Déclarations et analyse du Superbike à Laguna Seca

Jeudi dernier, Sylvain Guintoli avait le couteau entre les dents : "Laguna est notre dernière course avant la trêve estivale", signalait le n°50 Aprilia. "Comme au Portugal, nous devons attaquer et prendre des risques pour maintenir le championnat ouvert"... Plus facile à dire qu'à faire !

Lors de sa dernière sortie à Portimao, Sylvain avait éliminé bien malgré lui, son coéquipier Melandri. Aussi, quand "Guinters" s'est à nouveau retrouvé dans la roue arrière de son coéquipier lors de la première manche à Laguna Seca, le garçon a bien pris soin de ne commettre aucune bourde.

À plusieurs reprises, notamment dans le onzième et dernier virage du petit - mais costaud ! - tracé californien, Sylvain a fait mine de se décaler au freinage mais n'a jamais déclenché d'attaque, de peur d'écraser le Hérisson de Ravenne placé juste devant lui.

Ce faisant, notre vigilant compatriote a permis à l'Italien de prendre la mesure de son RSV4 dimanche midi, de prendre ses marques sur le circuit inondé de soleil - pas de pluie comme à Portimao ! -, et de prendre... la poudre d'escampette passée la mi-course, remportant ainsi la 16ème victoire de sa carrière en World Superbike, soit autant que Falappa, Hodgson et Toseland, per favore !

Parallèlement toutefois, Guintoli parvenait à maintenir à distance son grand rival au championnat - Tom Sykes, who else ?! - et terminait cette première manche sur la deuxième marche du podium, assurant au passage à son employeur un troisième doublé cette saison (contre six pour le duo Sykes et Baz de Kawasaki).

En arrivant la semaine dernière aux États-Unis, Mister Guintoli déclarait également : "je suis impatient d'y être parce que l'an dernier j'avais signé le record de la piste en Superpole, mais j'avais ensuite perdu ma concentration, frustré que j'étais par les multiples drapeaux rouges".

Et un, et deux, et trois départs !

Les lecteurs de Moto-Net.Com - qui, comme chacun sait, ont un peu plus de chance que les autres - savent que ces "p*tains de drapeaux rouges" ont de nouveau contrarié les plans de notre meilleur représentant en vitesse moto. Saperlipopette !

Avant eux, Tom Sykes avait déjà entamé le capital confiance de Sylvain en descendant froidement le record du Français à Laguna Seca lors de la Superpole de samedi. Dimanche, la seconde manche de l'épreuve américaine 2014 a été interrompue à deux reprises et réduite à sept tours seulement.

Or ce sprint n'a pas échappé à "Super Sykes" qui, avant d'être le champion du monde de Superbike et collectionneur de victoires (22 à ce jour) que l'on sait, était réputé pour ses incroyables facultés à claquer une pendule en qualif' puis à effectuer des débuts de course tonitruant... et dévastateur pour son pneu arrière !

Incapable de soutenir le rythme du Ninja anglais, Sylvain Guintoli a du se contenter d'une nouvelle deuxième place, sa cinquième de la saison. Au total, le pilote Aprilia a marqué 40 points ce week-end, soit un point de moins que Sykes, désormais à 44 longueurs du Frenchie au classement général.

Si un commentaire accompagnait les notes attribuées lors de chaque épreuve de World Superbike, Sylvain pourrait sans doute lire sur son bulletin un désagréable - l'auteur de ses lignes sait de quoi il parle - "Peut mieux faire". Après tout, son voisin de box Marco a obtenu un meilleur résultat en première course avec le même matériel !

Lors de cette même première manche, Tom Sykes a reçu directement de la part de sa ZX-10R un "avertissement conduite pilotage" dès son premier passage dans Corkscrew ! Entré beaucoup trop fort dans le "pif" du "tire-bouchon" américain, Sykes a bien failli se répandre dans le "paf"...

Sykes, un point c'est tout

Sans le chercher, le "Number One" du World Superbike a (photo !)copié la sortie de piste du célèbre n°93 lors du dernier Grand Prix disputé en Californie (Laguna Seca n'est plus au programme du MotoGP). Le jury ne lui en tiendra pas rigueur, dans la mesure où Marquez s'était lui même inspiré de "l'inimitable" n°46.

Trop généreux sur la poignée de gaz ou pas assez brutal avec le levier de frein ? Trop obsédé par sa tentative d'échappée ou pas assez concentré en ce début de course "d'avance gagnée" ? Quel qu'en soit la raison, Sykes est passé tout près de la chute et d'un probable zéro pointé.

On imagine mal - calé dans le fond de son canapé, une tasse de tisane à la main, décalage horaire avec la cote ouest des États-Unis oblige - la violente décharge d'adrénaline qu'a du subir Tom en traversant cette portion de terre dans Corkscrew, un enchainement déjà diablement impressionnant à négocier sur le bitume !

Le Ninja anglais est miraculeusement resté sur ses appuis, mais a immédiatement été doublé par ces deux principaux adversaires Melandri puis Guintoli... Si ces deux petites doses d'épinéphrine supplémentaires n'ont pas désorienté le champion du monde, elles ont sans doute participé à l'absence de baston aux avant-postes en début de course.

Par la suite, c'est le manque de traction en sortie de courbe de son train arrière qui a empêché "Major Tom" de décrocher mieux que la troisième place de la première course américaine. Il récolte néanmoins 16 gros points, à additionner avec les 25 obtenus en seconde manche, les meilleurs réglages de sa ZX-10R lui permettant de s'imposer, sans changer toutefois de type de pneumatique.

"Pendant les courses, avec les pneus arrières tendres (des SC0, NDLR) disponibles à quiconque sur le marché, le rythme de course était extrêmement élevé, se félicitait justement ce matin Giorgio Barbier, directeur de la compétition chez Pirelli Moto.

Pirelli est fier de ses petits

"Nous pouvons donc véritablement nous estimer satisfaits de la performance de nos pneus standards, tant en termes de grip que de longévité"... Auteur du meilleur temps en course ce dimanche en 1' 23,403, Davide Giugliano et sa Ducati n°34 chaussée de Pirelli rendaient moins de deux secondes à Marquez, sa RCV et ses Bridgestone. Mamma mia !

Samedi, c'est la Kawasaki n°1 qui avait réussi à tirer le meilleur des gommes extra-tendres de qualification : "Tom Sykes a abasourdi tout le monde en améliorant de près d'une seconde le record de la piste que Guintoli avait instauré en septembre l'année dernière", insistait le big boss italien.

Le nouveau record WSBK autour de Laguna Seca est de 1' 21,811... À titre de comparaison, celui des MotoGP (record absolu signé par Lorenzo en 2012) est de 1' 20,554 : l'an prochain, les nouvelles machines de Superbike seront-elles plus ou moins proches des prototypes de Grand Prix ? Mystère et boules de gomme... italienne, bien évidemment.

Extrêmement efficaces donc, les pneus Pirelli ne supportent pas tous les excès de confiance, ne pardonnent pas tous les excès de zèle, et sanctionnent parfois sévèrement les erreurs de pilotage. Moto-Net.Com observe d'ailleurs que les chutes ont été nombreuses en course ce dimanche !

La série a débuté en première manche avec Chaz Davies, victime d'un "highside" dès le deuxième tour. Pas particulièrement ample ni impressionnant, l'éjection a cependant été suffisamment sèche et forte pour sonner sévèrement le pilote gallois.

L'officiel Ducati n°7 aurait aimé participer à la seconde manche pour "transformer" ses très bons essais de samedi (3ème sur la grille), mais l'équipe médicale le lui a interdit, par précaution. Tous les espoirs de l'usine de Bologne reposait donc sur les épaules de Davide Giugliano (4ème sur la grille, héritier de la 3ème donc)....

Chutes dans les "montagnes russes" de Californie

Quatrième de la première course, le n°34 italien n'a pas échoué au pied du podium en seconde manche, mais au beau milieu de la descente du Corkscrew suite à un "lowside" ! Costaud - et surtout chanceux de ne pas s'être fait percuté... -, Davide a pu libérer la piste rapidement, regagnant les stands en compagnie de Marco.

Melandri a lui aussi mordu la poussière, tombant - tout seul comme un grand - dans le dernier virage, celui-là même où Guintoli avait précautionneusement ménagé son coéquipier en première manche. Vite remis en selle, Melandri a épargné à ses petits camarades le supplice d'un troisième départ... pour une même manche !

Car la seconde manche avait déjà été stoppée par deux fois ! La première interruption avait eu lieu dans le 10ème tour, suite à la chute d'Alex Lowes dans le délicat enchainement du "tire-bouchon". Le pilote n°22 Suzuki avait d'ailleurs bien failli embarquer la Kawasaki n°76 avec lui...

"Très dur week-end", conclue justement Loris Baz sur sa page Facebook, "un circuit plutôt sympa (sur lequel avait été dévoilé il y a 30 ans la toute première Ninja GPZ900R, NDLR !) mais je ne me suis jamais senti à l'aise sur la moto, nous nous sommes perdu dans les réglages vendredi et nous avons trouvé la bonne direction trop tard après la première manche qui était la pire de ma vie".

"Je sauve quelques points au championnat malgré tout, et je suis plus motivé que jamais pour les quatre dernières courses". Soit 200 points à décrocher au maximum pour les meilleurs pilotes du championnat, dont fait incontestablement parti notre Bazooka national !

Troisième du championnat en débarquant aux États-Unis, Loris repart du nouveau continent en quatrième position, doublé par Jonathan Rea : le pilote Honda totalise 261 points, "notre" pilote Kawasaki 253. Ils se trouvent donc respectivement à 64 et 72 longueurs du leader.

La seconde interruption de la seconde manche, on la doit à Sylvain Barrier.... ou à Chris Iddon plutôt, puisque "Syl'20" n'est en aucun cas responsable de sa chute dimanche après-midi, alors qu'il se battait vaillamment pour la première place de la catégorie Evo...

Pas le pied pour Barrier...

"Sylvain n'a certainement pas perdu le contrôle de sa moto", tient logiquement à préciser son entourage ! "Il a malheureusement été percuté par un pilote à la sortie du dernier virage, ce qui n'est pas du tout la même chose...."

"D'après l'équipe médicale présente sur place, il aurait une entorse de la cheville et une légère fracture au talon", nous apprennent ses proches. Un bien moindre mal au regard de sa chute et des longues minutes passées à même le tarmac, avant d'être placé dans une civière et évacué de la piste dans une ambulance.

Après ses accidents de Superbike en Australie et de la route en France, le pauvre Sylvain a vérifié l'adage "jamais deux sans trois" ce week-end aux États-Unis. "Il rentre ce soir en France et passera demain (mercredi) des examens complémentaires à Lyon", nous avertit notre interlocuteur.

Le double champion de Superstock 1000 ne pourra donc vraisemblablement pas participer aux essais officiels programmés les 21 et 22 juillet prochains sur le circuit de Portimao. Mais il sera de retour en pleine forme le 7 septembre à Jerez, pour la dixième épreuve - sa troisième... - de la saison WSBK 2014 !

Born and rewarded in the USA

Enfin, Moto-Net.Com tient à féliciter "Monsieur" Erik Buell : sa marque est la première d'origine américaine à inscrire un point (deux en fait !) dans toute l'Histoire du championnat du monde Superbike. Un belle récompense pour EBR qui dispute sa toute première saison au plus haut niveau...

Pour la petite histoire, c'est le pilote "wild card" Larry Pegram qui a débloqué le compteur de la firme d'East Troy. Inscrit en AMA Superbike sur sa 1190 RX, le pilote américain de 41 ans - vieux motard que j'aimais ! - a surclassé ses collègues May et Yates.

Dans leur compte-rendu, les Américains ne cachent pas le fait que leur meilleur pilote a profité de l'absence des Bimota dans le classement définitif, transformant sa 16ème place en une 14ème plus satisfaisante et encourageante.

"J'espère que nous pourrons continuer à progresser ainsi lors des quatre dernières épreuves", déclarait Geoff May dimanche soir, "et que nous pourrons participer à notre première Superpole"... Un rêve - américain - qui n'a rien d'inaccessible : samedi dernier sur "sa" piste californienne, le n°99 était passé à 14 millièmes de secondes de la SP1...