• L'essentiel
  • -
  • En savoir plus...
TEST
Palma de Majorque (Espagne), le 8 mars 2016

Essai KTM 1290 Super Duke GT : prête à tracer !

Essai KTM 1290 Super Duke GT : prête à tracer !

Ajouter un pare-brise et un semi-carénage à un roadster pour lui développer des aptitudes routières, l'idée n'est pas nouvelle. Mais quand ce roadster s'avère être ''La Bête'' et ses 173 ch, le résultat est (d)étonnant. Essai de la KTM 1290 Super Duke GT.

Imprimer

Dynamique : très pressée, l'Orange-GT !

Calé à 130 km/h à 4750 tr/mn en 6ème, régulateur enclenché d'un coup de pouce sur le commodo droit, MNC en profite justement pour mesurer l'efficacité de la bulle réglable sur neuf crans (140 mm de débattement). L'opération est réalisable en roulant, à condition d'appuyer fortement vers l'avant pour débloquer le dispositif, puis de tirer la bulle vers soi - tout aussi énergiquement - pour le reverrouiller à la hauteur désirée.

Outre ce mode d'emploi disons... particulier, la protection assurée par ce pare-brise est elle aussi perfectible : en position basse, c'est à peine mieux que sur le roadster Super Duke R (!), tandis qu'une grande partie du casque (les trois quarts pour un pilote d'1,75 m) et des épaules reste exposée en position haute. Une Z1000SX, star de la catégorie roadster-GT, est nettement plus convaincante.

On se console avec la déflection assurée par les carénages : certes, ces éléments en pointe ne sont pas un modèle d'élégance, mais ils abritent plutôt bien les genoux ! Même bonne surprise concernant l'ergonomie et la prise en mains : le guidon se saisit facilement et sa largeur prononcée procure un bras de levier bienvenu à basse vitesse, luttant efficacement contre la retenue exercée par l'amortisseur de direction.

En raison des énormes fourreaux de 48 mm, le rayon de braquage est en revanche restreint : attention à en tenir compte en ville, de même qu'à l'embrayage et à la sélection plutôt fermes (mais précis). Par ailleurs, la rugosité du twin à bas régimes - renforcée par un braquet très long - contraint à reprendre l'embrayage sous 40 km/h en 2ème, ou à repasser en 1ère pour négocier un carrefour à angle droit ou une épingle serrée.

Sous 2500 r/mn, le moteur autrichien pilonne et exige 500 tours supplémentaires sur les derniers rapports. Soit déjà 80 km/h en 6ème ! Sur ce dernier rapport, le seuil nécessaire à des reprises franches et en souplesse se situe à 4000 tr/mn... à 110 km/h. Autant dire que sur des routes tortueuses, les pignons de la 5ème et de la 6ème ne s'usent pas beaucoup !

Dans un cadre urbain, ce monstre d'1,3 litre (!) chauffe aussi rapidement le haut des jambes. Avec un tel rendement mécanique, rien de vraiment étonnant ! Le désagrément est toutefois moindre que sur le maxi-trail Super Adventure équipé du même moteur, véritable "rôtissoire" pour les cuisses et les fesses !

En parlant de fesses (!) justement, celles du pilote se trouvent juchées à 835 mm sur une selle légèrement en pente sur sa partie arrière, qui va s'élargissant. Non réglable, cette assise n'est pas un modèle de moelleux... Pour autant, après un roulage de 280 km, aucune véritable gêne ne s'est faite ressentir : la preuve d'un rembourrage certes peu épais, mais de bonne qualité. Une bonne surprise !

Grâce à l'étroitesse de la selle sur sa partie avant et à la finesse générale de la moto, l'accessibilité reste correcte : un pilote d'1,75 m pose facilement les pieds au sol, mais pas complètement à plat de chaque côté. Les échancrures de réservoir logent correctement les genoux et au final, seuls les repose-pieds assez reculés - même position que sur la "R" - ternissent réellement le tableau en termes d'accueil.

L'agrément général pâtit également des vibrations émises par le twin peu après les mi-régimes (à partir de 6000 tr/mn), qui remontent d'abord sous la selle puis s'étendent au guidon. Bien dessinés, les rétroviseurs ne sont hélas pas épargnés, l'image renvoyée devenant totalement floue à l'approche des hauts régimes (rupture à 10 250 tr/mn).

Un moteur incroyable dans une partie cycle au top !

A l'évidence, malgré d'étonnantes qualités sur le plan ergonomique et un équipement pléthorique: la KTM manque de polyvalence et d'agrément pour totalement justifier son suffixe "GT". En même temps, le contraire aurait été étonnant : en partant de "La Bête", le constructeur autrichien ne pouvait pas construire une meule de coursier ! Ça tombe bien : ce n'était de toute façon pas l'objectif...

Son truc à elle, c'est de rallier un point A à un point B gaz en grand, en distillant un maximum de sensations et de plaisirs. Et pour parvenir à cet objectif (louable ou critiquable : rayez la mention inutile selon vos goûts), cette "Bête de route" peut entre autres compter sur son moteur, véritable distributeur de baffes format "king size".

Quelques accélérations - dosables au millimètre via l'excellent ride-by-wire - permettent de constater que le V-twin n'a rien perdu de sa vigueur par rapport au roadster. Malgré les 12 kg de plus que la "R" (223 contre 211 kg), la "GT" jouit de reprises monumentales. Passé le premier tiers du compte-tours, le couple est omniprésent (114 Nm dès 3250 tr/mn !), presque déboussolant tant ses ressources semblent inépuisables.

Précédée d'un grondement sec très impressionnant, presque trop prononcé en optique routière, la Super Duke GT bondit sans retenue jusqu'à 6000 tr/mn, régime à partir duquel elle semble résolue à vous disloquer les épaules, sans pause, jusqu'au rupteur ! Cette moto n'accélère pas : elle se rue en avant avec une énergie ahurissante ! Forcément, la conso est à l'avenant avec entre 6,5 l et 8 l/100 km relevés par MNC au tableau de bord.

Dans ces conditions, déclencher un wheeling est une formalité, y compris en 3ème (oui, en troisième !). D'autant que les assistances électroniques totalement réglables et assujetties au monde de conduite engagé (Rain bridé à 100 ch, Street et Sport en pleine puissance, plus ou moins directe) laissent suffisamment de latitude pour se livrer à cet exercice coupable.

Cabrages à l'accélération, dérives de l'arrière au freinage : le "cerveau électronique" de la KTM autorise toutes ces excentricités lorsque le mode Sport est engagé et que l'ABS est réglé pour se prêter au jeu (toutes les explications en page 3). Très réactifs et fins, cet ABS et ce contrôle de traction Bosch fonctionnent de manière totalement transparente. Un must au regard des contraintes à gérer !

Le freinage est au diapason, réunissant énorme puissance, endurance irréprochable et dosage très fin : les M50 de chez Brembo font carton plein. Mention très bien aussi pour le shifter, rapide et efficace et de surcroît capable de s'adapter au degré d'ouverture des gaz. Grâce à ce dispositif, monter les rapports à la volée à mi-régimes est possible avec une étonnante douceur.

Si concevoir un moteur aussi performant est déjà un authentique tour de force, le véritable exploit réalisé par KTM est de lui avoir construit une partie cycle à sa mesure. Précise, agile et facile à mettre sur l'angle, la 1290 Super Duke GT est une avaleuse de virages patentée et c'est à peine si les quelques kilos supplémentaires par rapport à la R se ressentent à basse vitesse.

Malgré la puissance et le caractère du moteur, la stabilité n'est jamais prise en défaut, y compris gaz en grand sur routes bosselées et à haute vitesse. Les pneus au profil plus rond, des Pirelli Angel GT, apportent une progressivité supplémentaire à l'inscription en courbes, sans grever outre mesure la géniale vivacité de la moto.

A l'arrière en revanche, les 190 mm de largeur de gomme ne suffisent pas toujours pour passer toute la fougue du moteur au sol. La motricité de la moto n'est pas à remettre en cause : c'est bien ses 173 ch et ses 144 Nm de couple, le "problème" ! En entrée de courbes, gare aussi au frein moteur, à la mesure de cet énorme bloc comprimé à 13,2:1.

Pour finir, un mot sur les suspensions pilotées par électronique, développées par WP, marque appartenant à KTM (détails en page 3). Très sensibles et réactives, ces suspensions semi-actives présentent l'intérêt de posséder une fonction anti-plongée (sauf sur le mode Sport, où cette caractéristique est désactivée pour un meilleur ressenti au freinage).

A l'usage, elles confèrent à la moto un excellent comportement dynamique et une tenue parfaite en toutes circonstances. On se surprend notamment à plonger en courbes sur un champ de bosses sans relâcher les freins, parfaitement serein grâce au travail combiné de l'amortissement et de l'ABS sensible à l'inclinaison.

En revanche, ces suspensions manquent de douceur d'absorption, surtout passé le premier tiers de course. Même en mode "Confort" et la précharge réglée en solo (duo et/ou avec valises sont aussi disponibles), le tarage d'usine pèche par une fermeté qui fait écho à la rigidité du châssis tubulaire. Loin d'être inconfortable, cet amortissement est assurément d'un genre sportif.

Etrangement, le roadster Super Duke R nous avait laissé le souvenir d'un travail plus onctueux dans son débattement, plus confortable au final. Sans possibilité de confronter les deux motos en direct pendant ce test, MNC ne pourrait en jurer avec certitude, mais le doute subsiste...

Verdict : Sport Tourisme, d'accord. Grand Tourisme, discutable !

Avec quelques petits ajustements (selle et tarage de suspensions moins fermes, pare-brise plus important), la Super Duke GT serait une moto routière très convenable. En l'état, elle séduira surtout les amateurs de sensations, à la recherche d'un instrument de plaisirs un peu moins exclusif qu'un roadster mais à peine moins performant.

Considérés sous cet angle, la protection et le confort perfectibles de la Super Duke GT ne poseront pas de réel problème. Cette cible, assez "hard core", apparaît cependant limitée : pas assez polyvalente et vraiment très sportive, la Super Duke GT ne sera jamais une moto de grande diffusion. KTM l'assume totalement et ne prévoit d'ailleurs que 2500 ventes dans le monde.

Pas question de fabriquer une moto dépourvue de notre ADN "Ready to Race", nous ont répondu ses concepteurs lorsque MNC leur a évoqué ce positionnement radical, potentiellement rédhibitoire pour une majorité de grands rouleurs.

Les concurrentes de la Super Duke GT

Enfin, avec ses forts débattements de suspensions (125 et 156 mm), la KTM chasse aussi sur le terrain des trails-routiers sportifs de type Ducati Multistrada 1200, Kawasaki Versys 1000 et BMW S1000XR.

Et vous savez quoi ? Cette attitude et ce parti pris "extrême" provoquent - chez MNC en tout cas - un grand sourire et une pointe d'admiration ! Qu'un acteur majeur comme KTM (premier constructeur européens de motos, devant BMW) suive cette voie sans concession, refusant de céder aux compromis susceptibles de plaire au plus grand nombre, c'est franchement rafraîchissant par les temps qui courent !

Au final, la 1290 Super Duke GT fait du bien au moral : c'est une moto pas raisonnable dans un monde qui l'est trop. En revanche, monsieur KTM, sans vouloir pinailler sur les terminologies, le suffixe "ST" aurait sans doute été plus indiqué que "GT", au regard de son tempérament moteur volcanique et son confort relatif.

.

Commentaires

Ajouter un commentaire

Identifiez-vous pour publier un commentaire.

.

 

CONDITIONS ET PARCOURS

  • Modèle avec 2172 km au départ
  • Options installées : valises rigides de 30 litres à 785,90 € + MSC (régulation électronique du frein moteur) à 143 € + HHC (aide au démarrage en côte) à 179 €
  • Parcours : 279 km
  • Routes : petites routes très sinueuses, un peu de ville et voies rapides autour de Palma de Majorque (Baléares)
  • Pneus : Pirelli Angel GT (Gran Turismo)
  • Météo : ensolleillée, de 10 à 18°C. Le top !
  • Conso moyenne : non mesurée (entre 6,5 et 8 litres selon l'ordinateur de bord)
  • Problèmes rencontrés : RAS

POINTS FORTS 1290 SUPER DUKE GT

  • Moteur phénoménal avec 1,3 l de sensations brutes !
  • Périphériques et partie cycle de haute volée
  • Dotation de série technologique et riche

POINTS FAIBLES 1290 SUPER DUKE GT

  • V2 bruyant, vibrant et peu souple
  • Confort de selle et d'amortissement ferme 
  • Bulle peu efficace et fastidieuse à manipuler