Racée et fleurant bon le ''vrai'' tout-terrain, la nouvelle Africa Twin concentrerait les qualités des trails de grosse et moyenne cylindrées. Compromis idéal ? Pour le savoir, MNC l'a étalonnée aux références du genre : R1200GS et Tiger 800 XCx. Comparo.
En selle, l'Africa Twin fait valoir une ergonomie plus typée tout-terrain (son guidon est le plus haut des trois, notamment), mais surtout une finesse remarquable entre les genoux. Si l'étroitesse à l'entrejambe de la R 1200 GS fait mouche à l'arrêt, son réservoir plus "ventru" écarte davantage les jambes une fois lancé.
Plus basse et compacte, la Tiger 800 XCX propose elle aussi une faible largeur entre les cuisses malgré son cylindre supplémentaire. Cela ne suffit cependant pas à égaler la sveltesse de la Honda, à cause de son châssis tubulaire en acier qui dépasse légèrement sous le réservoir, venant du même coup au contact des genoux.
Parfaitement dessinées, les échancrures de réservoir de l'Africa Twin procurent le meilleur accueil des membres inférieurs, en plus d'affiner sa ligne générale. Un peu moins large que celui de la BMW (870 mm contre 890 selon les mesures effectuées par MNC), le guidon de la Honda est plus proche du pilote grâce à son réservoir court. Il en résulte une sensation de contrôle direct du train avant supérieure à celle renvoyée par la GS.
Moins facile à saisir car plus étroit (840 mm) et plus bas, le guidon de la Triumph demande d'incliner très légèrement le buste. Ajoutée à ses cale-pieds fixés un poil plus haut, cette caractéristique confère à la Tiger 800 XCX une ergonomie globale moins confortable, presque typée roadster en comparaison avec l'Africa Twin et la R 1200 GS.
Sur celles-ci, le dos est parfaitement droit et les jambes détendues : le pilote est prêt à avaler des kilomètres sans compter, quelles que soient les conditions météo ! Et ça tombe bien : la pluie et le froid s'invitent sur le début de notre roulage, forçant les essayeurs du Journal moto du Net à emprunter l'autoroute pour trouver des cieux plus cléments...
Calé à 130 km/h en sixième (à environ 4500 tr/mn sur les bicylindres et 6000 tr/mn sur le "3-pattes"), chacun est alors parfaitement en mesure d'apprécier la protection et le confort des trois motos. L'occasion aussi de noter que le tachymètre de la Honda est du genre très optimiste puisqu'à 130 km/h compteur, notre GPS indique 120 km/h contre 125 pour la BMW et 127 pour la Triumph !
Dans ces conditions, la BMW fait immédiatement valoir ses qualités d'excellente moto routière, à commencer par la protection supérieure procurée par son pare-brise réglable. Equipée en option de poignées chauffantes et d'un régulateur de vitesse (cruise control en série sur la Triumph), l'allemande croise sur voie rapide dans un confort altier. Sa selle bien dessinée et moelleuse, la meilleure des trois, sublime ce tableau idyllique.
Non réglable et moins enveloppant, le pare-brise de la Honda assure pourtant une déflexion à peine inférieure à celle de l'allemande : seuls le haut du casque et le bout des épaules sont plus exposés. Bonne surprise également au niveau des genoux, un chouia mieux abrités derrière ses carénages. Concernant le bas des jambes, elle ne peut en revanche lutter contre le Deutsche Flat, véritable rempart "mécanique" contre les éléments !
De son côté, la Tiger 800 XCX pâtit d'une bulle - non réglable - trop courte, à peine suffisante pour abriter la moitié du casque d'un pilote d'1,75 m. C'est aussi à son guidon que les genoux et les tibias sont les plus exposés : un aspect vite fustigé par tous les essayeurs, surtout quand son ordinateur de bord ultra-complet et lisible (sauf l'heure, en caractère trop petits) mentionnait seulement 4°C dans l'air ! Brr...
La Triumph se rattrape avec sa selle confortable, sensiblement plus onctueuse que celle de la Honda. Hélas, le rembourrage anglais tend à se tasser au bout de plusieurs heures de route, affaiblissant d'autant le confort. Au final, l'assise de l'Africa Twin s'avère supérieure à celle la Tiger (mais inférieure à celle de la R 1200 GS) car son maintien reste constant, même après une journée entière de roulage.
Son confort général profite aussi de la souplesse en début de course de ses suspensions, particulièrement appréciable sur les pavés urbain et les petites routes cahoteuses. Moins sèche sur les petits chocs que la Triumph et la BMW - même avec l'ESA optionnel de la GS réglé sur "Soft" -, l'Africa Twin absorbe littéralement chaque irrégularité, comme posée sur un coussin d'air. Bluffant !
Le Boxer enfile ses gants !
Cette plongée rapide des suspensions Honda laissait craindre un comportement "cheval à bascule" sur les fortes contraintes, typique des motos à grand débattement : il n'en est rien ! Grâce à une fine gestion de l'hydraulique, l'amortissement de l'Africa Twin se durcit progressivement et surtout promptement, évitant ainsi les transferts de masse trop importants.
A peine moins performante dans ce domaine, la Tiger 800 XCX jouit elle aussi d'une cohésion d'amortissement remarquable et d'une excellente réactivité sur les chocs. Mais ses suspensions WP n'égalent pas le délicieux "ouaté" atteint par la Honda, dont on apprécie aussi la pratique mollette d'ajustement de précontrainte déportée à l'arrière.
En matière d'amortissement, la R 1200 GS offre un comportement très différent, essentiellement en raison de sa suspension avant cher à BMW : le Telelever. Grâce à cette cinématique spécifique, capable de dissocier les fonctions d'amortissement et de direction, la BMW est pratiquement exempte de transferts de masse au freinage.
Il en résulte un feeling particulier avec son train avant, mais surtout une efficacité redoutable une fois cette caractéristique assimilée ! Quand ses deux rivales "piquent du nez" en entrée de courbes, la "GS" conserve quasiment la même assiette, même en écrasant son levier droit. L'arrière n'est pas en reste grâce avec une transmission par cardan transparente, reliée à un mono-amortisseur impérial.
Outre une insensibilité sidérante au freinage sur l'angle, la R 1200 GS y gagne en précision directionnelle ainsi qu'en capacités d'improvisation. Cet atout engendre une rassurante sérénité, comme si rien ne pouvait prendre le train avant à défaut. Sur les routes glissantes parcourues pendant notre essai comparatif, cette qualité a fait une énorme différence, rendant la BMW difficile - voire impossible - à suivre...
Plusieurs autres facteurs expliquent ce constat : l'allemande est la meilleure freineuse - et de loin -, réunissant mordant et puissance avec une efficacité digne d'une moto sportive. Son cadre peu flexible - rigidifié par le moteur porteur - et son tarage de suspensions plus ferme favorisent aussi cette tenue de route irréprochable, au détriment du confort. La BMW vire d'un bloc, mais cette rigueur est à l'origine d'une relative sécheresse générale.
La R1200GS profite en outre d'un freinage couplé de l'avant vers l'arrière qui améliore ses ralentissements tout en contenant les transferts de masse. Dépourvue de ce système pourtant longtemps caractéristique des motos Honda (C-ABS), l'Africa Twin offre un freinage convaincant sur le plan de la puissance, mais moins mordant que celui de la GS.
Les plus énervés regretteront aussi son toucher de frein un peu mou à la prise de levier, caractéristique qui risque de s'amplifier en duo avec armes et bagages en l'absence de durits renforcées de type "aviation"... On se console avec sa stabilité royale, bien aidée par son empattement généreux.
Sur la Tiger 800 XCX, c'est un peu l'inverse : le levier droit est ferme - presque dur - sur son premier tiers, rendant le dosage délicat. Avec seulement deux pistons par étrier avant (quatre sur les autres), convoquer sa puissance demande aussi plus de poigne. Fort heureusement, la Triumph possède comme ses rivales un ABS réactif et peu intrusif, ainsi qu'un frein arrière puissant et facile à doser.
Enfin, dernier domaine sur lequel l'Africa Twin et la Tiger 800XCX ne peuvent lutter face à l'infernale R 1200 GS : le moteur. Plein comme un oeuf et incroyablement vif à prendre ses tours - presque nerveux -, le "Flotte-twin" ne fait qu'une bouchée du twin parallèle de la Honda et du 3-cylindres de la Triumph. Logique, compte tenu de sa cylindrée supérieure (370cc de plus que la Tiger !).
Quel que soit le rapport ou le régime affiché sur son tableau de bord - mêlant lisiblement analogique et numérique, avec des fonctions comme la pression des pneus ou la consommation instantanée et moyenne en option -, le Boxer prend l'ascendant. Sa suprématie est totale entre 2500 et 5000 tr/mn, où la GS bondit littéralement en avant dans un impressionnant - et un peu trop prononcé - vrombissement métallique !
En haut du compte-tours, l'écart stagne avec ses rivales... sur cette version d'essai encore bridée à 107 ch, faute de position officielle sur le rétrofit des motos aux normes Euro3 à ce jour. En version libre, la BMW profiterait de ses 18 ch supplémentaires pour prendre définitivement le large...
Derrière, l'Africa Twin a toutes les peines du monde à se défaire de la Tiger 800 XCX, malgré ses 198 cc supplémentaires. Le manque de coffre ressenti sous 4000 tr/mn lors de notre Premier essai en Afrique du Sud se vérifie ici cruellement : la Honda est tout simplement mise à l'amende par la Triumph de 3000 à 5000 tr/mn, soit les régimes usuels...
A partir de 6000 tr/mn et jusqu'à sa rupture brutale à 8000 tr/mn (10 000 tours pour la Tiger), le bicylindre japonais montre un visage plus sportif et reprend l'avantage : en la menant "à la cravache", il est donc possible de mater le "tigre" de 800 cc. Mais est-ce réellement le comportement attendu d'un gros trail de 1000 cc ? On peut légitimement en douter...
Pour autant, l'Africa Twin possède des qualités mécaniques très attirantes, à commencer par sa sourde sonorité aussi mélodieuse et entraînante que le profond râle du "3-pattes". Outre son agaçant sifflement en provenance de sa transmission primaire, le bloc Triumph pêche aussi par excès de linéarité : ses montées en régime sont efficaces mais peu sensationnelles : l'inverse de la Honda.!
Il ne manque au trois-cylindres anglais qu'un surcroît de peps à haut régime, car pour le reste aucune critique ne peut lui être adressée. Son élasticité est sans égale (il reprend en souplesse en 6ème à 50 km/h quand ses rivaux exigent la 4ème), sa boîte et son embrayage sont des modèles de douceur (à égalité avec la Honda) et son ride-by-wire possède la progressivité qui fait défaut à celui de la BMW, dont la sensibilité peut surprendre.
Certes un peu feignant à bas régime, le moteur de l'Africa Twin brille par son caractère enjoué - ce qui n'est pas si courant chez Honda. Précisément contrôlée par un bon vieux accélérateur "à câble", cette mécanique vivante et sobre (conso mini mesurée à 5,2 l/100 km contre 5,48 l pour la Tiger et 6,13 l pour la BMW) ne pêche que sur le plan des performances pures.
Verdict : Honda bouscule les références !
Avec son Africa Twin, Honda insuffle un réel vent de fraîcheur sur la catégorie des trails, replaçant au goût du jour certains fondamentaux oubliés comme la simplicité mécanique et visuelle, les capacités en tout-terrain et la - relative - légèreté. Relative, car avec ses 232 kg elle accuse un poids encore trop élevé, surtout pour une moto à transmission par chaîne dépourvue de béquille centrale.
Confrontée aux références des "maxi" et des "mid-size", la pertinence de ces choix apparait néanmoins de manière lumineuse : s'embarrasser d'une bulle réglable est inutile avec un pare-brise efficace d'origine, de même que des suspensions électroniques ne sont pas indispensables quand l'amortissement est bien étudié. Belle démonstration du "savoir-bien-faire" de la part du blason ailé !
En cela, l'Africa Twin frappe durement la R 1200 GS, empêtrée dans le cercle vicieux du "toujours-plus" : à force de lui réclamer plus de performances, de protection et de confort, l'allemande y a sacrifié une part de sa redoutable intuitivité. Et c'est de cet aspect dont la Honda profite pour briller !
A basse vitesse, la nouvelle Africa Twin se montre ainsi légèrement plus maniable que l'allemande, tandis que la Tiger 800 XCX souffre de son centre de gravité plus haut perché. L'abaissement des masses permis par la disposition des cylindres de la GS ne suffit pas face à une Honda géniale d'équilibre. Pour la première fois, la reine s'incline durant les manoeuvres de "gymkhana urbain" !
Plus souple à très bas régimes que le "Boxer" et doté d'une sélection nettement plus douce, le bicylindre de l'Africa Twin facilite grandement l'exercice, tout comme son diamètre de braquage ultra-court et ironiquement identique à celui de la R1200GS (4,5 m contre 5,18 m pour la Tiger).
Toutes ses qualités l'avantagent d'autant en tout-terrain, où la "Fille du désert" profite de ses grosses suspensions hyper bien calibrées pour survoler les obstacles. Très sec sur les chocs intenses et rapides (de type marche ou rocher), le Telelever de la BMW est nettement moins à son affaire dans les chemins...
La donne s'inverse toutefois dès que la vitesse augmente sur bitume, en raison de l'inertie créée par la roue de 21 pouces (19 sur la BMW). Lorsque la cadence devient sportive, la R1200GS virevolte sans demander d'efforts supplémentaires, à l'inverse de la Honda et de la Triumph qui paient la rançon de leur orientation tout-terrain.
En résumé, la BMW est plus efficace et confortable sur route, surtout lors de longs trajets où elle soutient la comparaison avec une vraie moto GT... à condition toutefois de "l'optionner" conformément à l'habituelle politique de la marque à l'hélice : à titre d'information, notre moto d'essai atteignait la bagatelle de 19 845 € (voir les conditions et parcours dans la colonne de droite)...
Mais sans aller jusqu'à ces sommets en termes d'équipements, la R 1200 GS conserve ses lauriers grâce à sa redoutable polyvalence et son efficacité pure. Des qualités obtenues via ses technologies originales (moteur Boxer, Telelever, Paralever, etc.), à l'origine aussi de son prix élevé. Car ces dispositifs non conventionnels sont évidemment plus coûteux que le basique berceau dédoublé de la Honda.
Par ailleurs, il manque à l'Africa Twin quelques qualités pour renverser le trône, notamment du punch sous 4000 tr/mn. Comparée à la seule R 1200 GS, cette timidité à bas régimes aurait été excusée, car justifiable par l'écart de cylindrée. Mais au regard de ses difficultés à s'imposer face à la Tiger 800, la donne est toute autre : d'où la pertinence d'opposer ces trois motos !
Par ailleurs, les lacunes en équipement de série participent aussi à priver l'Africa Twin d'une victoire pourtant à sa portée, tout comme la médiocrité de ses pneus d'origine. MNC regrettait le peu de retours d'informations de ses Dunlop Trailmax D610 sur le sec et par 35°C en Afrique du Sud, eh bien c'est encore pire sur le mouillé quand le mercure peine à atteindre 10°C !
Sa motricité sur du bitume froid et humide est franchement mauvaise, au point de solliciter son contrôle de traction réglé sur 3 (le plus intrusif) lors d'une grosse accélération... en sixième ! Aucun problème de cette sorte pour ses deux rivales, dont le contrôle de motricité ne s'est déclenché qu'à l'occasion d'excès de gaz sur les rapports inférieurs dans des virages "gras-mouillé"...
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS AFRICA TWIN | ||
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POINTS FAIBLES AFRICA TWIN | ||
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POINTS FORTS TIGER 800 XCX | ||
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POINTS FAIBLES TIGER 800 XCX | ||
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POINTS FORTS R 1200 GS | ||
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POINTS FAIBLES R 1200 GS | ||
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