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ESSAI
Paris, le 23 mai 2013

Essai Victory Cross Country Tour : l'Electra choc !

Essai Victory Cross Country Tour : l'Electra choc !

Alors comme ça, la Victory Cross Country Tour serait capable de jeter de l'ombre sur les chromes d'une Harley-Davidson Electra Glide ? MNC fait toute la lumière sur ce défi grâce à un essai de 1300 km en duo sur l'autre custom-tourer américain. Verdict !

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L'autre vision du custom américain

Puis vient le moment d'actionner le démarreur afin de mettre en branle les deux grosses gamelles de 101 mm de diamètre. Et là, nouvelle petite déception : bien trop étouffée par les (extrêmement) silencieux, la sonorité du bicylindre en V à 50° ne délivre pas la partition attendue d'un tel instrument... Le Victory Freedom, en version d'origine européenne, manque de puissance acoustique mais aussi de musicalité.

La bande-son gagne bien en intensité à l'approche des 3000 tr/mn, mais sa tonalité quelconque n'émeut guère. Directe contrepartie de cette discrétion phonique : les bruits mécaniques, notamment les cliquetis de la distribution, sont assez perceptibles au ralenti, alors qu'ils sont couverts par les sourdes pétarades du Twin Cam 103 sur la Harley Davidson Electra Glide

La boîte de vitesses, elle, est aux standards de la catégorie : la première passe en délivrant un "klong" retentissant, surtout à froid. Lente mais précise, la sélection serait plus confortable à manier avec une commande à double branche, tandis que la main gauche accueillerait volontiers un levier d'embrayage moins dur. D'autant que son écartement n'est pas réglable, pas plus que celui du levier de frein : on n'est pas sur une moto de fillette !

Mais ce constat est rapidement balayé par l'énorme couple et le punch délivrés par ce moteur de 1731 cc. Le V-Twin conçu par la marque du groupe Polaris arrache littéralement la Cross Country Tour du sol, puis répond présent à tous les régimes. Oubliez la notion de rétrogradage : ce bloc refroidi par air-huile possède un seuil de souplesse suffisamment bas pour éviter d'avoir à garder les yeux rivés sur l'instrumentation, à surveiller le régime moteur ou le rapport engagé.

Bien aidé par une excellente connexion entre l'accélérateur et son injection parfaitement calibrée, le Victory Freedom possède le souffle nécessaire pour gentiment tracter le (lourd !) équipage à 50 km/h en quatrième aux environs de 1600 tr/mn. Impossible d'être plus précis : les graduations du compte-tours très lisible vont par tranche de 500 tours !

A l'image des lignes de la moto, cette instrumentation concilie traditionalisme et modernisme : quatre cadrans joliment cerclés de chrome indiquent le niveau d'essence, la vitesse, le régime moteur et l'ampérage de la batterie, tandis qu'une fenêtre digitale renseigne notamment sur le rapport engagé, l'heure, la température de l'air ou encore la consommation moyenne et instantanée.

Un rétro-éclairage bleuté, activé automatiquement, donne une touche futuriste à ce tableau de bord aussi complet que bien agencé. Et en bonus, toutes les infos sont accessibles sans lâcher le guidon, d'une courte pichenette de l'index gauche sur la commande d'appel de phare. Une longue pression permet de remettre à zéro les deux trips partiels, les divers indicateurs, et d'accéder aux réglages de l'horloge. Simple, intuitif, pratique : beaucoup de constructeurs feraient bien de s'en inspirer !

Enfin, un deuxième écran digital réunit toutes les informations de l'installation audio, dont la qualité et la puissance forceraient l'admiration de n'importe quel DJ ! Commandée par le satellite situé sous le commodo gauche, cette sono au rendu exceptionnel constitue l'un des gros points forts de la Cross Country Tour : les quatre gros haut-parleurs installés de part et d'autre du tableau de bord et du top-case permettent au pilote et à son passager de suivre un talk-show ou de saisir pratiquement toutes les tonalités d'un bon morceau de rock jusqu'à 130 km/h (sans vent) !

A cette allure, le twin ronronne à 3000 tr/mn en sixième. Bien que de type "surmultiplié" (tous les détails dans notre Point technique), ce rapport permet des dépassements francs - voire musclés - sans cette léthargie souvent ressentie lorsqu'on enclenche un "Overdrive". A condition de ne pas laisser descendre son régime sous 2000 tr/mn en 6ème (soit à 85 km/h), le gros bicylindre possède suffisamment de réserves pour effacer d'un coup de gaz un retraité qui lambine sur le réseau secondaire !

Sans aucun temps mort jusqu'à 4500 tr/mn, l'accélération impressionne ensuite par sa constance et sa consistance. En clair : ça pousse fort, tout le temps, et de manière continue ! Certains ne manqueront pas de lui reprocher le manque de sensations dont résulte cette linéarité, mais les autres apprécieront au contraire cette prévisibilité et ce côté "force inépuisable" qui sied finalement parfaitement à de l'abattage de bornes par grosses tranches, surtout en duo !

Un fauteuil pour deux

En parlant de duo, l'heure est venue de marquer une pause pour connaître l'avis de Madame, d'autant qu'une pluie soutenue se déverse depuis un moment déjà... Totalement abrité, c'est à peine si vous vous êtes aperçu que la température avait chuté sous la barre des 10°C et qu'il pleuvait à verses : seuls vos gants et le dessus de vos genoux sont humides !

Entre le confort sénatorial de sa selle pilote chauffée et bas perchée (667 mm) et l'efficacité de ses poignées chauffantes, la Cross Country Tour vous maintient comme dans un cocon, même dans ces conditions météos déprimantes. En réalité, à partir d'une certaine vitesse, le volume d'air poussé par le pare-brise crée autour de vous une sorte de "zone de confort" qu'une forte pluie et les turbulences peinent à franchir.

La seule ombre au tableau tient à la visibilité par temps de pluie : lorsque les gouttes s'accumulent sur cette haute et large surface vitrée, il devient parfois difficile de distinguer chaque détail au travers. L'application d'un traitement plus hydrophobe arrangerait sans doute les choses. Voire, pourquoi pas, l'installation d'un petit essuie-glace ?!

Derrière, le passager n'est pas exactement logé à la même enseigne : rien à redire au niveau du confort de selle et du dossier, mais la protection n'est pas aussi totale que celle dont on jouit au guidon. Car oui, c'est assez jouissif de rouler à moto sous une averse sans passer par la case "vêtements étanches" ! Plus exposée en raison de sa position surélevée, votre invitée est loin d'en prendre "plein la quiche" mais ses bras et ses cuisses sont plus vite détrempés et refroidis en cas de pluie...

De plus, si Madame apprécie autant que vous la rondeur du V-twin, les légers à-coups de transmission à la remise des gaz et les vibrations qu'il distille lui plaisent beaucoup moins. Malgré la présence d'un balancier d'équilibrage, le Freedom chatouille en effet les pieds du pilote et de son passager juste avant le cap des 3000 tr/mn, surtout du côté droit.

Puis ces fourmillements (trop marqués pour être qualifiés de "Good Vibes") s'étendent au guidon et brouillent les rétros. Dommage : malgré leur petite taille, ceux-ci s'avéraient d'une étonnante efficacité ! Enfin, le vent latéral est une composante dont les dimensions de l'engin enjoignent à prendre compte. Sur autoroute, chargée et en duo, la Victory peut se montrer sensible aux caprices d'Éole, comme presque toutes les motos de cette envergure.

Au dessus de 130 km/h, la direction présente un léger flou lorsque de grosses rafales secouent l'équipage. Le phénomène n'a rien de vraiment inquiétant et disparaît en abaissant de quelques km/h la vitesse maintenue par le régulateur. Cela permet aussi de réduire l'appétit du gros twin, qui peut siroter presque 9 litres aux 100 km (voir conditions et parcours en haut à droite) lorsqu'un vent de face s'invite sur un trajet autoroutier !

Et ça tombe bien : l'heure est venue de quitter ce long, couteux et monotone ruban d'asphalte au profit des petites routes sillonnant la campagne autour du Havre (76). Bonne pioche, car la Cross Country Tour y révèle une autre facette de ses talents : un comportement dynamique presque sportif - toutes proportions gardées ! - et une rigueur irréprochable. Des qualités insoupçonnables au regard de son gabarit et de son orientation !

Oubliez les clichés du gros custom qui freine mal, se tord à la moindre compression et racle le bitume du bout de ses marches-pieds placés tellement bas qu'ils pourraient presque servir de béquilles ! Le Tourer Victory fait voler ces idées reçues en éclat, avec une facilité et une efficacité qui incitent à reconsidérer certaines lois de la physique...

Cet étalage de qualités se traduit tout d'abord par un équilibre proche de la perfection : une fois dépassés les 5 km/h, la Cross Country Tour devient comme par magie autostable et fait oublier sa masse dépassant les quatre quintaux ! Bonne braqueuse - même s'il faut avoir le "bras long" pour amener l'énorme dirigeoir en butée -, elle se faufile avec une réelle aisance en ville.

S'il n'y avait pas ses dimensions d'haltérophile russe et les calories renvoyées pas son moteur à l'arrêt, la Victory pourrait presque être qualifiée "d'agréable" en agglomération. Mais, sans surprise, le gros bicylindre Freedom chauffe rapidement les cuisses et les fesses dans les bouchons.

Heureusement, une astuce génialissime résout en grand partie ce problème : il suffit d'ouvrir les volets escamotables devant chaque tibia pour faire entrer de l'air frais en direction des jambes ! De petits déflecteurs transparents situés juste au-dessus des boîtes à gants remplissent la même fonction pour les genoux. Là-encore, félicitations aux ingénieurs qui ont songé à ce système aussi astucieux qu'efficace !

Verdict : ça aussi, c'est l'Amérique !

C'est finalement sur le terrain où l'on l'attendait le moins que la Victory Cross Country Tour convainc le plus : si ses capacités de grande voyageuse ne sont pas vraiment une surprise, son aptitude à procurer beaucoup de plaisir dans le sinueux constitue, elle, une vraie révélation.

Stable, bonne freineuse (l'avant manque un peu de mordant mais pas de puissance, tandis que l'arrière remplit parfaitement ses fonctions) et remarquablement agile compte tenu de son gabarit, cette moto vous tend une invitation à "viroler" sans frustrations. Ou presque...

Car bien sûr, la géométrie de son châssis (angle de chasse très ouvert, notamment) fait que cette Cross Country Tour engage un peu à basse vitesse. Naturellement, sa lourdeur et l'inertie mécanique incitent à privilégier l'anticipation à l'improvisation. Et c'est sans surprise que les limites de sa garde au sol - pourtant respectable pour la catégorie - apparaissent rapidement.

Mais qu'une moto de ce type offre une telle précision directionnelle et que son degré de confort fasse quasiment jeu égal avec son efficacité en courbes, franchement, voila qui en bouche un coin ! "T'en penses quoi, chérie ? Chérie?...

Arf ! Madame est installée si douillettement et se sent tellement en sécurité qu'elle s'est endormie sur la route du retour ! Voila qui renforce votre certitude que cette Cross Country Tour possède une somme d'arguments suffisamment pertinents pour prétendre à la "Victory" face à ses concurrentes !

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CONDITIONS ET PARCOURS

  • Modèle d'origine avec 880 km au départ
  • Parcours : 1310 km (Paris - Le Havre... en passant par Reims (!)
  • Routes : réseau secondaire, ville et voies rapides
  • Météo : très pluvieux à ensoleillé, 7 à 22°C
  • Pneus : Dunlop Elite 3
  • Conso : de 6,1 l/100 km (route en solo) à 8,7 l/100 km (autoroute en duo)
  • Problèmes rencontrés : RAS

POINTS FORTS VICTORY CROSS COUNTRY TOUR

  • Lignes originales et majestueuses
  • Moteur puissant et coupleux
  • Partie cycle étonnante : une révélation !
  • Confort royal

POINTS FAIBLES VICTORY CROSS COUNTRY TOUR

  • Sonorité et caractère moteur
  • Poids et encombrement
  • Fourmillements (pilote et passager) à l'approche des 3000 tours
  • Agrément transmission perfectible