Essai K1600GT, GTL, Bagger, Grand America : la 4K du touring moto selon BMW

Après une cinquantaine de kilomètres en compagnie de la GTL, Moto-Net.Com prend les commandes de la K1600 Grand America. Comme son nom l’indique, la routière bavaroise a été retaillée pour convenir au marché nord-américain. Les deux motos sont d’ailleurs identiques mécaniquement, se ressemblent énormément et proposent pourtant deux ambiances bien distinctes...

Mêmes bloc moteur et transmission, mêmes équipements, même partie cycle... à la différence toutefois de la boucle arrière abaissée de 70 mm sur la "GA" afin de donner à cette moto allemande une ligne plus fuyante de custom US. Au final toutefois, l’assise du pilote se trouve toujours à 750 mm du sol.

Posé au fond de son petit fauteuil, le conducteur profite d’une excellente protection au niveau du haut du corps, surtout lorsque la bulle est - électriquement - élevée au maximum. MNC note en revanche l’apparition de petits courants d’air au niveau des chevilles, et pour cause : les Allemands ont fait sauter le bas des carénages qui intégraient deux petits vide-poches ! "Vasistas" ?

La raison de cette coupe est simple : pouvoir mettre les pieds en avant, "of course" ! Quelques confrères se plaignent que leurs tibias butent contre le carénage ? Ce n’est pas le cas du Journal moto du Net qui se cale bien au fond de la selle, ce qui ouvre les genoux et baisse la hauteur des tibias.

Si la disparition des petits espaces de rangements ne représente qu’une perte négligeable en termes de capacité d’emport (111,5 litres pour la Grand America, 113 pour la GTL), elle entraîne un changement radical en matière de pilotage : on roule naturellement plus détendu à son bord !

Seul regret à ce stade de la prise en gants - et en bottes surtout : l’absence de commandes déportées qui contraint à faire des aller-retours entre les platines avant et les repose-pieds d’origine, essentiellement du côté gauche pour jouer de la boîte de vitesses. On aimerait presque passer les vitesses à l’aide de gachettes au guidon. Presque.

Le pilote a moins besoin de replacer son pied droit au-dessus de la pédale de frein arrière, dans la mesure où l’étrier 2-pistons qui pince le simple disque de 320 mm à l’arrière est combiné aux deux étriers 4-pistons qui mordent la paire de disques de 320 mm à l’avant.

Une fois lancé sur une jolie petite route, ces considérations s’évanouissent. La position très "cool" - qui incite à conduire de manière plus coulée - et le "Kolossal" 6-cylindres limitent le recours à la boîte de vitesses. On profite "à fond" de la rondeur du moteur et on admire le paysage.

Comme sur la GTL, Moto-Net.Com passe le plus clair de son roulage avec la "GA" sur le mode de suspensions le plus confortable. On ne passe que très rarement - jamais, réflexion faite, durant notre nouvelle balade d’environ 50 km ! - sur le mode plus rigoureux.

Petite parenthèse à l’attention des motards qui hésiteraient entre la GTL et la "GA" et les essaieraient coup sur coup en concession : sur la première destinée en priorité aux Européens, les modes ESA sont nommés Road et Dynamic, tandis que sur la seconde qui vise avant tout les Américains, ils sont respectivement rebaptisés Cruise et... Road ! "What The Flûte ?"

Afin d’éblouir ses clients d’outre-Atlantique, la marque allemande avance que le nouvel éclairage Full LED de ses K1600 est le meilleur jamais monté sur une moto BMW. Monté de série sur les 4K 2022, le dispositif tient compte des virages et corrige l’orientation du faisceau jusqu’à 35° d’angle (Vs 24° précédemment).

En plus du roulis, les phares s’adaptent au tangage de leur paquebot sur deux roues : au freinage pour continuer d’éclairer efficacement la route et à l’accélération pour éviter d’aveugler les personnes qui arrivent en face, le système fait varier son inclinaison de plus ou moins 2°. De quoi faire pâlir le Daymaker des "bikers" de Milwaukee ?

Hélas, le Journal moto du Net n’a pas eu l’opportunité de tester ce "brillant" équipement. En revanche, nous pouvons attester de l’efficacité du klaxon, proche de celui d’un "big truck" et non d’une vulgaire camionnette. Les grosses BMW n’en imposent pas que physiquement : elles savent se faire respecter sur ce point parfois négligé par les constructeurs.

Respectée donc, "notre" moto se montre aussi relativement respectueuse des limitations de vitesse sur autoroute puisqu’elle est bridée à 162 km/h par son constructeur (167 km/h compteur atteints sur "autobahn" par MNC). Dépourvue de top-case, la Bagger a le droit d’atteindre une vitesse maxi de 200 km/h, réduite à 180 km/h lorsque les marche-pieds sont installés.

Au guidon de la Grand America - plus simple et brut d’aspect, plus droit et un peu plus en avant que sur la GTL -, le pilote ne risque pas les grands excès de vitesse. Il ne se fera donc pas confisquer son véhicule par notre Gendarmerie nationale ou passer les menottes par le shérif du comté. "Schön, ja" !

L’esprit à part de la la Grand America et de la Bagger est également véhiculé par leur coloris "Option 719 Midnight" : une peinture "Meteoric Dust II métallisée avec thème "Galaxy" appliqué selon un procédé d'impression par transfert d'eau". Une décoration résolument spéciale spatiale inspiré du classieux Concept 101 dévoilé en 2015. Si, si !

• MNC du 26 mai 2015 : BMW Concept 101, la possible K1600 façon Bagger

"Nous avons tenté de reproduire le carénage en bois du concept, en employant cette fameuse technique d’impression par transfert d’eau - allez voir sur YouTube comment cela se produit, c’est impressionnant ! -", relate à MNC le papa des K1600, Tony Decker. "Mais pour être franc, les résultats ne nous satisfaisaient pas. Nous avons donc donné carte blanche aux designers pour qu’ils trouvent d’autres sujets".

La décoration finalement retenue pour les K1600B et Grand America 2022 ravira sans doute les inconditionnels de Star Wars ou de Star Treck, très nombreux aux USA. Qu’en sera-t-il des quelques fans français de Valérian et la Cité des milles planètes ?... ou des militants de la candidate Valérie Pécresse et la cité karcherisée !

Pour coller au style "power cruiser", les valises des K1600 ont été abaissées... mais elles ne sont pas moins volumineuses pour autant, puisque la version Bagger dispose, d’après BMW, d’une contenance de 66 litres, soit deux de plus que la GT !

MNC note cependant que la Bagger n’est pas en mesure d’accueillir les casques intégraux de ses deux occupants. Pas ceux que portaient MNC et ses confrères en tout cas ! Gaffe donc en achetant la K1600B : pour une visite de musée ou un restau en amoureux, il faudra se coltiner son casque et celui de sa dulcinée. Ou trouver un endroit où les entreposer. Ou porter des jets...

La K1600 Grand America abrite deux intégraux dans son Top-case tandis que la GTL réalise le carton plein avec deux casques dans la malle arrière et un dans chaque valise latérale. Valises que partage la GT "tout court" : deux intégraux donc pour la K1600 préférée de MNC...

Le 6-cylindres dopé à l’Euro5

Avec sa selle bien plus haute et réglable d’origine (810 ou 830 mm), la K1600GT est bien mieux adaptée aux grands gabarits. Le Journal moto du Net ne saurait trop recommander aux pilotes aux longues jambes de placer directement leur selle en position haute : leurs genoux fatigueront bien moins vite, voire plus du tout.

Autre avantage dont tous les utilisateurs pourront profiter : la position de conduite est plus dominante, vis à vis de la circulation tout d’abord, ce qui est un gage de sécurité. D’autre part, le pilote domine aussi plus son sujet de prédilection, son train avant ! Cette fois, c’est la notion de plaisir qui en ressort grandie.

Avec des demi-guidons moins désaxés que sur la GTL, la GT se montre plus évidente à prendre en gants, plus intuitive pour attaquer. Un vrai plus pour les motards qui descendent d’un roadster ou d’un maxitrail... et ne se doutaient pas du véritable potentiel sportif de cette grosse routière. Car la GT marche roule fort ! BMW l’a chronométrée en 3,6 secondes au 0 à 100 km/h. "Schnell, schnell !"

Contrairement aux moteurs de cylindrées nettement inférieures, le moulin - à eau - des K1600 n’est absolument pas étouffé par le passage à Euro5, bien au contraire ! Si la puissance maxi ne grimpe pas d’un percheron (160 au total toujours), elle débarque 1000 (mille) tours plus tôt à 6750 tr/min.

Toujours placé à 5250 tr/min, la valeur du couple maxi croit de cinq Newton-mètres (180 Nm dorénavant). Plus important encore, l’ensemble de la courbe du moteur Euro5 surplombe celle de la version Euro4 : mieux remplie dès 3500 tr/min, elle est beaucoup plus solide entre 5000 et 6000 tr/min.

Aux commandes de "sa" K1600GT, Moto-Net.Com perçoit effectivement de plus franches poussées dès que les 3500 tr/min sont dépassés. Sont-elles vraiment plus costaudes qu’avant ? Impossible de juger, faute de comparaison directe avec l’ancien modèle. Ce qui est certain en revanche, c’est que de nombreux motards seront surpris de voir ce "Panzer" filer comme un "Messershmitt" !

Aux alentours de 5000 tr/min, le gros ronronnement du 6-cylindres se mute en un feulement rageur qui fait basculer la moto dans une autre dimension. Inattendue et fort sympathique de la part d’une "MotoGT", cette sonorité ronflante sied moins bien à la GTL ou aux versions américaines qui pourraient la mettre en sourdine, "nein" ?

Le moteur des nouvelles K1600 livre son maximum, jusqu’à 7000 tr/min environ. Inutile de s’éterniser trop haut dans les tours d’après MNC, encore moins d’aller chercher la zone rouge perchée à 8500 tr/min... ce qui reste très impressionnant - à voir sur le compte-tour digital - pour un moteur d’une cylindrée supérieure à de nombreuses automobiles actuelles !

Plus performante donc, les K1600 de 2022 se veulent aussi plus sécurisantes en intégrant de série le contrôle dynamique du frein moteur (MSR) qui doit sauver la - grosse - mise du propriétaire par mauvais temps. Cette assitance est passée inaperçue lors de notre roulage... sous un grand soleil c’est vrai, mais sur des routes fraîches et parfois froissées !

Autre dispositif monté à bord des quatre motos BMW et qui ne nous a heureusement pas plus servi : l’appel d'urgence intelligent eCall. Obligatoire sur les automobiles neuves depuis 2018, cette fonction est apparue pour la première fois en 2017 sur une moto... BMW, "natürlich".

Un autre dispositif manque étrangement à l’appel (huhuhu) sur les nouvelles "K-seize" : le régulateur de vitesse adaptatif pourtant déjà présent sur les R1250RT et R18 B ou Transcontinental. Pourquoi avoir privé les 4K de cette nouvelle norme de cruise-control... et de cet argument de vente supplémentaire ?

"Nous souhaitions faire évoluer les K1600, pas les retravailler profondément", nous répond sans tergiverser Herr Decker. "Intégrer les radars et le reste du système aurait nécessité de revoir complètement la face avant, l’ABS et son couplage avant-arrière, les suspensions et leur électronique".

Selon l’ingénieur allemand - qui a débuté sa carrière chez BMW Motorrad en tant que stagiaire sur la K100 et son ABS, travaillé sur la scooter à toit C1, etc. -, l’investissement aurait été trop lourd... "Surtout pour des K1600 qui sont toujours devant et n’ont donc pas de véhicule sur lequel caler leur vitesse", conclut notre interlocuteur avec malice.

Sur route, il faut reconnaître que la K1600GT permet d’imprimer un rythme impressionnant. À condition toutefois de sélectionner le mode Dynamic sur les suspensions électroniques qui lui assure de bien meilleurs appuis que le mode Road, à favoriser lorsqu’on enroule. C’est sur la GT qu’on apprécie le plus la différence de comportement entre les deux modes et que l’on "joue" le plus avec.

Meilleur pour attaquer, le mode Dynamic s’en sort également mieux lorsque le pilote ne souhaite pas trop rendre les gaz sur des portions de routes mal entretenues. Cela lui permet de ressentir plus précisément ce qui (se) passe sous ses roues. La même section abordée en mode Road ne tapera plus dans les poignets ou les fesses, mais contiendra considérablement moins les mouvements de la moto - qui pour mémoire pèse 343 kg tous pleins faits.

Catapultée avec une aisance ahurissante - il faut tenter de pousser la moto sur un faux plat pour réaliser à quel point le moteur est costaud !-, la K1600GT comme ses consœurs sont aussi facilement stoppées par le système de freinage, aussi dosable que puissant.

Indépendant du frein avant, le frein arrière apporte une touche de sportivité qui comblera les fins pilotes, ceux qui aiment refermer une courbe d’une simple lichette sur la pédale de droite. MNC note au passage que l’écartement des deux leviers sont possibles et faciles à régler via des vis... en plastoc ? La solution est légère et efficace certes, mais ne fait pas du tout premium !

Disponibles en concession en mars 2022, les K1600 sont pourtant proposées à des tarifs "premium". La moins chère des quatre, la K1600GT, s’affiche sur le site officiel BMW Motorrad "à partir de 27 440 euros". Mais attention, car ce modèle peut vite atteindre les 32 125 euros !

Pour ce prix, la GT se pare du coloris blanc "719" facturé 1930 euros et de la finition "Pro" à 2755 euros qui comprend les packs Confort (Shifter Pro, Keyless, alarme et verrouillage centralisé) et Touring (protection moteur, feux aditionnels et Audio 2.0), ainsi que l’éclairage au sol en cadeau bonus. Comptez même 34 000 euros si vous cochez dans le configurateur en ligne les jantes forgées et la selle marron...

La vedette du "MotoGT" dépasse alors largement les prix d’appel de ses frangines : comptez au minimum 27 490 euros pour acquérir une K1600B 2022 flambant neuve mais dépourvue de toute option - donc invendable à la sortie du prochain modèle de K... électrique ?! -, 29 640 euros pour la K1600GTL et 30 900 euros pour la K1600 Grand America.