Déclarations et analyse du Superbike à Misano

Les épreuves du World Superbike se sont enchaînées tous les 15 jours ces deux derniers mois et la mainmise des pilotes officiels Kawasaki sur le championnat s'est confirmée : Jonathan Rea et Tom Sykes n'ont laissé échapper aucune victoire en huit courses !

Si certains observateurs peuvent critiquer le manque de suspense en termes de résultats finaux, les fans - les vrais ! - en redemandent, car chaque manche offre son lot de joies, surprises ou déceptions... Sur lesquelles Moto-Net.Com revient chaque lundi dans son analyse !

MNC note pour débuter que l'édition 2015 du "WSBK à Misano" se distingue des précédentes. En effet, sur les 22 épreuves organisées sur le circuit de la côte adriatique, 15 se sont conclues par des doublés : celui de Sykes en 2014 (pas d'épreuve en 2013), ceux de Biaggi en 2012 et 2010 et le doublé de Checa en 2011.

Les lecteurs de Moto-Net.Com - qui, comme chacun sait, ont un peu plus de mémoire vive que les autres - se souviennent qu'en 2009, Ben Spies était passé à côté d'une seconde victoire à cause d'un problème d'embrayage sur sa R1... Un certain Jonathan Rea en avait alors profité pour décrocher son premier succès en WSBK sur sa CBR1000RR !

Passé sur ZX-10R cette année - seulement ! -, "Johnny" aurait sans doute pu remporter les deux courses hier sur le tout nouveau tarmac du circuit de Misano. Rare pilote à utiliser le pneu avant dur pour ses courses, le n°65 a sélectionné pour la première manche italienne le pneu arrière dur "SC1".... Un p(n)eu trop dur !

Rea tape dans le dur

Si le choix du pneumatique avant est essentiellement fonction du ressenti du pilote - à en croire les spécialistes Pirelli qui ne commentent d'ailleurs que très rarement les différents choix des pilotes en la matière -, celui du pneu arrière est bien plus critique et dépend davantage du circuit, de son grip et de sa température.

En chaussant son pneu arrière dur, Jonathan Rea espérait finir en beauté sa course matinale et gratter tous ses adversaires venus à bout de leur pneu plus tendre... Si le leader du championnat a effectivement réussi à battre les pilotes Ducati et Aprilia (n°34, 7 et 91), il n'a jamais pu ramarrer la Kawasaki n°66...

Les conditions de course hier matin n'étaient pas si fraîches que ça et l'emploi du pneu dur n'était donc pas nécessaire, voire contreproductif. Les 32°C enregistrés juste avant le départ de la première course Superbike ont donné raison à Sykes, chaussé en pneu tendre "SC0" à l'instar de l'immense majorité du plateau.

Reconnaissant volontiers son erreur à la fin de la première course, Jonathan Rea avait convenu avec son équipe d'utiliser le pneu plus tendre en seconde manche. La température au sol montée à 40°C en début d'après-midi a naturellement confirmé sa stratégie.

Bien plus serein qu'en première manche, Rea a mis un peu de temps à doubler Sykes mais a parfaitement géré la seconde moitié de la course. Posté dans la roue de Davide durant six tours, l'impitoyable "JR" n'a eu aucun mal à se défaire de Davide dans les derniers tours.

Grâce à cette magistrale victoire, Jonathan répondait ainsi à la question que tout le monde se posait dimanche midi à l'issue de la première manche : "Rea aurait-il pu battre Sykes s'il avait choisi le même pneu arrière ?". La réponse est "Yes !"

Grâce à ses deux Ninjas britanniques, la firme d'Akashi poursuit donc son parcours sans faute depuis la deuxième manche à Aragon, lorsque Chaz Davies avait devancé d'un souffle Jonathan Rea. Pour rappel, "Chazie" avait inscrit la première et unique victoire de la Panigale à ce jour !

Battu une première fois cette année par Aprilia et Leon Haslam en Australie, Kawasaki reste donc à 10 points du score parfait, soit 390 points sur 400 au terme des huit premières épreuves. Objectif pour les Verts : 640 points sur 650 après la finale au Qatar...

Alors que Rea a agrandi ce week-end sa collection de premières et deuxièmes places obtenues cette saison (respectivement onze et cinq), Sykes a décroché sa troisième victoire mais n'a pas ajouté de podium supplémentaire à l'occasion de la seconde manche.

Cinquième de la deuxième course à Misano - c'est toujours mieux qu'une 8ème place obtenue en seconde course à Portimao à cause d'une crevaison lente... -, le champion du monde 2013 a donc laissé filer 14 points au général. Son retard sur son nouveau coéquipier grimpe à 133 points, soit plus de cinq victoires...

Maigre consolation pour "Super Sykes" : il est devenu samedi le seul pilote à remporter la Superpole malgré un passage par les repêchages (SP1). Tom en profite pour prendre la tête du concours Superpole organisé par Tissot : il totalise 152 points contre 140 pour Jonathan, 132 pour Haslam, 107 pour Davies, 83 pour Lowes... et 82 pour Giugliano !

Forfait lors des quatre première épreuves du WSBK 2015, Davide Giugliano pointe déjà à la sixième place du classement Superpole grâce à ses deux pole positions décrochées à Imola et Portimao, et ses deux troisièmes places assurées sur les grilles de Donington Park et Misano.

Giugliano sur les traces de Sykes ?

Plus remarquable de la part de l'italien : son nom est inscrit à la septième place du - véritable ! - classement général des pilotes. Onzième du provisoire en quittant Portimao il y a deux semaines, Davide a gagné quatre places chez lui à Misano... mais n'a pas encore gagné de course.

Comme son coéquipier Chaz Davies, le pilote Ducati n°34 a reproduit au strict identique ses bons résultats portugais : 4ème puis 2ème. Pour la seconde fois de l'année donc, Davide a marqué plus de points que Chazie. Le Gallois, qui a participé à deux fois plus de courses que l'italien, compte deux fois plus de points au championnat : 213 contre 106. Logique ?

À l'image de Sykes à ses débuts, Giugliano s'est montré à son arrivée en World Superbike extrêmement compétitif en Superpole mais trop bouillant en course. Aujourd'hui, le pilote d'usine - de Bologne - est capable de mener des courses : il a encore bouclé neuf tours devant tout le monde ce week-end. Et sans tomber ! Seuls ses détracteurs rappelleront ses deux chutes vendredi...

Pour gagner des courses demain - et un titre après-demain ? -, le champion 2011 de Superstock 1000 doit économiser ses pneus afin de repousser les attaques d'excellents "finisseurs" : Rea, Davies et Haslam notamment. Y parviendra-t-il à Laguna Seca, circuit qu'il considère comme son favori sur sa fiche descriptive du site officiel Ducati ? Mystère et boule de Pirelli...

Chaz Davies, pour sa part, veillera à ce que son équipe vérifie chacun des composants de sa moto avant de participer à l'épreuve de Superpole américaine : c'est à cause de la panne d'un bête capteur de boîte de vitesses que la n°7 a dû partir d'une lointaine 11ème place sur la grille italienne.

Cette mauvaise qualif' n'a toutefois pas empêché le grand copain de Casey Stoner - venu l'encourager à Misano, tout comme Andrea Dovizioso - d'éjecter Giugliano du podium de la première manche et le priver d'écrire une nouvelle grande page de l'histoire de Ducati en World Superbike.

Deux mois et demi après avoir offert à la 1199 Panigale R son premier succès en Superbike, Davies a eu le bonheur et l'honneur d'apporter à Ducati son 800ème podium dans la même catégorie ! Le pilote gallois entre un peu plus dans la légende Ducati...

Avant lui, Shane Byrne et Michel Fabrizio avaient assuré aux Rouges de Bologne leur 700ème podium en 2009 à Misano. Quatre ans auparavant sur le même circuit italien, notre Régis Laconi national avait signé le 600ème podium au guidon de la 999 officielle.

Saluons aussi les deux belles prestations du pilote d'essai Michele Pirro sur la troisième Ducati d'usine exceptionnellement engagée en Italie. La tâche n'était pas facile pour le n°55 - tiens, tiens, petit clin d'oeil à Régis, justement ?! - puisqu'il remplaçait à la "botte levée" Luca Scassa, blessé vendredi pendant les essais.

Biaggi meilleur que Bayliss ?

Un autre pilote invité a davantage fait parler de lui : Max Biaggi ! A l'occasion de son retour savamment orchestré par Aprilia (#MaxIsBack !), le double champion du monde de Superbike cherchait à battre un autre - triple - champion : Troy Bayliss, auteur lui aussi de deux piges en début de saison !

Une semaine avant son grand retour en compétition et près de 1000 jours après sa dernière course (!),Biaggi érigeait clairement Bayliss comme sa référence : "Troy a fait deux bonnes courses en Thaïlande mais le pilote en tête (Rea, NDLR !) est dans une toute autre catégorie".

"Le meilleur résultat de Troy a été une neuvième place si je me souviens bien, ce qui n’est pas mal en WorldSBK", évaluait le célébrissime n°3. "J’espère que je ne serai pas loin de ça", espérait-il humblement - et peut-être un peu faussement ?!

On est tenté de le croire, puisqu'à la fin de la première journée, Biaggi apparaissait en tête de la feuille des temps ! "Sa domination vendredi était compréhensible, même si elle était extraordinaire", estimait hier soir Romano Albesiano, directeur d'Aprilia Racing...

Contrairement à Troy Bayliss qui n'avait plus posé ses fesses sur une véritable moto de course, le bon vieux "Mad Max" a toujours gardé contact avec la compétition, Aprilia l'employant fréquemment pour développer ses machines de MotoGP et de Superbike.

Début juin, notre confrère de La Gazetta dello Sport, Paolo Gozzi, affirmait que Biaggi avait réussi à tourner en 1'35.8 sur la piste resurfacée de Misano. Soit le même chrono que Chaz Davies lors d'essais privés en avril dernier, et deux dixièmes de seconde moins vite que Tom Sykes en 2014.

"Mais aujourd'hui, Max a roulé au même niveau que les pilotes qui se battent pour le championnat du monde à chaque course et il l'a fait à un rythme de course fantastique", soulignait le big boss du programme sportif d'Aprilia...

Alors, Max Biaggi est-il meilleur que Troy Bayliss ? À moins de préparer une autre Ducati officielle pour l'australien à Sepang - ce serait une bonne idée pour doper à nouveau les audiences du championnat ! -, la question reste en suspens...

Ce dont on est sûr en revanche, c'est que l'italien - qui soufflera ses 11 moteurs 44 bougies vendredi prochain ! - n'a quasiment rien perdu de sa vélocité et gardé intact son impeccable style de pilotage.

Sixième des deux courses ce dimanche, Max Biaggi a même donné quelques leçons au rookie Jordi Torres, avec qui il s'est battu durant la deuxième moitié de la seconde manche ! Devançant finalement le "Spanish Elvis" sur la ligne d'arrivée, l'Empereur romain lui a piqué un petit point. Revanche à suivre à Sepang, que les deux anciens pilotes de Grand Prix connaissent par coeur !

Trois secondes avant le n°3 et le n°81, Leon Haslam franchissait la ligne d'arrivée en troisième position, juste devant Chaz Davies. Avec sa cinquième place obtenue en première manche, la "Pocket Rocket" conserve "Major Tom" en ligne de mire : 16 points séparent les deux pilotes anglais...

Les pilotes français : à la traîne en SBK, au top en SSP !

L'ancien pilote - et champion ! - Aprilia, Sylvain Guintoli, est encore loin des avant-postes : deux fois neuvième dimanche à Misano, il aurait pu être deux fois septième si les Rouges de Noale et de Bologne n'avaient pas aligné de troisième machine d'usine...

Mais plutôt que se morfondre sur son sort, sur les quelques points perdus à cause de Biaggi et Pirro, ou sur les 20 et 17 secondes qui le séparaient des vainqueurs à la fin des deux courses italiennes, notre cher "Guinters" retient qu'il a remporté ses propres batailles ce week-end.

Ses indéfectibles fans noteront en priorité que leur champion du monde Superbike adoré a devancé son coéquipier, le champion du monde Supersport et déjà très bon pilote de Superbike : Michael van den Mark. Certes, le n°60 de Honda Pata a été ralenti par un pépin technique en première manche. Mais en seconde, notre "Number One" l'a battu à la régulière !

Nulle trace en revanche du moindre point positif dans le bilan de notre deuxième représentant en World Superbike, Randy de Puniet : sa huitième épreuve en World Superbike a été troublée par des problèmes de frein avant, si importants que le n°14 Suzuki a effectué un arrêt aux stands en première manche... avant d'abandonner définitivement !

"Je pense que les pilotes ont tout dit : ce week-end a été difficile et nous avons lutté beaucoup ici, comme en 2014", concluait le team manager Paul Denning. "Alex a réussi à contourner le manque de performances en qualifications et a été très compétitif, mais faire de même sur 21 tours est impossible". L'anglais n'a marqué que quatre points en première manche et n'a pas pu terminer la seconde à cause d'un embrayage chauffé à blanc...

Pourtant, d'après le boss de l'équipe Suzuki Voltcom Crescent,"La moto fonctionne très bien en elle-même : le nouveau système ECU se comporte normalement, le contrôle de traction est bon, mais le grip en entrée de courbe, les sorties de courbes glissantes et la performance pure sont tout simplement inférieures à celles des meilleures machines concurrentes".

Troisième pilote français inscrit en World Superbike cette année - chez Kawasaki Grillini, puis Kawasaki Pedercini -, Christophe Ponsson n'a pas réussi à entrer dans les points et son compteur reste bloqué à 7 (26ème).

En bien meilleure posture au classement provisoire du championnat du monde Supersport, Jules Cluzel a divisé par deux son retard sur le leader Kenan Sofuoglu. Aidé de son coéquipier Lorenzo Zanetti, notre "Coq Supersportif" a fait craquer le pilote turc !

Poussé à bout - jusqu'à la chute ! - par les deux pilotes officiels MV Agusta, le triple champion du monde n'a inscrit que quatre petits points dimanche et totalise désormais 155 points, contre 135 pour le "double" vainqueur "Julo" : vainqueur des deux dernières courses SSP à Portimao et à Misano... mais aussi de celle disputée en tout début d'année à Phillip Island !

Kenan n'est toutefois pas reparti d'Italie complètement dépité : samedi, son poulain en Superstock 600, Toprak Razgatliogliu, a remporté son premier titre. Invaincu à son arrivée à Misano, le n°54 - forcément ! - s'est contenté de la troisième place en Italie pour coiffer la couronne.

Le nouveau champion turc - au nom difficilement prononçable pour nous, mais qu'il faudra bien retenir tant le gamin a l'air talentueux ! - reçoit naturellement les félicitations du responsable de la compétition chez Pirelli Moto, Giorgio Barbier...

"Je serais négligent si je ne félicitais pas Toprak Razgatlioglu pour son titre en Superstock 600. C'est un jeune homme plein de promesses, en pleine ascension", observe le patron italien. "Je crois qu'il sera en mesure de continuer ainsi à condition qu'il soit correctement pris en charge et suivi".

Le pilote de 18 ans semble justement sur la bonne piste : son team a décidé de l'inscrire en Superstock 1000 dès les deux dernières courses de la saison programmées à Jerez et Magny-Cours ! Les cadors de la discipline, Savadori, Tamburini et De Rosa, n'ont qu'à bien se tenir...

Réservée aux pilotes de Superbike, la prochaine épreuve du WSBK se tiendra à Laguna Seca (Etats-Unis) le 19 juillet - pour rappel, le rendez-vous de Moscou a été annulé. Rendez-vous dans un mois donc pour suivre sur MNC la neuvième épreuve du championnat du monde Superbike 2015 : restez connectés !