Essai Brutale 800 RR 2018 : le roadster MV Agusta se Re-Radicalise

Sous ses airs de "streetfighter", la Brutale 800 RR réserve un accueil plutôt encourageant : la selle dure et haute (830 mm) est suffisamment fine devant pour que les pilotes d'environ 1,70 m posent les deux pieds à terre simultanément. Son poids très léger permet en outre de la manœuvrer facilement.

La position n'est pas extravagante : les mains ne sont pas trop écartées par le guidon plat et pas trop bas, tandis que les jambes - même celles des grands pilotes - ne sont pas trop pliées. Deux petites critiques négatives tout de même : le milieu des cuisses est un peu gêné par l'habillage du réservoir et les chevilles sont légèrement écartées par la platine commune aux repose-pieds pilote et passager.

On apprécie que les deux leviers soient réglables. Les petits gabarits en particulier peuvent rapprocher les commandes et ainsi parfaitement gérer l'embrayage - un peu dur, on l'a vu - et le frein avant parfaitement calibré - on le verra un peu plus tard !

Bon point pour les motards urbains : une commande de feux de détresse fait son apparition. Utile lorsqu'on remonte les files des voitures... ou lorsqu'on tombe en rade en rase campagne ? "Mamma mia, pas possible. Les italiennes sont des compagnes fiables aujourd'hui !", nous promettent les responsables de la marque (lire notre point technique en page 3).

Sous la selle conducteur, l'espace volontairement évidé ne peut naturellement rien renfermer. Bien que cela soit faisable, on voit mal le propriétaire y glisser son gilet jaune. Or ce dernier ne trouvera pas plus sa place sous la selle passager. De même, il faudra se coltiner l'indispensable antivol autrement...

Mais le plus embêtant en ce qui concerne la selle de la nouvelle MV Agusta, c'est son extrême minceur : au bout d'une trentaine de kilomètres seulement, le fessier commence à fatiguer ! La selle du précédent modèle, bien plus généreuse, assurait une meilleure assise et filtrait mieux les vibrations.

Les pulsations des "Tre Pistoni" sont plus sensibles à bord de la nouvelle Brutale 2018 : lors de fortes accélérations ou à allure stabilisée au-dessus de 110 km/h, la selle planche à ciabatta, le guidon et les repose-pieds distillent des grésillements.

Au bout de quelques kilomètres, les fesses anesthésiées par la dureté de la selle ne ressentent toutefois plus grand-chose. À condition d'être isolés dans de bonnes bottes, les pieds ne sont pas envahis de fourmis non plus. C'est dans les mains que les vibrations sont les plus gênantes : une température sous les 10°C et elles finissent par s'engourdir.

Au global, la Brutale 800 RR se révèle donc bien moins confortable que le précédent modèle. Mais plus vivante aussi ? Les amateurs de sensations - très - fortes et de motos sans compromis seront servis, c'est garanti sur facture ! En parlant de garantie, d'ailleurs...

"Nous sommes conscients que notre image nous porte actuellement préjudice", admet le grand - jeune et beau - patron de MV Agusta, Giovanni Castiglioni. Afin de (re) convaincre les clients, la marque garantit par exemple sa nouvelle moto trois ans.

D'autre part, MV Agusta joue la carte de la transparence en listant publiquement les principaux points de défaillance sur ses dernières machines : "embrayage de démarreur, capteur de quickshifter, actionneur de ride-by-wire, clignotants, valve à l'admission (sur les F3 seulement) sont les cinq principales causes de panne, et nous avons solutionné cela sur les modèles 2018", promettent les ingénieurs.

Plus "brutale" dans l'âme

Moto-Net.Com ne peut évidemment pas se prononcer sur les progrès annoncés, ni sur l'endurance de cette nouvelle Brutale 800 RR. Mais en mettant un peu plus de gaz lors de son retour vers l'usine de Varese, a pu vérifier que l'italienne était toujours aussi forte pour piquer des sprints !

La santé du "Tre Pistoni" est toujours aussi époustouflante, si ce n'est plus !? Passés les 6000 tr/min et jusqu'à 12 300 tr/min (où les 140 chevaux sont atteints), le moteur tracte férocement et rugit de manière bien plus gratifiante que lorsqu'il grogne de façon rocailleuse au ralenti.

MNC tire son casque à Brian Gillen et ses hommes, dont le travail a permis à la Brutale 800 de conserver toute sa force tout en respectant les draconiennes normes antipollution et antibruit Euro4. Le râle du moteur à chaque grosse ouverture de gaz est un vrai bonheur. Mais vos voisins aussi risquent de râler si vous démarrez votre moto sous leurs fenêtres, de bonne heure...

Même pour le pilote, les vociférations des pots peuvent s'avérer soûlantes à la longue. En ce sens donc, cette Brutale s'apparente à une "vraie" MV Agusta : son utilisateur en a plein les oreilles, en plus d'en avoir plein de popotin. Idéale pour les spéciales de rallye donc, mais abominable pour les liaisons !

Le freinage n'est pas difficile à valider : c'est sensiblement le même que sur le précédent modèle ! Pour rappel, la Brutale RR dispose de freins avant très mordants et extrêmement puissants, mais dans le même temps parfaitement dosables. Il est aussi jouissif de ralentir que d'accélérer, ce qui n'est pas peu dire !

Les motards qui ne seraient pas accoutumés à ce genre de freinage hyper efficace ne risquent heureusement pas de perdre subitement l'avant ou de faire un soleil sur un freinage d'urgence : l'ABS Bosch veille à ce que la roue arrière ne quitte pas le sol, et soulage un peu la pression dans les étriers avant au besoin.

Curieusement, MV Agusta - qui se targue pourtant d'être à la pointe de la technologie - n'a pas équipé sa "Double R" d'une centrale inertielle. Pas de gestion spécifique de l'ABS sur l'angle ou du contrôle de traction en sortie de courbe, donc... Mais la future Brutale 2019 équipée du nouveau 4-cylindres de 1000 cc ne pourra pas faire l'impasse, elle !

Le comportement de la Brutale RR 2018 met toutefois suffisamment en confiance pour garder des freins sur l'angle : la moto ne refuse pas l'obstacle et ne remue pas plus lorsqu'on doit modifier sa vitesse en plein virage. MNC note au passage que la pédale de frein arrière reste un peu dure, ce qui grève la précision. Dommage, car la puissance est bien là.

Sagement calé dans la roue arrière de l'ouvreur, Moto-Net.Com n'a malheureusement pas eu l'occasion de pousser véritablement la moto dans ses derniers retranchements. La nuit est tombée en plus d'être fraîche, et la circulation est un peu trop chargée pour maintenir un bon rythme...

Ce que le Journal moto du Net arrive à confirmer cependant, c'est le caractère moins conciliant de cette nouvelle Brutale RR : sa tenue de route paraît impeccable sur du bitume parfaitement plat, mais elle devient vite nerveuse lorsque le tarmac se fripe ou qu'un trou - une tranchée ! - barre sa route. L'amortisseur de direction n'est sans doute pas monté de série par hasard.

Ne pouvant vraiment attaquer donc, MNC joue avec les modes moteur : en "Rain", la Brutale devient effectivement nettement plus douce grâce à une poignée droite moins réactive et à une puissance maximale bridée à 70%, soit environ 100 chevaux (ça vous rappelle quelque chose ?).

C'est en "Sport" que le tempérament du moulin à eau est le plus trempé. Il n'est toutefois pas plus brutal que le réglage "Normal" : MNC est donc resté sur le mode sportif la majorité du roulage, afin de profiter de la réactivité maxi et du caractère entier du moteur.

Autre curiosité - pour ne pas dire déception - au sujet de cette Brutale 2018 : les paramètres et informations de l'ordinateur de bord se lisent sur un simple écran LCD noir et blanc qui paraît aujourd'hui dépassé... Autre mauvais point distribué par MNC : il n'inclut toujours pas de jauge à essence ! Enfin, si les vitesses et le rapport engagé sont toujours affichés en gros, il faut sortir une loupe pour lire l'heure.

La RR fait de drôles d'impasses

Gardons notre loupe, justement, pour inspecter la moto à son retour à l'usine de Varese : comme toujours chez MV Agusta, la peinture est magnifique et son épais vernis protège les logos et les marquages. Les rares pièces d'habillage sont bien agencées et le support de plaque déporté reste aussi ingénieux que discret.

Redessinés pour 2018, les feux sont très réussis. À l'avant, le cadre en LED du phare est habillement décoré d'une petite inscription MV Agusta. À l'arrière, la forme du feu stop est très originale et son éclat est remarquable... ce qui tombe bien, puisque c'est sa fonction.

Le Journal moto du Net doit féliciter la marque de Varese pour les progrès effectués en matière d'agencement des câbles et durits autour du moteur. Le cadre rouge (sur coloris blanc uniquement) est encore entrecoupé de rares sangles en caoutchouc noir, mais on ne s'en offusque plus, le reste étant très propre.

Autre atout charme de cette nouvelle MV Agusta : sa magnifique paire de jantes forgées à valves coudées ! Difficile de résister à la tentation... En frôlant du bout des doigts la roue arrière joliment usinée, Moto-Net.Com s'aperçoit en plus qu'elle est magnifiquement et très soigneusement polie. "Bella RRagazza"...

À l'issue de cette rapide prise de contact, Moto-Net.Com peut rassurer les traditionnels fans de la marque : la Brutale 800 RR 2018 remplit ses objectifs esthétiques et mécaniques. Côté électronique en revanche, si le moteur est parfaitement géré, le pilote pourrait être mieux renseigné via un écran plus grand et en couleurs.

Niveau partie cycle, le nouveau roadster semble un peu plus rigoureux que le précédent (top) modèle : les suspensions gagnent en efficacité ce qu'elles perdent en confort. Mais sur ce dernier point, le pilote perd bien plus à cause de la selle bien trop mince...

Le portefeuille du futur acquéreur devra au contraire être bien rempli puisque la Brutale 800 RR coûte cher, très cher : 15 970 euros en sortie d'usine où les Italiens vous accueillent à bras ouverts, ou 250 euros de plus pour une livraison chez votre concessionnaire.

Les responsables MV Agusta sont convaincus que les clients ne s'offusqueront pas du prix de la moto, au regard de ses performances et de sa dotation. Encore une fois, MNC valide le premier point, mais un peu moins le second...

"Sur dix Brutale vendues en France, neuf sont des RR pour une seule standard", nous indique le responsable de MV Agusta en France, Claudio Rizzotto. L'argent n'est donc pas un souci pour ceux qui en ont, et les records de ventes sans cesse battus par les marques "Premium" comme BMW ou Ducati le prouvent.

Finalement, pour MV Agusta - qui se veut "Super Premium" ! - et sa nouvelle Brutale 800 RR, les plus gros obstacles sont peut-être l'image de la marque, écornée par des années laborieuses, sans oublier un réseau de concessionnaires à reconstruire et à remotiver. Pour cela, les patrons ont leurs plans, à découvrir dans les grandes lignes et prochainement en détail : restez connectés !