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Almeria (Espagne), le 13 mai 2016

Essai Yamaha MT-10 : gueule de tueuse et corps d'athlète

Essai Yamaha MT-10 : gueule de tueuse et corps d'athlète

Premier constructeur japonais à avoir transformé sa Superbike en roadster d'élite avec la FZ1 en 2006, Yamaha remet le couvert dix ans plus tard avec la MT-10. Et ça donne quoi, une R1 Crossplane à poil ? Des sensations et une efficacité hors pair ! Test.

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Dynamique : un moteur et un châssis au diapason

Dégonflé de 200 à 160,4 chevaux, le CP4 "Crossplane" n'a rien perdu de son tempérament : dès le démarrage, sa sonorité rocailleuse flatte les oreilles, voire hérisse les poils avec son timbre unique évoquant un V4 ! Rien à voir avec le feulement métallique parfois dénué d'âme de certains "4-pattes" traditionnels : la MT-10 renvoie plutôt à la Yamaha M1 de MotoGP, avec qui elle partage son calage asynchrone (voir nos vidéos en direct de l'essai). Sorte de méchant compliment !

Essai Yamaha MT-10 : gueule de tueuse et corps d'athlète

La moindre accélération noircit les incrémentations du compte-tours avec une énergie et une absence d'inertie révélatrices : le programme sera sportif, du genre à s'apprécier uniquement avec un permis à 120 points ! En témoignent la sélection rapide mais au verrouillage ferme, le premier rapport qui tire très long ou encore la vitesse de pointe stratosphérique malgré la transmission raccourcie : en sixième, la MT-10 frôle les 265 km/h au rupteur situé à 12 000 tr/mn !

Seul hic à ce stade : la réponse entachée d'à-coups de la poignée de gaz électronique, phénomène connu sur les premières générations de MT-09 (suite aux nombreuses critiques, Yamaha a modifié la cartographie dès la deuxième année). Le souci est surtout concentré sur les phases "fermeture-ouverture" des gaz, quand on ré-accélère dans un carrefour en ville ou après un virage serré sur route, par exemple.

Cette réponse chaotique donne l'impression que le circuit d'alimentation est totalement coupé lorsque l'accélérateur revient vers son ouverture minimum, comme pour diminuer la consommation d'essence et les rejets polluants. Et selon plusieurs motoristes interrogés par MNC, cette explication n'a rien de farfelu : satisfaire aux dernières normes cause de nombreux maux de tête aux constructeurs, et pas seulement de motos. Le "Diesel-Gate" de Volkswagen est en la preuve...

Essai Yamaha MT-10 : gueule de tueuse et corps d'athlète

Comme sur la Superbike, le 4-cylindres de 998 cc dégage aussi quelques vibrations à mi-régimes (pas gênantes) ainsi que beaucoup de chaleur sous la selle et entre les cuisses (là, ça le devient nettement plus). L'occasion d'apprécier une ergonomie certes sportive mais sans radicalité, avec un guidon ni trop large ni trop bas comme sur certaines concurrentes.

Le réservoir écarte en revanche plus les genoux que sur la R1 : logique, puisqu'il conserve la même contenance (17 litres) malgré un léger raccourcissement destiné à rapprocher le pilote de la colonne de direction. Loin d'être extrême, la position de conduite est à peine plus contraignante que sur une MT-09, dont l'assiette est toutefois plus basculée vers l'arrière. Ici, on sent que la priorité est donnée au contrôle du train directeur !

Bien qu'avancés et abaissés, les repose-pieds induisent encore un certain repli des jambes, mais sans excès pour le genre. L'abus vient plutôt des repose-pieds passager, fixés pratiquement sous les fesses du pilote ! Non seulement les bottes de l'invité(e) entrent facilement en contact avec les mollets du conducteur, mais les talons de celui-ci butent sur les platines arrière en position de conduite "sportive", en appui sur les pointes, à partir d'une certaine pointure (dès 43-44, selon le type de bottes).

Essai Yamaha MT-10 : gueule de tueuse et corps d'athlète

Ces quelques "petits détails" s'évacuent rapidement au fur et à mesure que la MT-10 dévoile ses qualités, à commencer par sa stupéfiante agilité. Avec un empattement record de seulement 1400 mm et un poids contenu à 210 kg, la nouveauté ne s'inscrit pas en courbes : elle y plonge avec une vivacité à faire pâlir une 600 cc !

Grâce au bras de levier engendré par le guidon large, la faire basculer d'un angle à l'autre est d'une facilité déconcertante : la moto se place au millimètre sur sa trajectoire sans jamais exprimer de résistance, y compris sur les freins. Remarquablement équilibrée (51% / 49%), la MT-10 est tellement courte qu'elle fait -sans effort - demi-tour dans un mouchoir, malgré des butées de direction rapidement atteintes.

Rares sont les motos de cette catégorie à afficher une telle vivacité, doublée par ailleurs d'une précision chirurgicale du train avant. A peine le temps de viser le point de corde que la MT-10 s'y rue déjà - mais sans amplifier l'ordre donné au guidon ou au repose-pied, ni y résister. La Yamaha est vive mais prévisible, joueuse mais pas vicieuse. Un must !

Agilité et stabilité ? Yes, Yamaha can !

A ce stade, MNC craignait le revers de la médaille : une stabilité perfectible, fruit de l'association de cette géométrie radicale et de la forte puissance. Ajoutées au large guidon, ces caractéristiques laissaient présager un comportement volage, voire des guidonnages dans les parties bosselées malgré la rassurante présence d'un amortisseur de direction.

Essai Yamaha MT-10 : gueule de tueuse et corps d'athlète

En réalité, il n'en est rien : la MT-10 est rivée au sol, quelle que ce soit la vitesse de passage en courbes, l'état du bitume ou la charge envoyée au pneu arrière de 190 mm via la poignée de gaz ! En cela, le roadster Yamaha évoque directement sa donneuse d'organes, la R1, elle aussi saluée par MNC pour son stupéfiant compromis agilité/stabilité.

Cette prouesse - car c'en est une : beaucoup s'y cassent régulièrement les dents ! - passe par un cadre intelligemment conçu, rigide aux endroits clés et suffisamment flexible latéralement pour éviter les réactions sèches. L'excellent accord d'amortissement joue aussi un rôle important - voire capital - en absorbant à la perfection les plus violents transferts d'assiette, souvent responsables de délestages de l'avant (principal point faible de la MT-09).

Certes, le tarage de ces suspensions similaires à celles de la R1 se veut assez ferme, mais rien d'extravagant pour la catégorie : on parle d'un maxi-roadster sportif, pas d'une moto routière ! Et certaines rivales sont nettement plus raides, sans atteindre pour autant un tel niveau d'efficacité. Loin s'en faut même pour quelques-unes...

Essai Yamaha MT-10 : gueule de tueuse et corps d'athlète

Totalement réglables - y compris en compression lente et rapide -, la fourche et l'amortisseur à bonbonne séparée offrent en effet un comportement irréprochable. En bonus, leur sensibilité est suffisamment élevée pour ménager une forme inattendue de confort. Et ce n'est pas du luxe au regard de la fermeté de la selle, aussi large sur sa partie arrière que peu rembourrée !

Le freinage est globalement à la hauteur de ces prétentions dynamiques extrêmement relevées, réunissant puissance et dosage aisé à l'avant comme à l'arrière. En mode "arsouille", seul le déclenchement rapide et sensible de l'ABS pourra frustrer les plus "saignants", d'autant qu'il n'est pas désactivable comme sur certaines motos concurrentes.

Les mêmes amateurs de freinages de trappeurs regretteront aussi l'attaque relativement mesurée à la prise du levier droit. Les autres apprécieront de ne pas se faire surprendre en cas de freinages réflexes, comme cela peut arriver avec des étriers excessivement mordants...

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De série, la MT-10 embarque un contrôle de traction réglable et désactivable, dont le calibrage et la sensibilité apparaissent hors de critique malgré son degré de sophistication moindre que celui de la R1 (lire la partie Electronique de notre Point technique). Réglé sur son niveau le moins interventionniste (1 sur 3), ce TCS autorise même de longs cabrages de la roue avant : Yamaha a pensé aux amateurs de wheelings !

L'excellente motricité, favorisée par le long bras oscillant, facilite aussi le travail de cet anti-patinage : malgré l'incroyable santé du moteur, les pertes d'adhérence de l'arrière sont rares sur bitume sec. Cela constitue aussi une bonne surprise, tant les roadsters (sur)puissants éprouvent souvent bien des difficultés à faire passer toute leur cavalerie au sol...

Cette autre qualité de la MT-10 résulte en grande partie du calage Crossplane du 4-cylindres, justement retenu par Yamaha pour faciliter l'exploitation de la puissance et la motricité (d'abord sur la MotoGP de Rossi en 2004, puis sur la R1 à partir de 2009). Par ailleurs, si l'injection est critiquable sur les phases "coupures-remises de gaz", doser l'accélération passé ce cap se révèle aussi facile que précis.

Essai Yamaha MT-10 : gueule de tueuse et corps d'athlète

Résultat : dompter chaque cheval à disposition (et ils sont nombreux !) se fait avec une confiance totale, car chaque rotation de la poignée droite vers l'arrière se traduit par une réaction proportionnée et transparente. Tout va bien donc... tant qu'on ne coupe pas - trop - les gaz pour réguler la puissance ! Et de la puissance comme de coffre, le bloc de la MT-10 n'en manque pas !

Disponible entre 2000 et 2500 tr/mn selon le rapport engagé, ce "faux V4" tracte avec une vigueur sidérante - pour un 4-pattes - dans la première partie du compte-tours. Puis il lance une première salve vers 5000 tr/mn, régime où sa tonalité s'éclaircit et où des crépitements se font entendre lors de rétrogradages secs (durant lesquels de légers retours d'efforts de l'anti- dribble sont perceptibles dans le levier gauche).

A 7000 tr/mn, le rythme s'accélère encore et l'horizon se rétrécit soudain : le Crossplane balance toute sa fougue dans un grondement diabolique, atteint sa crête de couple à 9000 tr/mn (111 Nm, tout de même !), puis allonge d'une seule traite jusqu'à ce que ses 160,4 ch bien vigoureux se mettent à galoper librement à 11 500 tr/mn !

Essai Yamaha MT-10 : gueule de tueuse et corps d'athlète

Gare alors à bien serrer la moto et à garder son sang-froid pour rester maître de la situation... Car la poussée est énorme de consistance, capable de lever la roue avant en troisième (!) sur une remise des gaz trop généreuse au passage d'une bosse. Si la stabilité de la MT-10 reste irréprochable, certaines lois de la physique demeurent incontournables : on évitera notamment de se cramponner au guidon quant les 160 bourrins débarquent !

Pour autant, ce remplissage mécanique particulièrement réussi évite le piège de l'explosivité ingérable : à l'image du reste de la moto, l'accélération est sensationnelle et musclée mais pas démesurément brutale au risque de devenir inexploitable. Raisonnable ? Certainement pas ! Jouissive ? Totalement !

Verdict : Yamaha MT'exciter !

Depuis le lancement de la MT-09, Yamaha connaît un succès aussi insolent que totalement justifié : le constructeur d'Iwata s'est remis en question en osant sortir des sentiers battus, jugeant opportun de miser sur les sensations pour se distinguer sur un marché hautement concurrentiel. Un pari réussi, dont certains de ses compatriotes devraient s'inspirer...

Les concurrentes de la MT-10

Avec la nouvelle MT-10, cette démarche atteint son paroxysme pour combler tous les amateurs de grosses bouffées d'adrénaline, assez nombreux parmi les motards européens. Yamaha nous a d'ailleurs rappelé durant cet essai que la gamme MT avait essentiellement été créée par et pour l'Europe. Qui s'en plaindra... à part les points sur votre permis de conduire et votre passager(e) ?

Pour autant, certains traits de caractère du 4-pattes Crossplane sont à considérer comme ses dégagements de chaleur, sa consommation importante (7,9 l/100 km mesurés par MNC et plus pour certains confrères : voir notre bilan en colonne de droite) et surtout ses à-coups d'injection, déjà agaçants avec la cartographie "Standard" mais carrément insupportables sur le mode B (désormais, de manière inexpliquée, le plus sportif : lire en page 3).

Mais cela ne suffit pas - loin s'en faut - à faire du tort à celle que Moto-Net.Com tend déjà à considérer comme la nouvelle référence des roadsters sportifs japonais, capable de toiser sans trembler les redoutables Super Duke R, S 1000 R et autres Tuono V4 RR. Plus qu'une nouveauté : la MT-10 est une révélation !

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CONDITIONS ET PARCOURS

  • Modèle d'origine (1083 km)
  • Parcours : 357 km
  • Routes : tous types aux alentours d'Almeria
  • Pneus : Bridgestone S20
  • Conso moyenne : 7,91 l/100 km mesurés sur la moto de MNC (plus de 8,5 l/100 km pour celles de confrères plus "énervés")
  • Problèmes rencontrés : RAS

POINTS FORTS YAMAHA MT-10

  • Moteur sensationnel et ultra-performant
  • Partie cycle au top, y compris les suspensions
  • Rapport maniabilité / stabilité jamais vu dans la catégorie

POINTS FAIBLES YAMAHA MT-10

  • Selle ferme et repose-pieds passager mal placés
  • A-coups d'injection pénibles (mode B quasiment inconduisible)
  • Choix de coloris limité et majoritairement flashy