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ESSAI
Paris, le 24 octobre 2014

Essai Aprilia Tuono V4R ABS 2014 : forte tête !

Essai Aprilia Tuono V4R ABS 2014 : forte tête !

Absente de notre comparatif maxi-roadsters 2014, l'Aprilia Tuono V4R ABS aurait pu tenir tête aux BMW S1000R, KTM Superduke R, Ducati Monster 1200 et Kawasaki Z1000. Surtout dans sa dernière version sensiblement bonifiée mais guère moins exclusive. Essai.

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Le moteur des sensations

L'âme d'un roadster sportif, c'est avant tout son moteur. De préférence expressif, il doit offrir une solide rasade de couple sur une large plage de régime et une grosse dose de puissance brute en haut du compte-tours. Comme sur le modèle précédent, ce cocktail explosif est servi sur un plateau par la Tuono V4R ABS 2014 !

Même en version française (soit amputé de quelque 64 de ses 170 ch disponibles en Full), le 4-cylindres en V n'a aucun mal à catapulter (c'est le terme le plus approprié !) les 185 kg à sec annoncés de l'Aprilia. Capable de reprendre sous 2000 tr/mn sur les trois premiers rapports, il offre une disponibilité dont ne peuvent se prévaloir le bicylindre de la Monster 1200 et surtout celui de la 1290 Superduke R.

Moins souple néanmoins à très bas régimes que le 4-cylindres en ligne de la S1000R et de la Z1000, le V4 italien s'exprime plus confortablement sitôt franchie la barre des 3000 tr/mn. Le volume de sa sonorité rauque - incroyablement profonde et ponctuée de pétarades à la décélération - monte alors d'un cran, atteignant un niveau dont il est difficile d'imaginer qu'il puisse recevoir un avis favorable aux normes antibruit... Quel barouf !

Avec la montée en régime, les légères vibrations ressenties sous les fesses gagnent en intensité et se répercutent jusqu'au guidon lorsque le compte-tours atteint 5500 tr/mn (soit 130 km/h en 6ème). Mais à ce stade, en réalité, le pilote se moque comme d'une guigne de ces quelques frémissements car ils sont noyés sous une avalanche de sensations provoquées par le bloc de la Tuono V4R ! Vibrant le V4 ? Peut-être... Vivant ? Assurément !

Comme dépourvue d'inertie, le 4-cylindres prend ses tours à une vitesse sidérante pour un moteur de cette cylindrée, engendrant des accélérations de plus en plus musclées jusqu'à 9000 tr/mn. Ensuite, bridage oblige, la poussée stagne et décroît : impossible dans ces conditions de mesurer l'impact réel des presque 3 chevaux supplémentaires annoncés par Aprilia...

En version française, mieux vaut passer avant 10 000 tr/mn le rapport suivant sans débrayer ni couper les gaz grâce au shifter. De cette manière, on retombe dans le "gras du couple" et la machine à baffes repart pour un tour ! L'opération est d'autant plus jouissive que le recours au shifter provoque une explosion due à la microcoupure d'allumage générée pour permettre la montée du rapport.

Le tout recouvert par la sonorité diabolique du V4, surtout lorsque les gaz d'échappement résonnent contre le bitume dans les courbes à droite : on jurerait qu'une MotoGP est en train de tenter l'intérieur ! D'un coup de ride-by-wire - précis mais sensible, surtout en optant pour la cartographie moteur "Track" -, les bras s'allongent, les yeux s'écarquillent et le coeur palpite : le moteur de la Tuono V4R égaie comme par magie le quotidien !

Châssis et électronique de MotoGP

En contrepartie, le V4 Aprilia est du genre glouton avec une consommation moyenne de 7,3 l/100 km relevée pendant cet essai, et des pointes à presque 9 litres... C'est beaucoup pour une moto moderne, aussi sensationnelle soit-elle. D'autre part, sa bande-son grisante devient assourdissante à vitesse constante sur voie rapide, où sa protection et son confort de selle spartiates se rappellent à notre mauvais souvenir...

Enfin, ce moteur copieusement rempli demande de l'expérience pour ne pas se faire déborder par ses déferlements de puissance. Dans "Streetfighter" il y a "fighter", soit "combattant" : soyez par conséquent prêts à relever les manches et à monter sur le ring pour lui dicter votre loi, même si l'électronique de pointe veille au grain avec une réactivité et une efficacité confondantes.

Améliorée en 2014 pour adoucir ses différentes entrées en action, l'APRC est un véritable ange gardien qui s'occupe notamment de réguler les cabrages et les pertes de motricité. Très sophistiqué et parfaitement au point, il permet d'agir sur l'antipatinage en roulant et sans couper les gaz, via des commandes "+ et -" installées sous le commodo gauche.

Cette fonctionnalité est bien utile sur circuit mais aussi sur route, puisqu'il est ainsi possible de faire varier son degré d'intervention en fonction de l'état de la chaussée, par exemple. Sur une route sèche et bien revêtue, l'excellente motricité offerte par le maousse bras oscillant et le Pirelli Diablo Rosso II de 190 mm de large permet pratiquement de se passer de ses services.

Dans ces conditions, le placer sur son deuxième ou troisième niveau (sur 8) suffit largement, d'autant que le châssis de course encaisse des contraintes phénoménales sans broncher. A l'approche d'une portion de route plus chiffonnée ou d'un virage resté humide, une pression du pouce gauche suffit pour renforcer à l'envie son action, sans quitter la route des yeux.

Dès le cinquième cran enclenché, son effet devient aussi perceptible qu'intrusif : grâce à des capteurs de type inclinomètres, l'électronique ajuste la puissance moteur et surtout la façon dont elle est délivrée en fonction de la prise d'angle. Plein angle avec le contrôle de traction à un niveau élevé, l'Aprilia accélère ainsi très progressivement et avec une relative lenteur, sa façon explosive et rapide de prendre ses tours étant bridée par l'électronique.

Toute cette débauche d'électronique serait bien entendu peu utile sur une moto dotée d'une partie cycle perfectible : ici ce n'est le cas, puisqu'il s'agit de la base châssis de la RSV4. Extrêmement facile à placer, la moto vire d'un bloc sans avoir à forcer et plonge en courbes comme rivée sur un rail. Entrée en virage debout sur les freins ou sortie un poil optimiste sur les gaz, l'Aprilia tolère tout... à condition de la piloter avec autorité et précision !

En cas d'hésitation, son cadre hyper rigide pensé pour le circuit va fatiguer, voire impressionner par ses réactions sèches. Même remarque concernant ses suspensions, dont le tarage sportif ne tolère pas plus l'approximation qu'il ne se montre conciliant sur les bosses.

A l'avant surtout, si la réactivité de la fourche sert la cause de la précision sur du billard, son manque de progressivité en début d'enfoncement incite à rendre la main sur un bitume bosselé... Heureusement, le freinage puissant et facilement dosage (y compris l'élément arrière) permet de ralentir ses ardeurs du bout des doigts, voire du bout d'un seul doigt tant les 4-pistons avant mordent virilement les disques de 320 mm !

L'intégration en série d'un ABS racing développé par Bosch n'en est que plus appréciable, d'autant que son action est elle aussi paramétrable (sur 3 niveaux) et même désactivable, donc a priori susceptible de convenir à tous les goûts.

Verdict : extrême limite !

Encore plus performante et sophistiquée, la Tuono V4R ABS 2014 est au sommet de son art et son V4 exceptionnel - car caractériel - y est pour beaucoup. A l'heure où certains font l'apologie des courbes linéaires pour favoriser la maîtrise de la puissance, Aprilia ne l'entend pas de cette oreille et préfère museler les excès de son tempétueux V4 par une électronique efficace, capable de se plier à la moindre demande.

Inutile de dire qu'à MNC, on apprécie la démarche, tant il nous paraît préférable d'ajuster ou même désactiver tout un "barda" électronique pour jouir d'une mécanique vivante plutôt que s'ennuyer à mourir sur une moto certes hyper rapide et ultra performante, mais mécaniquement policée à l'excès...

En définitive, l'Aprilia Tuono V4R hérite de toutes les qualités attendue d'une sportive déshabillée sur laquelle on a greffé un grand guidon : parfaite lecture de la route, stabilité à haute vitesse et rendement moteur. Autant de caractéristiques pénalisantes pour le permis de conduire...

Mais elle en possède aussi les défauts, à l'image de son (in)confort de selle, de ses aspects pratiques négligés et de son ergonomie radicale, donc fatigante. Dans ces conditions, s'il est certain qu'elle aurait très bien figuré lors de notre comparatif maxi-roadsters, il est beaucoup moins sûr qu'elle ait détrôné notre gagnante, la KTM 1290 Superduke R, nettement moins exclusive et plus confortable malgré son positionnement annoncé "bestial"...

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CONDITIONS ET PARCOURS

 
  • Modèle 106 ch avec 1880 km au départ
  • Options : selle confort avec inserts en gel (109 €)
  • Parcours : 450 km
  • Routes : un peu de ville, beaucoup de petites routes
  • Pneus : Pirelli Diablo Rosso II
  • Conso moyenne : 7,3 l/100km
  • Problèmes rencontrés : RAS
 
 
 

POINTS FORTS APRILIA TUONO V4R ABS

 
  • Moteur sensationnel, même bridé
  • Partie cycle précise et communicative
  • Pack électronique complet et ajustable "à sa main"
 
 
 

POINTS FAIBLES APRILIA TUONO V4R ABS

 
  • Aspect pratiques et confort sommaires
  • Consommation et volume sonore du V4
  • Mais qui a dessiné cette tête de fourche ?!