L'Intercontinental Circus se rend à Donington Park

Le niveau en MotoGP est incontestablement le plus élevé de tous les championnats de moto actuels. Il n'y a qu'a observer le calvaire d'Anthony West pour s'en convaincre : l'incroyable vainqueur de deux manches de Mondial Supersport en tant que simple remplaçant en 2007 (lire Moto-Net.Com du 18 juin 2007) pointe actuellement à la dernière place du championnat...

Certes, marquer quelques points en catégorie reine est enfantin : dans bien des cas, il suffirait de rester sur ses roues et d'attendre patiemment que trois pilotes daignent abandonner - sans gêner les Vale, Dani et autres Casey ! - pour engranger le premier point offert au 15ème pilote franchissant la ligne d'arrivée...

Mais entrer dans le top10, se hisser dans le top 5 et a fortiori monter sur le podium se révèlent être des tâches d'une difficulté grandissante... et exponentielle ! Ainsi ce week-end, James Toseland devra véritablement se transcender s'il veut quitter sa "coutumière" 6ème place et gravir "son" podium.

Un pilote britannique sur un podium à domicile ? La dernière fois remonte à l'ère des 2-temps, lorsque Jeremy McWilliams courait sur Aprilia : c'est en 2000 que l'irlandais avait terminé troisième de "son" GP, sur une piste détrempée qui avait offert sa première victoire à un rookie : un certain Valentino Rossi...

Dimanche donc, le champion du monde de Mondial SBK en titre James Toseland espère faire au moins aussi bien : "j'attends avec impatience Donington, un circuit que je connais bien, où j'espère pouvoir m'imposer ou au moins monter sur le podium", confie le sympathique pilote du team français Tech3.

Contrairement aux cinq dernières épreuves, James connaît parfaitement le tracé qu'il s'apprête à parcourir : une majeure partie rapide et ondoyante à laquelle on a greffé deux bouts droits afin de répondre aux normes MotoGP (lire Moto-Net.Com du 21 juillet 2005).

Retour vers le podium ?

"Le principal défi à Donington est de trouver le meilleur compromis permettant de s’adapter à son tracé particulier", explique d'ailleurs Jean-Philippe Weber, responsable de la compétition moto chez Michelin...

"Par exemple, la mise en température doit être excellente sur le côté gauche des pneus, qui n’est que très peu souvent en contact avec l’asphalte", poursuit le spécialiste français avant d'illustrer son propos : "prenons les Esses de Foggy : le flanc gauche des pneus n’a pas touché le sol depuis un long moment et il faut s’assurer que la température des enveloppes est néanmoins suffisante pour négocier la première partie de la chicane. Il ne suffit pas simplement d’utiliser une gomme très tendre sur le côté gauche, car dans la courbe Schwantz - un double gauche négocié à très haute vitesse -, les pneumatiques rencontrent des contraintes élevées".

L'an dernier, à l'occasion du retour du circuit dans le calendrier du Superbike mondial, Toseland, alors sur Honda Ten Kate, avait remporté la première manche mais avait vu ses chances de doublé - importantes d'après lui - réduites à néant par un souci technique (lire Moto-Net.Com du 2 avril 2007) Mais cette année, "Dji-Ti" pourra compter sur la fiabilité de sa M1 pour se battre jusqu'au drapeau à damier... et gravir sur son premier podium ?

Marco at home

Bien qu'italien de nationalité, Marco Melandri est l'un des nombreux pilotes à résider en Angleterre. "J'habite à 2,7 miles du circuit !", précise même le pilote Ducati sur son site officiel, qui sera un peu chez lui aussi ce week-end !

Malheureusement, on voit mal le n°33 figurer aux avant-postes dimanche... ni même vendredi ou samedi ! "Il semblerait que la Chine ait été l'exception qui confirme la règle", se résout même à écrire Marco dans son journal en ligne...

Plus incompatible encore avec la GP8 que ne l'était Capirossi avec la GP7 l'an dernier, Melandri se montre - très - légèrement plus constructif sur le communiqué officiel du team : après avoir rappelé que la météo anglaise pouvait changer du tout au tout en l'espace de quelques minutes, le Hérisson de Ravenne explique que le fait de "bénéficier d'une météo constante sur le week-end, ce qui n'est pas encore arrivé cette saison, serait au moins un bon début"...

Sylvain Guintoli chez lui

Son collègue du Team d'Antin, le français Sylvain Guintoli, est sûrement du même avis ! Et lui aussi peut considérer ce GP d'Angleterre comme étant son deuxième Grand Prix national, puisque le frenchie habite avec sa femme et ses deux petites filles dans les mêmes environs de Donington !

Treizième - et dernier - de la course à Montmeló, le n°50 n'était pas du tout satisfait : "mal parti, ce qui n’avait pas été le cas lors des courses précédentes, je me suis retrouvé dernier à la fin du premier tour. Ensuite, en essayant de doubler Toni, je suis sorti de la piste et j’ai perdu pas mal de temps".

"Six secondes", d'après Sergio Verbena, son chef mécanicien, qui pense que sans ça, son poulain aurait pu gagner deux places ! Mais après tout, son week-end aurait pu être pire, à l'image de celui de notre autre représentant au plus haut niveau : Randy de Puniet...

Les boules...

"J'ai vraiment les boules !", lâchait en effet notre pilote Honda national, après sa deuxième chute en deux Grand Prix. Les deux jours suivants, profitant des essais organisés sur le tracé espagnol, le n°14 et son équipe repartaient au charbon...

"Alors que la plupart des autres pilotes ont passé des gommes de qualification, De Puniet et l’équipe technique du team LCR ont surtout concentré leurs efforts sur les réglages de la moto en pneus de course pour trouver plus d’adhérence avec le train arrière et améliorer les sensations de Randy avec l’avant", affirmait l'équipe mardi soir.

Au final, le parisien signait le 5ème meilleur temps sans passer de gomme qualif'. Pour sûr, Randy sait se montrer très véloce aux commandes de sa RC212V chaussées de Michelin ! Mais il l'était également l'an dernier sur la Kawa montée sur Bridge...

Et si une course dantesque sous le déluge, comme celle des "deux et demi" en 2005 que Randy remporta magistralement (lire Moto-Net.Com du 25 juillet 2005) redonnait confiance à Randy ?...

Les Kawa' en forme ?

Sur la Kawasaki justement, John Hopkins tentera "d'obtenir un gros résultat" ! L'anglo-américain considérant le GP de Donington comme étant l'un des plus importants de sa saison, il luttera avec encore plus d'ardeur contre la souffrance que risque de lui causer sa vertèbre fracturée lors des essais catalans...

Heureusement, en prévision des GP d'Italie et de Catalogne, le pilote Kawa avait subi un entraînement intensif. De ce fait, malgré la période de repos forcé "afin d'accélérer le processus de guérison" à l'issue de son unique journée d'essai post-GP de Catalogne, Hopper assure n'avoir rien perdu de sa forme... À vérifier dès vendredi matin !

Son coéquipier Anthony West, en revanche, ne s'est pas ménagé : "après la course de Catalogne, je suis parti au Japon pour deux jours d'essais intensifs". Au final, le jeune australien n'a pu rouler que le second jour mais en aurait tiré "des résultats positifs"...

L'an dernier à Donington, la jeune recrue effectuait ses premiers tours de roue sur la Ninja. "Ant" avait profité d'une piste détrempée pour surprendre son monde et se hisser jusqu'à la 4ème place... avant de chuter au ralenti dans les graviers ! Reparti 15ème, West terminait finalement 11ème. Une sacrée entrée en matière !

"J'espère que le travail accompli la semaine dernière nous permettra de revenir là où nous devrions nous trouver : le top 10", conclut le n°13, pour l'instant 18ème du championnat avec 10 points, et dont le meilleur résultat cette année est sa 12ème - et avant-dernière - place au GP de Catalogne...

Les aussies aiment la pluie

Troisième à Donington Park l'an dernier sur une piste passablement mouillée puis "séchante", Chris Vermeulen compte - avec son compatriote West, justement - parmi les meilleurs pilotes sous la pluie. Si cette dernière venait à apparaître, il ne serait donc pas surprenant de voir simultanément la Suzuki n°7 - du même "7 barré" que le grand Barry Sheene himself - dominer les Ducati n°1, Honda n°2 ou Yam n°46...

"Donington est comme une course à domicile pour moi, car au début de ma carrière, j'ai beaucoup couru au Royaume-Uni", insiste l'ex-star du Mondial SBK. Et naturellement, Chris espère donner à ses fans mais aussi à son équipe basée pour sa majorité en Grande-Bretagne "de quoi crier" ! Un nouveau podium, sur le sec cette fois, serait une belle occasion...

Exceptionnellement ce week-end, Chris Vermeulen ne partagera pas son box avec Loris Capirossi : en dépit des énormes protections de ses gants Berik, le pilote italien a "réussi" à se briser le 5ème métacarpe de la main droite et sera remplacé par le double champion d'AMA Superbike Ben Spies (lire Moto-Net.Com du 12 juin 2008).

Le jeune cow-boy profitera donc de cette participation inattendue au GP de Grande Bretagne pour parfaire ses armes avant de participer à ses deux piges - prévues, elles ! - lors des prochains GP de Laguna Seca, puis Indianapolis... et obtenir définitivement son billet d'entrée pour la saison 2009 ?

Deuxième du Grand Prix britannique en 2007 sur Yam' et en 2004 sur Honda, Colin Edwards a toujours été très rapide sur la piste anglaise, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il... fasse beau. En outre, la Tornade Texane a connu un début de saison 2008 tonitruant et on ne voit pas pourquoi ça changerait !

Colin toujours dans le coup

Juste après l'obtention de sa belle 5ème place catalane, le n°5 remarquait qu'il se dirigeait désormais vers Donington, puis Assen - "deux pistes que j'adore", insiste Colin - et sur lesquelles il est certain de pouvoir se battre pour le podium !

Une excellente nouvelle pour son team manager, le charismatique Hervé Poncharal, dont les hommes émargent à la troisième place du classement par équipe avec 122 points, derrière Yamaha Fiat (236) et Honda Repsol (183) et juste devant Ducati Marlboro (121) !

Casey Stoner d'ailleurs, le pilote "Number One" du team officiel Ducati, tentera de rééditer sa bonne opération de l'an dernier. Car à l'occasion du GP de Grande-Bretagne de 2007, le jeune australien avait non seulement remporté la course, mais il en avait également profité pour creuser l'écart sur son rival principal, Edwards et Vermeulen ayant écarté Rossi du podium !

Casey remet çà ?

Depuis 2003, Casey n'est jamais descendu sous la 5ème place au GP de "sa" majesté la reine Elizabeth II, mais il note paradoxalement qu'il n'a "jamais raffolé de Donington". Entre la première portion rapide et sinueuse et celle plus "Stop and Go" de la fin, "le compromis est vraiment dur à trouver", précise Stoner, qui a déjà eu la possibilité de tester sa prochaine camarade de jeu...

C'est lors de la première journée d'essai post-Grand Prix que le champion du monde en titre a étrenné sa GP9 ! "Nous avons rapidement atteint des temps décents en utilisant les réglages de la GP8", déclarait Casey le lundi soir. "Nous n'avons pratiquement rien changé pour adapter ces réglages à la GP9 et j'ai immédiatement senti une amélioration, donc c'est positif", poursuivait l'aussie, apparemment ravi de son premier essai de la nouvelle Ducati au nouveau châssis... en carbone !

L'utilisation de ce matériau a fait grand bruit, mais "le fait que nous ayons utilisé de la fibre de carbone pour le châssis n'est pas le point le plus important", tempère Filippo Preziosi, directeur général de Ducati Corse, "mais plutôt le fait que sa forme diffère de l'ancien". L'italien n'en dira pas plus, ni sur ce sujet, ni sur Sete Gibernau embauché pour tester - en ce moment même - la GP8 et la GP9...

Un autre mystère plane dans les paddocks concernant le team Honda Repsol : verra-t-on les pilotes du HRC débouler sur la très courte ligne droite anglaise (564 m) avec le tout dernier moteur à rappel de soupapes pneumatique ? Nicky Hayden en tout cas le souhaite vivement, depuis qu'il l'a essayé juste après le GP de Catalogne !

Nicky veut le "pneumatique"

"J'espère que je pourrai utiliser ce moteur, mais nous verrons bien quelle sera la décision, nous ferons ce que l'équipe décidera", assure le Kentucky Kid qui avait réalisé mardi en simulation des temps inférieurs d'une seconde à ceux qu'il réalisait deux jours avant, en course, avec le moteur "à ressort"...

Qu'il bénéficie ou non de cette évolution, cela ne devrait toutefois pas changer ses temps sur les deux premières sections du circuit : "il faut être courageux pour passer le virage de Craner, il faut des tripes", note par exemple le champion du monde 2006.

En revanche, dans la dernière portion, un moteur bien rempli, docile et puissant est un avantage certain : "si tu ne franchis pas correctement les deux épingles, ça te tue ton chrono", prévient Nicky qui sait également que ce circuit est loin d'être facile "pour les gars des suspensions et du châssis".

Dani en pleine forme

Remarquable vainqueur de son épreuve il y a deux semaines, le coéquipier de Hayden semble n'avoir que faire des spécificités techniques de son moteur. L'espagnol, victorieux avec son "bon vieux" moteur, ne fait aucunement allusion à ce sujet et préfère mettre l'accent ailleurs...

"Je suis tombé le jour suivant la course, je me suis fait mal au dos et aux épaules, mais je serais OK pour la prochaine course", rassure le n°2 du team Repsol, du championnat 2007 et du classement provisoire ! "Donington est un circuit étrange, assez fluide, mais pas très adhérent et où il pleut souvent", note par ailleurs Dani.

Auteur d'une mémorable "victoire en solitaire" lors du GP de Donington en 2006, l'Asimo espagnol estime enfin que "l'atmosphère à Donington est différente, pas aussi latine que celles des deux courses précédentes : la foule semble être bien plus enthousiaste vis-à-vis de la moto en général, et ne soutient pas les pilotes en particulier". "So fair-play", ces British !

Entre 2000 et 2005, Valentino Rossi avait toujours franchi la ligne d'arrivée en tête du GP de Grande-Bretagne et seul un dépassement sous drapeau jaune en 2003 (le reléguant sur la troisième marche du podium) l'avait empêché de signer six victoires de rang...

Rossi : 91 victoires sur 199

Mais depuis 2006 et l'échappée belle de Pedrosa, le septuple champion du monde n'est plus monté sur la plus haute marche du podium anglais... "J'étais très déçu de louper le podium l'an dernier, car le podium de Donington est spécial, donc je compte bien le gravir de nouveau cette année !", lance le Doctor qui disputera son 200ème Grand Prix dimanche !

Remonté comme une balle - de football, hohoho - de sa 9ème place sur la grille catalane jusqu'à la 2ème marche du podium, le n°46 n'a rien pu faire il y a deux semaines contre un Pedrosa régulier comme un métronome... réglé sur "prestissimo" !

D'où l'intérêt pour le n°46 de réussir samedi ses essais qualif' : 12ème sur la grille anglaise en 2006, cette mauvaise place lui avait également coûté la victoire. Cependant, on se souvient qu'en 2001, le jeune Valentinik s'était élancé de la 11ème place et avait tout de même réussi à terminer premier...

Lorenzo is back

Notons encore que son coéquipier Jorge Lorenzo effectuera ce week-end son retour : "ça a été deux semaines difficiles pour moi et regarder la course de mon lit d'hôpital n'était pas très plaisant, donc je suis impatient de remonter sur la moto", confie le jeune majorquin !

Victime de grosses chutes lors de ses quatre derniers Grands Prix - notamment en Chine où il s'est abîmé les chevilles et en Catalogne où les chocs subis par sa tête l'ont éloigné de sa M1 -, le meilleur rookie de ce début de saison sait qu'il lui faudra faire preuve de retenue : "je pense que je devrai piloter un peu plus prudemment ce week-end !", remarque-t-il. Mais est-ce seulement possible ?

Enfin, quatre autre pilotes essaieront de tirer leur épingle du jeu : Toni Elias et sa sauvage GP8, Andrea Dovizioso qui a remporté la course en 250 l'an dernier, Alex de Angelis qui tenait au Mugello une forme olympique et utilisera de nouveaux freins Nissin, tout comme son coéquipier Shinya Nakano, seul pilote avec Rossi et Pedrosa à avoir marqué des points chaque week-end cette saison !

"À Donington, deux des trois dernières courses se sont déroulées sous la pluie et nous espérons cette fois une piste sèche, d’autant que nous avons déjà rencontré la pluie sur nombre de courses MotoGP cette année", indique Jean-Philippe Weber...

Or pour dimanche, la BBC prévoit de fortes averses sur le comté de Sherwood. Les prévisions météos - et celles des pilotes - seront-elles bonnes ?

Réponse dès lundi dans le "Magical Mystery" Tour par Tour de Moto-Net.Com !