

La troisième manche du championnat du monde de vitesse se disputera dimanche à Estoril : un Grand Prix qui devrait réserver encore plus de surprises que les deux précédents...

D'une part, parce que les pilotes n'ont pas tourné sur la piste d'Estoril depuis le dernier GP du Portugal en septembre dernier (lire Moto-Net.Com du 19 septembre 2007) : les premières courses - Qatar et Espagne - avaient eu lieu jusqu'à présent sur des circuits visités plusieurs fois par an, lors d'essais de pré-saison ou post-GP...

Et d'autre part, car les conditions climatiques sur la côte atlantique sont on ne peut plus changeantes et réservent toujours des surprises, en course comme en essais...

Drôle de circuit

"À cette époque de l'année, il peut faire chaud ou particulièrement froid, et avec la proximité de l'Atlantique il y a toujours une chance que la pluie s'invite, avec de fortes complications sur la bonne préparation de la course", confirme Jean-Philippe Weber, directeur de la compétition moto chez Michelin.

À cela s'ajoutent d'autres petites particularités, qui font le "charme" de cette course : "le revêtement d'Estoril est ancien, il se dégrade chaque année et l'on trouve de nombreux raccords de macadam autour du circuit", indique encore Weber.

Resurfacée partiellement en 2006, la piste offre un revêtement particulièrement hétérogène : "on ne trouve pas le même type d'asphalte sur toute la piste", insiste Tohru Ubukata, responsable du développement des pneus de compétition chez Bridgestone.

"Le tracé est par ailleurs très asymétrique, avec beaucoup de contraintes sur le flanc droit des pneus, particulièrement dans la dernière très longue courbe. Le côté gauche n'est pas très sollicité car il y a peu de virages à gauche", note également son homologue chez Michelin.

Les deux manufacturiers pneumatiques se préparent donc à vivre un week-end difficile. Et Bridgestone subit peut-être davantage de pression : "on n'a jamais vu de pilote Bridgestone s'imposer à Estoril", remarque Hiroshi Yamada, directeur de la compétition moto chez le japonais.

Mais les pneus ne sont pas les seuls critères de réussite en MotoGP : les motos comptent logiquement parmi les facteurs clés ! Et chaque année, le titre constructeur récompense la meilleure moto : après la RCV en 2002, 2003, 2004 et 2006, la M1 en 2005 et la GP7 l'an dernier, quelle sera la meilleure moto de vitesse au monde en 2008 ?

La RCV de retour ?

La saison ne fait que débuter et il est trop tôt pour se prononcer... Mais il semble que par rapport à cet hiver, la toute nouvelle RC212V a fait du chemin... Victorieuse incontesté du GP d'Espagne - aux mains expertes de Dani Pedrosa -, la Honda s'est hissée en tête du championnat, bénéficiant des 41 points de son Asimo espagnol.

Pénalisé dans sa préparation hivernale par sa chute à Sepang (lire Moto-Net.Com du 12 février 2008), Dani déclarait hier que "les tests que nous avons faits à Jerez (après la course, NDLR) devraient nous aider. C'était bien de se familiariser avec la moto et travailler un peu plus sur le Michelin avant au profil large". Un pneu qu'il utilisait pour la première fois en course à Jerez...

"Après la course de Jerez, il a essayé un éventail de constructions et de gommes différentes avec ce même profil, et s'est désormais parfaitement adapté à ce pneumatique, ce dont nous nous félicitons", précise Jean-Phillip Weber. La RCV n°2 sera-t-elle de nouveau sur le podium ce dimanche ?

Le public l'espère en tout cas : en l'absence du brésilien Alex Barros et de tout pilote portugais, Pedrosa devrait profiter d'un large soutien de la part de la foule : "j'aime beaucoup l'atmosphère : c'est 100% espagnol", justifie le pilote en tête du championnat des pilotes !

Son coéquipier, Nicky Hayden, ne sait pas trop quoi viser ce week-end. Pourtant, après avoir utilisé une dernière fois le châssis de la RCV 2007 au Qatar (sans grand succès : 10ème, lire Moto-Net.Com du 12 février 2008), l'américain a obtenu une encourageante 4ème place à Jerez avec le modèle 2008.

En fait, ce n'est pas l'efficacité de la RCV 2008 que le n°69 remet en cause mais bien le côté imprévisible de la piste portugaise : "c'est une piste à l'ancienne, c'est un petit endroit bien étrange, pas très large et assez bizarre. Ca peut être très plaisant ou ça peut être misérable", note Nicky.

Cinquième au championnat des pilotes et deuxième meilleur "Honda", Andrea Dovizioso n'est pas descendu de la 2ème marche du podium portugais depuis 2005, remportant même la victoire en 2006. Cette année, le jeune italien devra toutefois redécouvrir le circuit aux commandes de sa RCV satellite du Team Jir Scot... Mais il est confiant !

"Savoir où poser la roue avant sur cette piste que j'apprécie tellement devrait être un avantage", espère le n°4, passé inaperçu à Jerez après sa belle 4ème place à Losail...

"La piste en elle-même est lente mais elle comprend une très longue ligne droite, ce qui ne sera pas la meilleure chose pour ma moto, mais les virages serrés et lents pourrait être à mon avantage", prévoit déjà Andrea, assurément l'une des meilleures cartes dans le jeu de Honda.

Autre bel atout du constructeur japonais, le n°14 français Randy de Puniet tâchera lui-aussi de hisser haut sa Honda privée chaussée de Michelin. "Nous allons devoir travailler sur la stabilité au freinage mais je me sens confiant car l'an dernier, mon rythme en course était régulier et rapide", rappelle l'ex-pilote Kawasaki.

Parti à la faute il y a deux semaines à Jerez, le parisien devra impérativement rester sur ses roues pour rejoindre la première moitié du classement provisoire. Et ce, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige : "je ne me soucie pas de la météo. S'il pleut alors nous travaillerons dur avec Michelin sur les choix de pneus car le revêtement peut-être très glissant".

Rappelons en effet que la restriction en matière de pneumatiques (40 pneus par course, lire Moto-Net.Com du 20 octobre 2006), ne s'appliquent pas aux gommes "pluie"... Dans ce cas là, nouvel avantage au manufacturier français donc, plus réactif que Bridgestone basé au Japon...

Enfin, les deux Honda du team Gresini San Carlo tenteront elles de tirer profit de leurs Bridgestone... Fortes de cette différence, pourraient-elles créer la surprise en se plaçant devant les Honda Michelin ? Tout est possible...

Lors des tous derniers tests de Jerez, la firme nippone aurait d'ailleurs réussi à améliorer le comportement de la RCV : "Bridgestone a travaillé étroitement avec l'équipe et ils ont apporté une nouvelle structure qui a rendu la moto plus stable", certifie Alex de Angelis, le deuxième rookie Honda.

Rapide cet hiver, le pilote de Rimini s'est fait plus discret depuis le lancement de la saison et n'a marqué que trois points... "Pour le moment, nous souhaitons trouver plus de traction à l'arrière", note le n°15, "c'est vraiment le point sur lequel on peine le plus". Or, avec une ligne droite commandée par un très long droit, cette notion risque d'être décisive !

Partageant le box du jeune san-marinais, Shinya Nakano aborde cette troisième manche de manière optimiste. Tout d'abord, contrairement à son coéquipier - et ses camarades débutants -, le n°56 connait déjà toutes les subtilités de la conduite d'une MotoGP sur le tracé atypique d'Estoril.

Ensuite, l'unique représentant japonais en catégorie reine cette année a terminé septième des tests du lundi suivant la course à Jerez et il débutera ses essais au Portugal sans trop modifier les - bons - réglages acquis en Espagne.

"Ils m'avaient permis de rouler de manière bien plus agressive", précise Super Shinya dont l'unique but sera "d'obtenir un meilleur résultat qu'à Jerez". Il avait terminé 9ème de la course... On sait qu'il peut mieux faire !

La M1 en grande forme

Premier pilote Yamaha, Jorge Lorenzo signera-t-il une troisième pole et montera-t-il - comme Pedrosa ? - sur un 3ème podium d'affilée ? Naturellement, le jeune pilote Michelin l'espère même si cela relèverait - encore - de l'exploit...

"Je n'ai jamais fait mieux que 3ème !", s'exclame en effet le n°48, qui n'aura que quatre heures sur la piste pour tenter de sauter sur le podium. Pour cela, l'espagnol compte sur une Yam' qu'il a encore peaufiné pendant les tests post-course.

"Il semble que tous les changements que nous apportons à la M1 apportent de bons résultats", note fièrement le "débutant", sans entrer dans plus de détail. En outre, de manière générale, "Yamaha semble bien marcher ici", souligne Lorenzo qui, une nouvelle fois, pourrait donner tort ses statistiques en terminant mieux que 3ème...

De son côté, Valentino Rossi compte sur cette nouvelle épreuve pour renouer avec la victoire. Sa dernière en date remonte d'ailleurs au dernier GP du Portugal, au cours duquel l'italien avait disposé de ses deux plus féroces adversaires : Casey Stoner puis Dani Pedrosa !

"Cela avait été une superbe bataille", se souvient le Doctor, décidément habitué à disputer des duels à couper le souffle au Portugal, après celui, inoubliable, remporté pour 2 millièmes par Toni Elias l'année précédente (lire Moto-Net.Com du 16 octobre 2006).

Sa deuxième place à Jerez "à l'occasion de notre deuxième course sur Bridgestone seulement", permet à Vale de considérer qu'il est désormais prêt à se battre pour la victoire. "Cela a confirmé aux personnes impliquées que notre ensemble (il est le seul à rouler Yamaha-Bridgestone, NDLR) prend vraiment forme".

Avec un duo M1-Bridgestone perfectionné et sur une piste qui lui a souvent réussi, Rossi vise haut. Certes, la date du GP portugais a été ré-avancée, et les conditions climatiques ne seront pas les mêmes que l'an dernier. Mais le message du célèbre n°46 est clair : "nous serons prêt quoiqu'il arrive !"

De son côté, Yamaha Tech3 et ses deux champions du monde de Superbike essaieront d'entretenir l'excellent rythme instauré en ce début de saison. Pour le moment, le team français émarge à la quatrième place du classement par équipe, derrière les teams officiels Fiat Yamaha, Repsol Honda et Ducati Marlboro, mais devant ceux de Rizla Suzuki et Kawasaki !

James Toseland, 6ème au Qatar puis en Espagne - malgré une vilaine bronchite -, sait qu'il peut intégrer le Top 5 en course. En cela, la mise à disposition du nouveau moteur à rappel de soupapes pneumatique devrait l'aider... Avec une M1 plus proche de celle de Lorenzo, que pourraient-nous réserver James et Colin ?

"Nous sommes parmi les rares à attendre encore quelque chose de nouveau pour la prochaine course", indiquait "Djiti" à l'issue du dernier Grand Prix. La "Tornade Texane" et lui-même compteront-ils parmi ceux qui auront le plus progressé sur l'échiquier mondial à la fin du week-end ? Réponse lundi...

GP8 : tout ou rien !

Lorsque Stoner tousse, Ducati se fait enrhumer... Sorti par deux fois dans le bac à gravier pendant la course espagnole, Casey était toujours le meilleur représentant de la marque italienne à l'arrivée ! Bien décidé à oublier cette course désastreuse, le jeune champion du monde en titre ne fait pas état de sa déception - ou d'une quelconque pression - au moment de présenter le prochain GP.

"L'an dernier nous avions bien marché aux essais, nous étions très proches de la pole puis nous avions connu un léger souci technique en course mais nous étions monté sur le podium", se rappelle le "number one" 2007, 4ème au provisoire 2008.

Ce week-end, au guidon de sa GP8, l'australien prévient qu'il sera en mesure de se battre - jusqu'au bout contrairement à l'édition 2007 - pour la victoire, à condition de ne pas rencontrer "de mauvaises surprises" !

De son côté, Marco Melandri fera tout pour être la bonne surprise de ce rendez-vous portugais. Incapable de rivaliser avec son coéquipier - comme Capirossi toute la saison dernière -, l'italien pourrait profiter d'une attention particulière de la part des ingénieurs Ducati et de leur gourou Filippo Preziosi...

Dans une récente interview accordée à nos confrères italiens de Motosprint, Preziosi concède que son prototype est sans doute trop "rude" pour convenir au style de Marco. "Pour l'aider, nous devons rendre la moto moins rigide au niveau du châssis et moins agressive en ce qui concerne le moteur", développe l'ingénieur.

"J'espère que nous pourrons mieux démarrer les essais et nous améliorer par la suite, ce que je n'ai pas encore réussi à faire" regrette le n°33, parti de la toute dernière ligne sur la grille de départ espagnole il y a deux semaines !

Il devançait d'ailleurs à l'occasion les deux autres Ducati inscrites au championnat du monde : les GP8 satellites du team Alice d'Antin. Gageons que les progrès - si progrès il y a - concernant la "domestication" de la Ducati profiteront également à Toni Elias et Sylvain Guintoli !

Un Sylvain dont la famille s'est agrandie le 4 avril dernier : "je suis littéralement entouré de fille désormais puisque je suis le seul homme de la maison avec trois filles : ma femme et les deux filles depuis l'arrivée de Layla", se réjouit le n°50 tricolore !

GSV-R et ZX-RR, même "galère"

Chez Suzuki comme chez Kawasaki, les excellents résultats se font attendre et les deux constructeurs ferment respectivement la marche au provisoire...

Passé de la GP7 - dont il n'a jamais reçu le mode d'emploi - à la GSV-R, Loris Capirossi souhaitait "renaitre de ses cendres" tel le phoenix qui orne son casque. Or pour l'instant, force est de constater que Capirex n'a pas encore retrouvé son meilleur niveau.

"J'attends toujours Estoril avec impatience, j'aime beaucoup le tracé et je suis sûr qu'il conviendra bien à la GSV-R", analyse Loris, dont le meilleur résultat en MotoGP (4-temps) sur la piste portugaise remonte à 2003 avec une 3ème place.

"Nous ne sommes toujours pas là où nous voulons être et nous savons que ça va être dur au Portugal", avoue tout de même le n°65. "L'équipe est très concentrée et sait ce qui manque. Plus nous pilotons la moto et plus nous en apprenons", conclue Capirossi... Certes, mais on pourra lui rétorquer qu'il en va de même pour la concurrence !

Plus aguerri à la Suz' - c'est sa troisième saison - Chris Vermeulen tarde lui-aussi à se lancer dans le championnat des pilote. Quatorzième avec 6 points inscrit à Jerez, l'australien n'en peut plus "d'attendre de remonter sur la moto et commencer à obtenir les résultats que j'attend de moi cette année" !

Un brin éclipsé par les nouveaux venus - dont son ex-adversaire en Mondial Superbike James Toseland -, le n°7 du team Suzuki assure avoir fait des progrès lors des derniers tests à Jerez : "Nous avons travaillé dur sur les pneus, nous avons beaucoup appris et cela nous aidera dans l'avenir".

Seulement l'avenir à court terme - ce dimanche par exemple -, ne s'annonce pas particulièrement rose : "nous avions eu du mal l'an dernier", se remémore Chris qui avait terminé à la 9ème place. Son coéquipier de l'époque, John Hopkins avait fait un peu mieux : 6ème.

Et cette année, l'anglo-américain continue de faire "un peu mieux" que l'aussie. Roulant désormais sur la Ninja de Kawasaki, John est pour le moment 9ème du championnat des pilotes, juste derrière Capirossi, son remplaçant chez Suz' !

Douzième au Qatar puis septième en Espagne, le n°21 des verts compte sur ce troisième GP pour améliorer encore sa position au moment de franchir le drapeau à damier. À Estoril, "les virages serrés exigent beaucoup de gros freinages, ce qui devrait vraiment bien correspondre à mon style de pilotage ainsi qu'à la Kawasaki", note Hopper, qui lors des derniers essais à Jerez a testé le "screamer" que la firme d'Akashi teste depuis cet hiver (lire Moto-Net.Com du 29 février 2008). Un moteur sur lequel Hopkins fonde de gros espoirs... Affaire à suivre !

Après Loris Capirossi, John est le pilote qui a le mieux assimilé son transfert d'une moto à une autre, hors rookie exceptionnels bien-sûr ! Salement blessé à Phillip Island pendant les essais hivernaux, John recouvre progressivement ses capacités... et les avant-postes ?

Enfin, Anthony West tentera lui aussi de progresser aux commandes de sa Kawa : "notez bien que nous avons joué avec les réglages de la ZX-RR à Jerez après le récent GP, et que nous avons fait de vrais progrès", lance le jeune australien !

En proie à des problèmes de grip arrière l'an dernier à Estoril, "Ant" n'avait pas terminé sa course. Mais sa 13ème place il y deux semaines à jerez lui a donné du baume au cœur et on espère qu'il participera activement au spectacle de dimanche. C'est sous la pluie ou dans des conditions "mixtes", qu'on pourra surtout compter sur lui !

Rendez-vous donc lundi prochain pour un nouveau Tour par Tour du GP du Portugal par le "rookie" Alexandre Bardin, avec - on l'espère - d'aussi beaux finish que lors des deux dernières éditions !