Face à face Suzuki Gladius - Yamaha XJ6 : la bataille des sens !

Reines des villes, les deux petites nippones ont cependant hâte de voir l'horizon s'élargir afin de confronter leurs choix techniques sur des trajets plus exigeants. Un zest de périph' permet de valider les premières impressions délivrées en ville : on se régale des relances enjouées du v-twin de 645 cc de la Gladius, qui se marie parfaitement à un châssis vif et rigide et des suspensions plus rigoureuses qu'auparavant.

Toujours aussi facile et délivrant une sonorité bien rauque de 3 000 à 6 000 tr/mn, la XJ6 profite de son nouveau profil d'arbres à cames, de sa nouvelle culasse et de son taux de compression équivalent à celui des Fazer (12:1) pour propulser l'ensemble avec vigueur, eu égard à la cylindrée et à la puissance bien entendu. Si l'on roule souvent un rapport en dessous qu'avec la SVF, sa bonne volonté évite d'abuser d'une sélection qui gagnerait à plus de douceur.

L'injection (32 bits pour les curieux) est parfaitement contrôlée et l'accélération se dose avec facilité, d'autant que la poussée linéaire du quatre-cylindres ne commence à se renforcer sérieusement qu'à partir de 7 000 tr/mn. Un régime où la XJ6 croise pile à 130 km/h sur autoroute en sixième, tandis que la Suz' affiche 1 000 tr/min de moins à la même allure.

Au petit jeu des tests de relance, surprise : la Yamaha prend les devants en sixième à mi-régimes ! Sans doute le contrecoup d'une boîte plus courte sur la XJ6 qui se fait cependant larguer sur le 4ème et le 5ème rapport. Car non seulement la Gladius est alors plus prompte à s'échapper, mais son allonge conséquente lui permet de tenir tête aux 4-pattes, même à haute vitesse.

L'occasion d'accrocher 215 km/h au compteur de la Suz', malgré le port d'un gros sac à dos : honnête et prometteur, vu le faible kilométrage de la moto. Quelques virages pris tambour battant mettront toutefois en exergue une certaine légèreté de son train avant lorsqu'on la sollicite fortement sur de longs appuis.

Si ce comportement n'a rien de dangereux et se montre bien moins sensible qu'avec les premières SV, la Yamaha met plus en confiance passés les 150 km/h (sa position plus chargée sur l'avant n'y est sans doute pas étrangère). La pression du vent est plus sensible à cette vitesse sur la Gladius, ce qui tend à "tirer" le conducteur vers l'arrière. Résultat, celui-ci s'accroche plus au guidon et provoque inconsciemment quelques oscillations de l'avant lorsque le bitume se dégrade : un "simple" relâchement des épaules fait cependant disparaître le phénomène.

Plus rigides, les suspensions de la Gladius font merveille sur un asphalte lisse, d'autant que le cadre treillis acier affiche une efficacité enthousiasmante. L'amortisseur (réglable en précontrainte) et la fourche de 41 mm à l'hydraulique revue et corrigée par rapport à l'ancienne SV travaillent de concert. Seule une certaine sécheresse de l'avant sur les petites bosses viendra ternir - légèrement - le tableau.

Habituellement sacrifiée sur l'autel de la réduction des coûts, la qualité des suspensions des deux roadsters est de très bon aloi, avec une légère prépondérance sportive pour la Gladius.

Pas de quoi rougir toutefois du côté de la XJ6, dont le cadre de type Diamant, la fourche de 41 mm et le simple amortisseur Monocross réalisent le tour de force d'être à la fois efficaces et confortables !

Sur petites routes chatouillant les lombaires, la Yamaha prendra l'avantage sur la Gladius grâce à son équilibre général bluffant et son train avant proche de la perfection : feeling, réactivité, absence de réactions parasites lors de la mise sur l'angle ou de prise de freins tardives, la XJ6 délivre une confiance impressionnante malgré des conditions de roulage difficiles. En outre, ses montées en régimes polies permettent d'accélérer sans arrière pensée sur les petits cols en descente tout juste dégelés qui s'offrent à nous...

Plus réservé dans ces conditions délicates, le conducteur de la Gladius devra composer avec un frein moteur plus délicat à gérer lors de rétrogradages sur les premiers rapports, demandant plus de circonspection lors d'un complet lâcher des gaz plein angle... pour éviter une zone d'humidité pleine de promesses de chutes par exemple ! La machine ne dévie cependant pas de sa trajectoire, mais "chahute" un peu son pilote là où la Yamaha reste zen.

Prompte à plonger à la corde et à en ressortir sur le gras du couple, la Gladius retrouve le sourire sur des portions moins torturées, où l'on prend plaisir à solliciter son twin entre 5 000 tr/mn et 10 000 tr/mn : la belle s'extrait alors des courbes avec une bonne volonté réjouissante et dans une sonorité flatteuse ! Son train avant un poil léger sur les grosses accélérations ne bronche cependant pas d'un pouce à la mise sur l'angle et la SVF accepte freinages au débotté et corrections de trajectoires - en conservant toujours un filet de gaz - avec aisance.

Moins vive et pour tout dire moins vivante, la Yamaha suit le rythme sans forcer, mais au moindre virage abordé sur le mauvais rapport, la XJ6 donne la sensation de désagréablement rester "collée" en sortie. Moins sensationnel, son quatre-cylindres demande à être plus cravaché dans les tours pour bien ressortir : une conduite plus syncopée, typée "On-Off", où les vocalises du moulin ravissent les amateurs du genre mais qui peut finir par lasser sur un long trajet avec passager...

L'arrivée de notre parcours routier le confirme : malgré des extrémités congelées et des mains violacées, c'est avec le sourire que l'on descend de ces deux motos ! A l'évidence, la Gladius marque des points grâce à son moteur plus expressif, mieux rempli à tous régimes, et à sa partie cycle vive et rigide.

A la réflexion, son avant met effectivement moins en confiance - pour une efficacité similaire - qu'avec la Yamaha et elle est peut-être réglée un poil trop dur sur l'avant. Mais les températures quasi polaires de notre duel n'ont assurément pas favorisé le travail des hydrauliques ! A ses côtés, la XJ6 s'est tirée de l'exercice routier avec la même polyvalence qui lui a permis de faire l'inter' à la Suzuki en ville. Souple, saine et sans surprise, la Yamaha affiche un accord de suspensions rarement constaté sur une moto de ce tarif.

Certes, en le chahutant méchamment, son élément arrière finira par pomper légèrement, là où celui de la Gladius reste serein en toutes circonstances. Mais au vu de sa cible et de son tarif, la XJ6 fait assurément très fort ! Plus joueuse, la Gladius est assurément plus rigolote sur petites routes, tout en permettant de flâner efficacement grâce à son couple généreux sur tous les rapports.

En définitive, on retombe dans l'éternel débat opposant les adeptes du bi à ceux du 4-pattes : sensations ou souplesse ? Caractère ou facilité ? Sur routes viroleuses, plus que jamais les avis divergent... Et même au sein de la rédaction de Moto-Net.Com, chacun y va de ses arguments ! Finalement, l'ensemble des capacités dynamiques de la XJ6 (train avant vif et sûr, confort et efficacité de suspensions) lui octroient un léger avantage sur routes, mais les clins d'oeil effrontés du bicylindre Suzuki lui permettent de rester au contact !