L'analyse MNC du World Superbike aux Etats-Unis

Avec des pilotes de la trempe de Sykes et Rea, Kawasaki multiplie naturellement les exploits et se rapproche des records. Sans le forfait de sa ZX-10R n°1 dimanche par exemple, la firme d'Akashi Kawasaki aurait très certainement remporté un cinquième doublé (première et deuxième places sur le podium) d'affilée.

L'an dernier déjà, les Verts avaient aligné cinq doublés consécutifs. Dans la catégorie, seul Ducati a fait plus fort avec 6 doublés enchainés en 1991 à Hockenheim, à Magny-Cours puis au Mugello. Les pilotes de pointe étaient alors Doug Polen et... un certain Raymond Roche !

Au total cette année, Kawasaki a enregistré huit doublés, soit déjà un de plus que l'an dernier (avec Sykes et Rea) et deux de plus qu'en 2015 (avec Sykes et... un certain Loris Baz !). Dans ce domaine encore, Ducati figure en haut du tableau : la marque de Bologne s'était octroyé dix doublés en 1995 et en 2003, neuf en 1992.

Or Kawasaki dispose de quatre manches (donc huit courses) pour améliorer son record 2016. Pour cela, les ZX-10R d'usine ne devront pas refaire à leurs pilotes le coup de la panne... Ces derniers ont suffisamment fort à faire pour devancer les actuels "Top Gun" de Ducati : Davide Giugliano et Chaz Davies.

Le gallois arrivait à Laguna Seca en terrain doublement conquis : en 2015, Chaz avait signé un magistral doublé devant les deux officiels Kawasaki. Son coéquipier Davide à l'inverse, était rentré broucouille bredouille de sa campagne américaine.

Pire, l'italien avait été évacué du circuit dans une civière, le dos sévèrement abimé suite à un énorme highside... Écarté de la compétition pour le reste de la saison, Giugliano laissait de facto à Davies le titre de premier pilote au sein de l'escadron Ducati.

Plus régulier - et moins blessé ! - que son coéquipier en 2015, "Chazie" avait effectué une mémorable fin de saison, accédant au final à la deuxième place d'un championnat largement dominé par Jonathan Rea. Cette année en revanche, le n°7 n'est pas aussi performant.

Giugliano concurrence Davies

Brillant certes, l'auteur de sept records du tour en course (5 pour Rea, 3 pour Sykes) a enregistré de trop nombreuses bulles dernièrement pour continuer à convoiter le titre 2016. D'autant que son coéquipier, à l'inverse, gagne en constance...

Avant sa chute en course samedi, le romain - empereur du Superstock 1000 en 2011 - avait enchainé neuf résultats dans les points, du jamais vu depuis son arrivée chez les Rouges de Bologne. Heureusement pour lui, sa gamelle en première manche était sans gravité aucune.

Petit problème toutefois au sujet de sa chute : elle est intervenue alors qu'il n'attaquait pas plus que cela. Chaz Davies, victime lui aussi d'une subite perte de l'avant quelques instants plus tôt, ne cache pas plus son incompréhension. Il va falloir profiter de la pause estivale pour analyser de près les données recueillies sur les Panigale officielles.

Dimanche en revanche, "DG34" réalisait l'une des plus belles courses de sa carrière, terminant deux dixièmes de seconde derrière le vainqueur "TS66"... et une demi-seconde devant son coéquipier "CD7", avec/contre qui il a livré une bataille mémorable dans les ultimes boucles.

"#USWorldSBK : la course a vraiment été très dure... mais c'était aussi l'une des plus fun de ma vie", concluait dimanche soir un Davide rayonnant de bonheur, ravi d'effacer de sa mémoire le cauchemar de Laguna Seca 2015 et des mois suivants.

Au classement provisoire, Davide Giugliano compte moitié moins de points que le leader Jonathan Rea (185 contre 368) et 75 de moins que son coéquipier Chaz Davies. Mais il est surtout à égalité parfaite avec Michael van en Mark, et 12 points devant le "rookie" Nicky Hayden...

En termes de vitesse pure, les deux pilotes Honda ne sont pas au niveau des Kawasaki et Ducati d'usine. Mais leur persévérance et leur extrême régularité en course leur permettent de convoiter la quatrième place du championnat WSBK 2016.

C'est ainsi que la "Kentucky Legend" s'est assuré un troisième podium en World Superbike, profitant effectivement du double abandon des Ducati officielles, mais résistant aussi fermement à la pression d'outsiders très remontés tels que Xavi Forés, Jordi Torres ou Alex Lowes, grâce à sa parfaite connaissance du tracé californien.

"Beaucoup de gens parle du Corkscrew, mais personne n'évoque le premier virage", observait Nicky en présentant jeudi dernier "son" épreuve World Superbike. "Celui-ci est vraiment exigeant et important pour les temps au tour, mentalement aussi".

"La première partie de la piste est assez plate et il est important de vraiment attaquer et de garder une bonne vitesse de passage en courbe. Ensuite, une fois que vous êtes en haut du Corkscrew et que vous le descendez, c'est plus fluide. Le dernier virage est un bon endroit pour les dépassements", concluait le célèbre n°69.

Attaques dans le dernier virage

Cette dernière indication n'est justement pas tombée dans l'oreille d'un sourd... Monté sur le podium lors de l'épreuve WSBK précédente à Misano, Michael van den Mark a tenté de doubler son coéquipier dans l'ultime virage de la première manche !

Parti de trop loin, le champion du monde Supersport 2014 n'a finalement réussi qu'à croiser sa trajectoire avec celle du champion de MotoGP 2006, soulevant le coeur des spectateurs américains venus nombreux (un quart de plus que l'an dernier selon les commentateurs de WorldSBK.Com) pour supporter Nicky.

Troisième en première manche, Hayden a terminé cinquième en seconde : le local de l'étape aurait été bridé après le second départ (drapeau rouge après la chute de Szkopek) par un train avant devenu curieusement moins engageant qu'en tout début de course.

Hayden, qui espérait remonter sur le podium dimanche, ne doit cependant pas être déçu : "Ce n'était pas une mauvaise épreuve, Nicky se classe derrière Sykes en terme de points marqués ce week-end", calcule le directeur technique Honda Pieter Breddels (27 points pour l'américain, 45 pour l'anglais).

À l'instar des responsables du team Honda (Ten Kate) samedi, ceux du team Yamaha (Crescent) ont frôlé dimanche l'arrêt cardiaque en voyant Alex Lowes déclencher une attaque sur son coéquipier Niccolo Canepa dans le dernier virage de la seconde manche.

"Niccolo m'a doublé dans le dernier tour et je devais essayer de récupérer ma place dans le dernier virage, comme il se doit", justifiait le n°22 après la course, "mais j'ai fait une erreur et j'ai malheureusement perdu l'avant".

Embarqué par le champion de British Superbike 2013, le remplaçant de Sylvain Guintoli est miraculeusement resté sur ses deux roues et a pu conserver sa huitième place fraichement acquise jusqu'e sous le drapeau à damier. Mamma mia !

Lowes pour sa part, a pu remonter sur sa R1 et la mener à une décevante 14ème place. "Honnêtement, nous devons nous battre pour des places bien plus hautes que la neuvième", estime le jumeau de Sam - champion WSS 2014 en lice pour le titre Moto2...

"Nous avons assistés à de spectaculaires courses ce week-end à Laguna Seca et c'était super d'en faire partie", retient pour sa part Paul Denning, directeur du team Yamaha Pata. "Nous aurions préféré que l'YZF-R1 soit un peu plus près des avant-postes, mais nous devons nous rappeler que nous n'en sommes qu'au début de notre projet".

Un projet ambitieux - battre Kawasaki et Ducati en WorldSBK, tout en continuant de dominer le MotoGP ! - qui a été ralenti par les blessures des deux pilotes titulaires : Alex Lowes... et Sylvain Guintoli qui sera de retour pour la prochaine épreuve programmée au Laustizring (Allemagne) dans deux mois.

Notre second représentant, Sylvain Barrier, retrouvera quant à lui sa ZX-10R préparée par le team privé Kawasaki Pedercini. Vivement la rentrée, que l'on puisse de nouveau encourager les Bleus... en bleu et en vert !