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Catane (Sicile), le 14 mars 2022

Essai KTM 890 Duke R : lame fatale

Essai KTM 890 Duke R : lame fatale

MNC est brièvement passé au guidon de l'énergique roadster 890 Duke R, lancé fin 2020 par KTM pour tailler dans le vif à la place de sa 790 Duke finalement moins tranchante que prévu. Essai du très affûté "Scalpel" du constructeur autrichien.

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Essai 890 Duke R page 1 : la marque orange voit rouge

C'est avec énormément d'ambitions et de solides arguments que la 790 Duke s'est attaquée au lucratif segment des roadsters de moyenne cylindrée au printemps 2018 : son inédit bicylindre parallèle "LC8c" de 105 ch et ses 169 kg à sec mettaient l'eau à la bouche de tous les amateurs de roadsters énergiques !

KTM - fidèle à son slogan "Ready to Race" - promettait de bousculer la hiérarchie avec cette moto moderne et bien équipée, surnommée le "Scalpel" : dans ses vidéos promotionnelles sur-vitaminées la 790 Duke paraissait littéralement capable de découper la concurrence ! Sanguine, l'Orange ?!

Un peu moins que prévu, en réalité… Notre premier essai suivi d'un duel contre la Z900 avaient laissé MNC sur sa faim : la 790 Duke est certes une chouette moto, mais pas la fine lame escomptée. En cause : son moteur et son amortissement limités en usage ultra-sportif. Des faiblesses inhabituelles chez KTM, qui traduisent ses compromis pour contenir son prix à 9690 euros…

Le "Scalpel" avait donc besoin d'une séance d'affûtage pour croiser le fer avec les fines lames, Triumph Street Triple en tête. KTM ne pouvait évidemment pas en rester là, au risque d'écorner son image résolument sportive : moins d'un an et demi plus tard apparaissait la 890 Duke R, soit ni plus ni moins qu'une "Super 790 Duke".

 

Moteur boosté à 121 ch et 99 Nm via un réalésage (+ 91 cc) et un gros travail interne - vilebrequin et volant moteur alourdis, profils arbres à cames plus agressif -, zone rouge reculée à 10 000 tr/mn pour gagner en allonge : la 890 Duke R annonce d'emblée la couleur avec ses 16 ch et 16 Nm de plus que la 790 !

KTM a également musclé sa partie cycle avec des composants haut de gamme de sa marque WP : fourche inversée de 43 mm et amortisseur "Apex" entièrement réglables. Jantes allégées, ergonomie radicalisée, étriers Brembo Stylema et pneus très sportifs - Michelin Power Cup 2 - s'invitent aussi dans l'objectif d'effacer les critiques émises sur la 790 Duke.

MNC a pu la découvrir pendant notre notre essai du pneu Metzeler Roadtec 01 : un trop court galop d'essai - à peine 50 km ! - pour délivrer un compte rendu complet, mais tout de même suffisant pour vérifier si la réaction d'orgueil de KTM justifie l'envolée tarifaire. Lancée à 11 900 euros fin 2020, la 890 Duke R coûtait en effet 2210 euros de plus que la 790 Duke ! 

Au guidon de la KTM 890 Duke R 

Au niveau esthétique, 790 Duke et 890 Duke R sont identiques : seuls les fans et les concessionnaires seront en mesure de différencier les deux KTM au premier coup d'oeil ! Mêmes lignes agressives, même phare à LED, même écran TFT couleurs : la 890 Duke R reprend à son compte le style de 790, lui-même fortement inspiré de la bestiale 1290 Duke.

 

Sa sportivité supplémentaire se matérialise par son capot de selle de série et l'absence de repose-pieds à l'arrière : l'autrichienne la joue plaisirs solitaires ! La selle et les repose-pieds passager sont néanmoins fournis à l'achat : prévoyez un sac à dos dans tous les cas, car l'espace dans le coffre suffit à peine à glisser bloque-disque et gilet jaune.

MNC apprécie son instrumentation sous forme de tablette agencée de façon logique qui affiche une foule de fonctionnalités via des flèches de défilement sur le commodo gauche, par ailleurs rétroéclairé. Les sous-menus donnent notamment accès aux réglables de l'antipatinage et de l'ABS dont l'action sur l'angle est ajustée par une centrale à inertie sur six axes Bosch. 

Trois modes de pilotage - Rain, Street et Sport - activent des préréglages d'usine, qui influent également sur la courbe de distribution de puissance, la réactivité de l'accélérateur électronique et la gestion du frein moteur. Un mode optionnel "Track" permet de personnaliser tous ces aspects. 

A cette dotation électronique extrêmement performante ne manque qu'un shifter, non fourni de série : une pingrerie qui ne fait pas honneur à une moto de cette stature et de ce prix… MNC déplore aussi certains aspects de finition un tantinet grossier, comme l'espace à la base de l'habillage plastique du réservoir de 14 litres.

Les rayures découvertes sur le bouchon de réservoir et les jantes laissent également songeur dans la mesure où la 890 Duke R ici testée n'affiche que 640 km au compteur. De même, l'absence d'écopes sur le radiateur et les câbles multicolores autour du moteur évoquent davantage un roadster entrée de gamme qu'une fine lame "premium"...

L'oeil se régale en revanche du soin apporté à la réalisation du cadre tubulaire en acier et du bras oscillant caissonné, devenu une marque de fabrique de tous les roadsters Duke. Ses étriers monoblocs en position radiale - avec pompe également radiale - font aussi leur effet, tout comme son original silencieux au format "ventru" qui remonte sur le flanc droit.

La 890 Duke R prend de la hauteur…

Guidon en mains, la 890 Duke R continue de faire ressentir ses ambitions revues à la hausse : KTM a reculé et relevé ses platines repose-pieds réglables, tandis que la radicalisation de son ergonomie passe aussi par un nouveau guidon - dont l'inclinaison s'ajuste sur trois positions - au cintre plat et plus large que sur la 790.

 

La position qui en découle est davantage portée sur l'avant, sans toutefois dépasser la mesure : la KTM reste un roadster, certes sportif, mais sans atteindre les sommets d'exigences d'une vraie sportive décarénée. Seule exception dans ce constat : sa selle dure et haut perchée…

Ce n'est clairement pas pour rajouter du rembourrage que l'assise passe de 825 mm à 834 mm : sa fermeté et son étroitesse font rapidement comprendre que les longs trajets ne sont pas sa priorité ! MNC se console avec l'excellente mobilité offerte sur la moto, qui permet de bien se reculer et de bouger les cuisses autour du réservoir en conduite dynamique. 

Reste qu'un pilote d'1,75 m pose tout juste ses deux pointes de pied au sol, ce qui ne facilite pas les manoeuvres moteur coupé... Heureusement que la 890 Duke R braque fort correctement et se montre incroyablement légère, avec un poids tous pleins faits estimé par MNC autour des 185 kg : encore mieux que la pourtant très mince MT-09 SP (190 kg), sa rivale désignée chez Yamaha !

Un bicylindre qui envoie de l'R

Côté mécanique, la 890 Duke R éclipse là aussi sa devancière : les montées en régime du twin et sa consistance sont autrement plus "velues" que sur la 790 ! La moto développe une poussée spectaculaire dans sa plage de régime de prédilection - entre 3000 et 8000 tr/mn -, au point même d'évoquer une plus grosse cylindrée.

 

Le recul de sa zone rouge lui confère un surplus d'allonge bigrement convaincant jusqu'à 10 000 tr/mn : la moto se rue en avant comme lâchée par un élastique bandé au maximum, bien aidée aussi par son excellent rapport poids/puissance. La sonorité grondante du bicylindre et ses crépitements à la coupure des gaz participent à cette ambiance sportive !

Sa poignée de gaz très réactive - un peu trop en mode Sport, trop brutal au goût de MNC - incite à user et abuser de ses relances canon en sortie d'épingles, où une bonne louche de gaz envoie la roue avant dans les cieux en deuxième sans autre forme de procès. La 890 Duke R cultive cet esprit "gros supermotard" propre à plusieurs motos KTM (ah, la géniale 690 Duke…).

La commande d'embrayage se montre raisonnablement souple, mais son point d'accroche est éloigné : les  démarrages éclair demandent de bien accompagner le levier réglable pour éviter de caler. La boîte de vitesses est précise et bien étagée, mais le sélecteur gagnerait en préhension avec un ergot plus long : une observation récurrente chez la marque Orange.

Au chapitre des défauts, le twin LC8c de la 890 délivre les mêmes désagréments que celui de la 790 : logique dans la mesure où ils sont bâtis sur le même moule ! Ce moteur crapuleux chauffe notamment la jambe droite en ville, puis chatouille les pieds et les mains avec ses vibrations à partir de 5000 tr/m, à 130 km/h en sixième soit dit en passant.

MNC aurait également apprécié que les motoristes autrichiens améliorent la gestion de l'injection, qui délivre encore de légers à-coups à la remise des gaz à bas régimes. Des bas régimes que la moto n'apprécie pas de manière générale : le twin préfère être maintenu entre 2500 et 3000 tr/mn, selon le rapport engagé. 

Une partie cycle vraiment tranchante 

Si la 790 Duke nous avait déjà séduits par sa vivacité exceptionnelle, la 890 Duke R place la barre encore plus haut. Sa direction est hyper directive, au point d'en devenir nerveuse : la moto ne bascule pas à la corde, elle s'y jette comme si aucune loi de la physique ne la concernait. L'inertie n'est pas dans son vocabulaire, malgré le profil plus rond des Metzeler Roadtec SE par rapport à sa monte d'origine.

 

Cette réactivité jubilatoire favorise les placements instinctifs, mais cette facilité est à double tranchant : la 890 Duke R exige de la finesse et un minimum d'expérience pour ne pas se laisser surprendre. Car si son agilité est digne d'une petite cylindrée, son répondant moteur appartient à une toute autre catégorie !

Garder à l'esprit que son punch propulse de pif à paf en un éclair est un impératif : la KTM virevolte comme une plume, mais son twin frappe avec des gants lestés de plomb ! La progression de son compromis de suspensions apporte fort heureusement la rigueur nécessaire pour éviter le KO.

Le gain en cohésion avant-arrière est immédiatement perceptible, tout comme le meilleur maintien de la fourche sur les grosses contraintes : la 890 Duke R supporte sans sourciller les entrées en courbe debout sur les freins, quand la 790 laissait échapper des mouvements moyennement rassurants. Les transferts de masses mieux maîtrisés participent activement à ce progrès.

Sa direction stable et précise possède par ailleurs la progressivité et la sensibilité nécessaires pour préserver un minimum de confort dans les portions bosselées, où aucune réaction parasite n'est à déplorer. Idem pour le mono-amortisseur au comportement plus rigoureux, qui assure au train arrière une excellente liaison au sol et une motricité hors de critique. 

Un freinage digne d'une Superbike vient sublimer ce bilan enthousiasmant : les étriers Stylema de Brembo procurent une puissance de ralentissement colossale, façon Rafale à l'appontage sur le Charles-de-Gaulle ! Un seul doigt suffit à précisément activer les sublimes pinces italiennes : mordant et dosage sont hyper bien calibrés, avec un répondant sans surprise très réactif.

Le frein arrière nous a en revanche semblé un peu moins performant, mais la brièveté de ce test ne nous a pas permis d'explorer en détail cet aspect peu habituel chez KTM : la marque autrichienne, forte de son expérience en tout-terrain, ne néglige généralement pas le frein arrière.

MNC a également manqué de temps pour éprouver toutes les subtilités permises par les aides électroniques : leurs interventions se sont néanmoins faites discrètes, notamment lors de l'entrée en action du contrôle de traction, ce qui est déjà un très bon point ! 

Verdict : KTM taille dans le vif

KTM remet les pendules à l'heure avec sa 890 Duke R, qui atteint haut la main le niveau de performances suffisant pour mériter le surnom "Scalpel". Le roadster autrichien surclasse la concurrence japonaise - en version standard - et se hisse au niveau des roadsters les plus affûtés comme la Street Triple. 

La 890 Duke R efface point par point les lacunes de la 790 Duke, qui s'est discrètement fait éjecter du catalogue l'an dernier… KTM l'a remplacé par la 890 Duke standard, qui reprend la même base que la "R" ici testée mais en moins poussée : le moteur est dégonflé à 115 ch et 92 Nm (- 6 ch et - 6 Nm) et certains périphériques sont moins luxueux.

Objectif de cette 890 Duke "tout-court" à 10 799 euros ? Pallier le principal défaut de la 890 Duke R : son prix, qui est passé à 12 399 euros dans son millésime 2022 avec son nouveau coloris ! Le "Scapel" se destine, sans mauvais jeu de mots, aux grosses bourses…

  • Suite de notre essai 890 Duke R avec notre fiche technique en page 2

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CONDITIONS ET PARCOURS

 
  • Modèle d'origine 
  • Kilométrage au départ : 640 km
  • Itinéraire : environ 50 km autour de Catane (Sicile), sur routes secondaires et ville
  • Pneus : Metzeler Roadtec 01 SE
  • Problèmes rencontrés : RAS
 
 
 

POINTS FORTS KTM 890 R

 
  • Partie-cycle vraiment digne d'un scalpel !
  • Tempérarement et allonge moteur
  • Vivacité déconcertante
 
 
 

POINTS FAIBLES KTM 890 R

 
  •  Dégagements chaleur, vibrations et rugosité à bas régimes : le bicylindre impose ses condtions...  
  • Shifter en option
  • Prix élevé
 
 
 

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