Des milliers de moniteurs et patrons d'auto-écoles ont manifesté hier dans une dizaine de villes. A Paris, une représentation de l'intersyndicale était reçue à Matignon dans la journée tandis que les auto et moto-écoles étaient dans la rue. Reportage.
Des milliers d'enseignants à la conduite (auto et moto écoles) ont manifesté hier dans une dizaine de villes pour attirer l'attention sur les dangers qui menacent leur profession (lire Moto-Net.Com du 11 mars 2008).
A Paris, les syndicalistes sont arrivés les premiers à 6 heures du matin, place de la République. Plus tard dans la matinée, ils ont été rejoints par des milliers de véhicules qui ont rapidement bloqué toute la place.
Sur le boulevard Voltaire, une longue file de panneaux "auto-école" s'étend à perte de vue : la grande journée unitaire de tous les patrons et moniteurs des écoles de conduite a commencé.
"Une manifestation unitaire sans précédent"
La manifestation est composée de beaucoup de Franciliens, mais aussi des auto et moto écoles de Normandie, du Nord Pas-de-Calais et du Centre. Sur place, Frédéric Migot de EDISER (édition sécurité routière) s'inquiète pour l'avenir de l'épreuve du code, mis en cause ces dernières semaines. Il est impressionné par la mobilisation. "Dans une profession plutôt individualiste, cette manifestation unitaire est sans précédent", explique-t-il à Moto-Net.Com.
Des motos sont visibles, bien que peu nombreuses. "Les moniteurs moto sont souvent aussi moniteurs auto", explique Régis, moniteur, "et puis on est venu par solidarité : le permis A est moins concerné par les rumeurs de réformes". Mais la dégradation des délais pour les épreuves du permis inquiète toute la profession.
Des inquiétudes plus profondes
Le mot d'ordre de la journée d'action du 13 mars était la défense du permis, mais les inquiétudes sont plus profondes : les permis A et B souffrent du manque d'inspecteurs et la fréquence des examens en pâtit.
Le permis moto est moins touchés, mais il ne fait pas exception puisque 80% des inspecteurs pratiquent à la fois le permis B et le permis A. Joël Cassegrain, vice-président de l'Union nationale des indépendants de la conduite (UNIC), explique que pour les motos aussi, les délais entre les examens se rallongent : "des coefficients d'horaires sont appliqués aux différents permis en fonction de leur importance. Les motos, considérées comme un loisir, voient leur coefficient baisser", déplore-t-il.
Reste que les candidats au permis moto sont très motivés, soulignent plusieurs interlocuteurs. Souvent déjà titulaires du permis B, ils réussissent l'épreuve à près de 90%, ce qui génère automatiquement un temps d'attente moins long pour les candidats restants.
L'épreuve du plateau est devenue inadaptée
Pour le cas des deux-roues, certains regrettent l'inadaptation de l'épreuve plateau qui n'a pas été modifiée depuis 1985. Deux moniteurs engagent alors un dialogue :
Gérard, chez Energy à Rosny-sous-Bois, estime que "l'épreuve de plateau n'est plus adaptée aux motos d'aujourd'hui. Je suis souvent obligé de modifier les châssis pour préparer les motos. J'ai acheté une CBF 600 et en l'état, elle ne peut pas passer l'épreuve"...
"Moi, je suis obligé de limer les butées sur ma SV 650. Un des problèmes est que les motos braquent moins qu'avant et les épreuves de plots deviennent infaisables", renchérit Jean-Marc, de Gournay-en-Bray. "Il faut que le permis s'adapte à la moto, et non l'inverse", conclut Gérard...
Autant de problèmes techniques qui illustrent bien le manque de considération et de concertation dont souffre la profession. Joël Cassegrain insiste : "nous sommes une profession qui a soif de dialogue !"
Dans les faits, un rapport sur le métier des auto-écoles est en cours d'élaboration. Il était initialement attendu pour le début avril mais "jusqu'à présent, aucun professionnel de chez nous n'a été consulté", regrette Joël.
"On met la pression avant"
C'est précisément ce rapport, que beaucoup de professionnels voient comme le prélude à une réforme aux contours encore assez flous, qui a précipité la mobilisation d'hier. Une action préventive, en quelque sorte. "On fait comme les taxis", explique ce directeur de moto école monté du Loiret : "on met la pression avant, parce que la méthode du gouvernement est toujours la même : lancer des petites provocations sans en avoir l'air, juste pour voir la détermination de la catégorie visée"...
Et les "provocations" n'ont pas manqué ces derniers temps. On parle ainsi beaucoup, entre autres, du "modèle belge" qui pourrait être adapté en France. Cette version belge du permis consiste en une dizaine d'heures de conduite en école, et le reste en accompagnement par un tiers.
1200 euros par mois
Pour des professionnels qui, contrairement aux griefs qui leur sont faits, ne roulent pas sur l'or, ce serait une perte insupportable : le salaire moyen d'un moniteur se situe "autour de 1200 €", assurent les professionnels.
Mais la forte mobilisation d'hier a changé la donne : les syndicats ont été reçus à Matignon par la directrice de cabinet du premier ministre, le directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo et le conseiller technique de la Sécurité routière.
A 16h20, avec un mégaphone, un organisateur donne le résultat de l'entrevue de Matignon. Les syndicats ont d'ores et déjà obtenu une première satisfaction : ils seront désormais associés aux discussions qui touchent l'avenir de la profession et il n'y aura pas d'initiative avant le 15 avril, date de la remise du rapport.
Applaudissements parmi les manifestants qui se dispersent rapidement : les auto et moto écoles ont réussi leur journée !
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