Le Paris-Dunkerque vécu de l'intérieur en Suzuki DL 650 V-Strom

Le jour J, le 22 mai 2015, réveil à 6h du matin. Suis-je enthousiaste, excité par l'aventure qui s'annonce ? Euh... Il est un peu trop tôt pour ressentir quoi que ce soit : il me faudra au moins deux heures et quelques cafés pour ça...

Le rendez-vous est fixé à 7h30 au Trocadéro, où ma Suzuki DL 650 V-Strom retrouve différents trails : KTM 990 et 1190, BMW GS (de la plus petite à la plus grande 1200 Adventure), Kawasaki Versys, Moto Guzzi Stelvio, Honda Transalp, etc.

ça y est, là je me réveille et je me sens très vite à l'aise. L'ambiance est follement conviviale et je suis bien accueilli par l'une des charmantes demoiselles de l'organisation.

- Bonjour et bienvenue ! Prêt pour l'aventure ?

On reçoit un bracelet fluo, des fiches avec les noms, photos et moto des participants, les coordonnées des référents et une trousse de premiers secours.

Après le café et les croissants, suit un briefing assez court où nous sont donnés des conseils de bases : "Vous partirez en groupe de 5 à 8, à vous de les constituer. A chaque croisement, un pilote attend le dernier (OK, je me dis qu'à tous les coups le dernier risque d'être moi-même...) En cas de chute grave, vous prévenez les secours et ne bougez pas le pilote (loin de moi cette idée !). Attention à la sortie de Paris (ça, je maîtrise) et bonne aventure !"

Je regarde autour de moi à la recherche d'un autre motard venu en solo en mode "Quelqu'un veux rouler avec moi ?" et m'associe avec Antonio et sa Ténéré XTZ 1200, puis Cyril qui roule en Versys et enfin Romain avec une Stelvio 1200.

Le Paris-Dunkerque propose deux types d'itinéraires à installer dans le GPS : l'aventure et l'extrême. En gros, la différence c'est que les passages les plus compliqués dans l'extrême sont remplacés par des départementales et des chemins praticables dans la version aventure. Comme ça, le pilote qui décide de faire le parcours extrême peut se retrouver sur des routes plus techniques et beaucoup plus boueuses...

Avec mon petit groupe, on décide de rouler ensemble jusqu'à la sortie de Paris et d'aviser ensuite. Equipés pour le tout-terrain avec des pneus à tétines, on traverse Paris direction la Nationale 3. Pour ma part, j'ai des pneus Metzeler (mixtes Karoo 3) gagnés à un concours de photo peu avant ce projet, et c'est très bien tombé !

La sortie de Paris est comme d'habitude déplaisante, mais comme on est en route pour trois jours de balade, ça aide à supporter les bouchons. J'avoue qu'en croisant de grand trails allemands avec des pilotes en costard-cravate qui allaient probablement au boulot, j'ai éprouvé un plaisir (presque) mesquin.

On y est. Les premiers chemins et les premiers pièges sont là, et on va le constater très vite avec un mini bouchon causé par des motos allongées dans l'herbe... On fera connaissance avec les ornières très vite ! Là, j'étais content de pouvoir poser le pied par terre et éviter plusieurs fois la chute. Mais devant moi c'était le Waterloo motard.

Un après l'autre, avec la moto couchée. Pas de bobo, seulement la surprise que ça démarre avec tant de difficultés. ça commence raide ! Je sens déjà que j'ai beaucoup à apprendre et qu'il me faudrait quelques conseils en urgence pour pouvoir finir la journée ! Pour le moment pas le temps, il faudra improviser.

Je fixe l'horizon, j'essaie de rouler debout et surtout de ne pas toucher le frein avant. Au loin, j'aperçois un motard avec une grosse Ténéré XTZ 1200 : Antonio a couché la moto... Un peu surpris, il remonte sans se plaindre et c'est reparti ! Mais l'herbe est encore humide (je savais que l'herbe était plus verte ailleurs, mais pas qu'elle pouvait glisser comme une patinoire...), 200 mètres plus loin la bête bleue repart par terre. On décide de s'arrêter un peu, de prendre notre temps et de recommencer quand le mental sera au rendez-vous.

Un agriculteur qui passe à pieds nous regarde, étonné : "vous n'avez pas les motos adéquates, non ?" Je souris et je n'ose pas le contredire : non monsieur, c'est pas les bécanes le problème mais les pilotes et le manque d'expérience sur ce type de terrain. C'est nous qu'on est nuls, insultez pas nos motos !

L'itinéraire du parcours aventure continue en intercalant des pistes roulables et quelques chemins remplis de cailloux (mais qui a mis autant de pierres ?! Pourquoi ?) et quelques routes goudronnées. Elles deviennent les meilleures amies des amortisseurs, des pneus et des os des pilotes. Les kilomètres avancent, la fatigue s'installe, mais je reste concentré et on avance comme on peut.

Après quelques heures de route, on décide de faire une pause sandwich au bord de la forêt. L'adrénaline a soudé le groupe et bizarrement, c'est seulement maintenant qu'on commence à faire connaissance.

Romain était l'heureux gagnant d'un concours de la revue Moto Trail et il a pu profiter de la "balade" avec sa Guzzi Stelvio 1200.

J'avoue que plus je regardais la Stelvio, plus je pensais qu'il n'allait pas aller très loin. Ce sont des choses qu'on pense mais qu'on ne dit pas à quelqu'un qu'on vient de rencontrer ! Il me démontrera que c'est une très bonne machine, qu'il est un bon pilote et j'ai bien profité de ses conseils !

Antonio sur sa Yamaha XTZ 1200 récupère doucement avec beaucoup d'humour. On a bien rigolé de nos galères... Cyril, lui, roule avec une Versys toute équipée : crash bars, protections de sabot, protège-mains, pneu TKC80 et...des valises routières !

Chapeau à lui, c'est un gentleman motard. Il nous a mis à l'aise et j'ai pu lui poser sans complexe toutes les questions qui me traversaient la tête... et il y en a eu beaucoup ! Lors de notre voyage, il a même fait arrêter le groupe pour venir à la rescousse d'un cheval qui s'était échappé de son enclos.

Depuis un moment je roule derrière Antonio, puis je décide de le dépasser pour essayer une autre allure. Je pense qu'en allant plus vite je vais améliorer l'équilibre de ma moto.

Je dois redoubler de concentration, regarder loin devant quand le chemin me le permet et j'avance à une belle vitesse.

De temps en temps, je vérifie les phares de la XTZ derrière moi. Après deux ou trois glissades de mon pneu avant, je décide de reprendre mon souffle et d'attendre Antonio. Il n'est plus là... J'entends klaxonner. Demi-tour et mon compagnon à la bête bleue est allongé par terre. Antonio, assez souriant, me dit de continuer. Il a mal à la cheville, mais ça va aller...

Coup de bol, on venait de dépasser le 4x4 de l'organisation. Il a été pris en charge tout de suite et on apprendra par la suite que la cheville était fracturée ! Rassuré par le professionnalisme des organisateurs et en accord avec tout le monde, je reprends la route jusqu'au premier croisement où le reste de l'équipe m'attendait.

Voir mon camarade couché m'a rappelé que même en roulant doucement, la chute peut survenir à tout moment. La journée avance, les chemins passent, les départementales défilent et les virages aussi.

De temps en temps, on croise des motards fonçant à toute allure et remplis de boue. "C'est donc ça le parcours extrême" je me dis, même pas jaloux. Les pauses se succèdent et la complicité s'installe définitivement. Des gars que je ne connaissais pas la veille sont devenus des potes au point qu'on n'arrête pas de se vanner !

En arrivant à la première étape à Venette (60), vers 19h, nous ne sommes pas trop fatigués et très contents d'être arrivés en un seul morceau. Antonio, hospitalisé, a été contraint à l'abandon, dommage. Heureusement, ce sera l'unique accident grave de l'aventure.

Nous sommes accueillis par un moto-club local (ce qui sera le cas chaque soir), en l'occurrence le Rando-Trail Compiégnois (RTC). Le bivouac, installé au stade de football de Venette, est simple mais il n'y manque rien.

Chacun monte sa tente de campagne, on enlève nos bottes et le barbecue nous attend ! L'ambiance est très joyeuse et légère. La plupart des participants ont le sourire, ça rigole partout, les anecdotes et les blagues fusent.

Au vestiaire, je me retrouve avec des pilotes que je n'ai pas vus auparavant mais avec qui je me marre tout autant. Je suis entouré de potes. Ils seront mes meilleurs amis pendant ces trois jours.

Après un dîner copieux, je n'arrive plus à suivre les conversations et décide d'aller m'écrouler sous ma tente. Personnellement, j'adore dormir sous une tente depuis mon plus jeune âge.

Je suis ravi, mais avec la fatigue j'ai dû demander de l'aide pour monter mon chez moi. Et Morphée m'a rattrapé.