Essai FZ8 2013 : du ressort pour le roadster Yamaha !

Moto-Net.Com : la FZ8 est-elle pour vous une satisfaction ou une déception quant à son volume de ventes ?
Eric de Seynes, PDG de Yamaha Motor France : C'est clairement une satisfaction ! La moto a répondu aux attentes que nous avions placées en elle. En termes de volume de ventes, elle s'est tout de suite installée pour concurrencer les best-sellers de la catégorie. Elle l'a fait en étant pleinement dans les gènes de Yamaha. On s'aperçoit que c'est une machine restée esthétiquement assez consensuelle : elle n'a donc exclu personne ! Notre ambition première, qui était de faire monter en gamme les possesseurs de FZ6, a fonctionné : les clients sont graduellement montés en gamme vers la FZ8, située à un tarif correspondant à leurs attentes. La déception est que par moments, la FZ8 n'était pas assez reconnue pour ses qualités. Même s'il est difficile de rester objectif sur ses propres produits, il nous a semblé qu'elle avait peut-être été pénalisée par ce design pas assez agressif. Il lui manquait peut-être des artifices pour impacter davantage. C'est pourquoi nous l'avons placée tout de suite en compétition, car là on ne triche pas ! Dans ce domaine, le palmarès de la FZ8 parle pour elle, en tous cas en ce qui concerne ses qualités propres. En résumé, nous sommes plutôt satisfaits du parcours commercial de la FZ8 jusqu'à maintenant. En termes d'image, nous sommes un petit peu déçus qu'elle n'ait pas toujours été reconnue à la justesse de ses qualités propres.

MNC : Quand on a été le vendeur de la FZ6, qui a trusté le top des hit-parades, et qu'on est compétiteur dans l'âme, n'est-on pas déçu de ne pas gagner avec le nouveau fer de lance de la gamme ?
E. d. S. : Oui, bien entendu, mais quand on a la chance d'être leader sur le marché, et que tous les ans tu es le leader avec un des produits de ta marque, tu ne peux pas être ingrat et entretenir des frustrations malsaines ! Je respecte complètement le succès des autres constructeurs, nous sommes sur un marché extrêmement concurrentiel et concurrencé sur lequel chacun se bat avec ses propres armes. Mais sincèrement, il n'y a pas de frustration. D'autant que le contexte n'est pas le même que lors de la sortie de la Fazer 600. Nous étions alors tout à fait novateurs avec un moteur issu de sportive dans une gamme de roadsters accessible. Aujourd'hui, l'offre est tout à fait couverte par les constructeurs ! On nous reproche de ne pas être assez innovants, mais il est de plus en plus compliqué d'innover, parce que tous les recoins du marché sont bien labourés. Il est devenu extrêmement difficile de sortir un nouveau modèle sur une terre vierge ! Fort heureusement, chez nos concurrents comme chez nous, une grande partie de nos clients sont loyaux et donc fidèles pour nos marques ! Il faut donc l'accepter : quand une marque ne vit que sur un ou deux produits, elle a une position très forte et très légitime sur ce créneau-là. Nous essayons d'apporter sur ce même créneau des modèles que nous considérons aboutis et compétitifs, à la fois en prix et en performances, et qui nourrissent notre culture, notre manière de voir la moto. Plutôt donc des motos de caractère, qui distillent de l'émotion et des performances de haut niveau, avec une fiabilité irréprochable et une qualité de finition qui soit au niveau. Sur ces plans, la FZ8 répond aux aspirations de Yamaha dans ce qu'on essaye de mettre dans une moto.

MNC : Vous avez évoqué la difficulté d'innover, ce qui nous amène à parler de votre futur 3-cylindres (lire MNC du 2 octobre 2012 : nouveau moteur 3-cylindres Yamaha inspiré du Cross Plane). Est-il envisagé comme complément ou comme remplaçant ?
E. d. S. : L'idée de fond est de considérer que nous, Yamaha, avons labouré et re-labouré le terrain du monocylindre, puis labouré et re-labouré le terrain du 4-cylindres, jusqu'à arriver au calage Cross Plane, spécificité propre à Yamaha. Nous avions donc envie d'apporter une autre forme de personnalité. La personnalité d'une machine repose sur son moteur, parfois en positif, parfois en négatif avec des moteurs incompréhensibles. Il nous paraît difficile de faire une bonne moto sur un moteur incompréhensible... Nous sommes convaincus qu'il faut d'abord faire un moteur compréhensible, et qu'à partir de là on peut décliner un certain nombre de modèles.

MNC : On est donc d'abord sur une idée de plaisir lié au moteur ?
E. d. S. : Tout à fait ! Chaque moteur est un moteur de passion, du moment qu'il répond à une partie cycle et à un concept de moto qui lui correspond. Il suffit de constater l'engouement qu'il y a encore sur du XT ou SRX 500 : c'est un moteur de passion ! Certains bicylindres ont été et sont encore vecteurs de passion, et peut-être que demain, il y aura une nouvelle architecture moteur qui redéveloppera ça ! Incontestablement, en se lançant dans le 3-cylindres, que nous avions expérimenté dans les années 70 avec la XS 750 puis 850 - deux innovations Yamaha, le 3-cylindres et le cardan - , nous intégrons que dans le contexte actuel, la performance pure et la vitesse de pointe ne sont plus critères décisifs. Le client recherchant ce plaisir de conduite dans des vitesses raisonnables, donc dans des valeurs de couple et de réponse moteur émotionnellement fortes, nous avons trouvé intéressant de revenir à cette architecture pour apporter une autre génération de motos, avec une autre physionomie. L'idée n'est donc pas de suppléer ou remplacer les 4-cylindres demain : la présentation de cette nouvelle FZ8 montre d'ailleurs que nous restons attachés à notre lignée de 4-cylindres roadsters et supersportives. Nous raisonnons sur le caractère propre de ce nouveau 3-cylindres pour laisser imaginer les variations que nous pourrions faire, qui seraient évidemment sur des territoires nouveaux et complémentaires par rapport à notre gamme actuelle de motos. La démarche Yamaha est vraiment de partir du coeur de la moto qui est le moteur, et en fonction de l'expression de ce coeur, laisser s'exprimer des concepts de moto qui lui correspondent. Pas question de faire rentrer à tout prix ce moteur dans une catégorie de modèles qui serait celui qui se vend, ou il faudrait à tout prix faire un roadster pour que ça marche ! Nous sommes beaucoup plus ouverts que cela, et j'espère surtout que nous serons beaucoup plus surprenants !

MNC : Côté scooters et déplacement urbain, on entend beaucoup parler de nouveau concepts à plus de deux roues. Qu'en dites-vous ?
E. d. S. : Tant que rien n'est révélé, on est dans le "peut-être" et nous avons beaucoup de "peut-être" en ce moment (rires). Ce qui est important, c'est que Yamaha soit vraiment dans une volonté de procurer du plaisir dans l'usage d'un deux-roues motorisé, même si ça doit être un scooter. C'est ce qu'on a suivi par exemple avec le T-Max, puis le X-Max : même s'ils répondent à des fonctions d'utilité, on ne s'en contente pas. Yamaha va continuer dans cette lignée sous des concepts effectivement très variés, aussi bien en nombre de cylindres qu'en nombre de roues. L'important est de rester dans la réponse à l'attente du client avec des modèles dont on comprend la valeur, qui donnent confiance quant à leur qualité et fiabilité, et qui procurent du plaisir à la conduite.