Comparatif Superbike 2018 : Aprilia RSV4 RF Vs BMW S1000RR Vs Ducati Panigale V4 S

Premier constat en prenant en mains gants les trois motos de ce nouveau comparo Superbike : la BMW est effectivement la moins légère de la bande. Cependant, l'écart de 13 kg qui sépare la S1000RR et la Panigale V4 S d'après les fiches techniques des constructeurs (voir en page 4) semble exagéré...

Les poids qui apparaissent sur les cartes grises de "nos" véhicules d'essai paraissent plus vraisemblables : 200 kg pour la Ducati (contre 195 annoncés) et 208 kg (toujours) pour la BMW. Pile entre les deux, l'Aprilia se manoeuvre sans aucune difficulté... Ces sportives pèchent juste par leurs grands rayons de braquage. Rien de surprenant jusqu'ici.

La position radicale de l'Aprilia ne surprend pas davantage : poignets en appui, fesses posées sur une selle dure et inclinée vers l'avant, culminant à 845 mm... Les petits pilotes peinent à poser les deux bottes de chaque côté ! Les grands se félicitent au contraire de cette hauteur car leurs jambes sont moins pliées que sur les motos concurrentes. Qui l'eut cru ?

Grâce à son V4 ultracompact et à son réservoir bien évasé, la RSV4 offre une excellente prise au niveau des cuisses. Ce n'est pas le cas de la BMW dont le 4-en-ligne écarte copieusement les jambes. La S1000RR se rattrape avec la selle la moins haute et légèrement rembourrée, un guidon moins bas... Pour un peu, on la qualifierait de routière sportive ! À l'image des anciennes GSX-R.

Enfin, la Panigale V4 propose l'ergonomie la plus éprouvante : selle dure et relativement haute associée, repose-pieds hauts et reculés. Elle plie copieusement les jambes ! Comme sur l'Aprilia, le V4 - un peu plus gros - offre à la Ducati une taille "Vespa". Les cuisses longent un carénage parfaitement plat : bien vu pour le coup !

Les demi-guidons de la Rouge de Bologne se trouvent un peu plus loin en avant, et écartent surtout plus les mains du pilote : 50 cm sur la Ducati, 47 sur l'Aprilia, 46 sur la BMW. Lu comme ça, cela peut paraitre peu. Mais guidons en main, la différence est sensible ! Chez MNC, on préfère donc la BMW. Mais ce n'est que ce comparo ne fait que commencer...

En démarrant les moteurs, la Ducati prend clairement l'ascendant, en termes de décibels ! Le Desmosedici Stradale possède, de très loin, la sonorité la plus ronflante, la plus troublante... et la plus gonflante aussi, car il est impossible de passer inaperçu en sa compagnie. À une exception près.

En effet, le V4 de Bologne met la sourdine dans des conditions bien précises : lorsqu'on parade - en ville - sur le 3ème rapport, entre 49 et 54 km/h compteur ! Alors et seulement alors, le niveau sonore de la nouvelle Panigale se montre exceptionnellement acceptable.

Le calage du vilebrequin "Twin Pulse" à 70° (comme sur le proto de Grand Prix) confère au V4 Ducati ouvert à 90° une mélodie plus saccadée que celle du V4 Aprilia ouvert à 65° (et calé à 180°). Les bruits mécaniques sont également plus présents sur la Panigale : à la limite de l'inquiétant, attention !

Moins bruyante au ralenti, l'Aprilia gronde presqu'aussi fort que sa compatriote lorsqu'on pivote la poignée droite. Particulièrement plaisante et enivrante, la sonorité de la RSV4 n'est pas trop fatigante : avec elle, les bouchons d'oreilles ne sont pas obligatoires.

Quand on arrive en ville...

À côté des deux volubiles italiennes, l'allemande parait drôlement discrète ! Il se dégage du 4-en-ligne une impression de force tranquille : son ronronnement régulier au ralenti peut se transformer en feulement rauque, mais uniquement dans la seconde moitié du compte-tours... Telle une japonaise, effacée mais toujours prête à attaquer !

Au tout début de notre roulage cependant, la S1000RR joue les divas transalpines : impossible de sélectionner un trip partiel pour le mettre à zéro avant de partir ! L'ordinateur de bord serait-il en rade ? Dès la première intersection, panne de clignotant. MNC s'aperçoit alors que l'ensemble du commodo gauche ne répond plus...

Retour illico presto chez BMW France où le mécanicien est surpris de nous revoir, cinq minutes seulement après nous avoir confié sa machine ! Courte manipulation du branchement électrique et tout rentre en ordre : le klaxon fonctionne, ainsi que toutes les autres commandes.

"Ca m'étonnait aussi", nous confie le mécano aux doigts de fée, "je l'avais vérifiée hier soir et tout marchait parfaitement. Ça doit être à cause du coup de propre de ce matin, avec le karcher", conclut-il placidement... Note pour plus tard : y aller mollo sur la pression du jet d'eau au prochain nettoyage de moto !

C'est donc à bord d'une BMW complètement fonctionnelle que MNC redémarre ce comparatif Superbike. Le 4-en-ligne est agréablement doux et hyper rond : tourner au ralenti sur n'importe quel rapport ne lui pose aucun souci, et les reprises s'effectuent sans la moindre secousse.

Sur les italiennes, la mécanique est moins conciliante. Il faut maintenir le "petit" V4 de l'Aprilia au-delà des 2500 tr/min pour ne pas le contrarier. Il est toutefois possible de trotter dans les petits villages "en" 4ème vitesse, à 50 km/h.

Le "gros" V4 Ducati exige de tomber la 3ème et demande 500 tours de plus. Il doit par ailleurs être réglé en mode "Street" (le plus doux) afin de ne pas trop cogner. Dans les deux modes plus sportifs, la Panigale a tendance à réagir de manière un peu trop excessive aux petites rotations du poignet droit.

De plus, en raison de son 1er rapport particulièrement long - comparé à la BMW surtout - et d'un point d'accroche d'embrayage très sec, la Ducati requiert du doigté pour faire patiner et ne pas caler au feu, en centre-ville, devant la terrasse d'un café bondé. C'te honte !

Sur route - à double sens sans séparateur central -, la RSV4 trotte à 80 km/h juste en dessous de 3250 tr/min en sixième. Dans les mêmes conditions, le compte-tours de la BMW indique 3250 tr/min, celui de la Panigale V4, 3500. Sur le périphérique donc (70 km/h), la Ducati peine à rester sur le dernier rapport...

Plus rugueux, moins docile, le moteur de la Ducati est en revanche associé au meilleur quickshifter de la bande : une fois la Panigale lancée, monter et descendre les vitesses est un véritable jeu d'enfant ! À chaque rétrogradage, le "Desmo" grimpe rapidement et bruyamment dans les tours : un bon point sur route et sur circuit...

Le "shift assistant pro" de la BMW serait au niveau du Ducati si son toucher était meilleur : la sensation de verrouillage des rapports n'est pas aussi claire que sur la Panigale. Les coups de gaz automatiquement donnés par la S1000RR pour rétrograder sont moins vifs que sur la Panigale V4 : un bon point en ville ! On apprécie d'ailleurs de ne pas trop recourir au levier gauche, dur à la longue.

Allumez le feu !

Le "quick shift et down shift" de l'Aprilia se révèle moins rapide et moins doux que ses rivaux, surtout à froid. Il est également inopérant sous 3000 tr/min : dommage pour les motards qui utilisent leur sportive au quotidien (levez la main pour voir ? Ah quand même !).

Au cours des premiers kilomètres, parcourus dans une circulation dense et lente, le Journal Moto du Net s'aperçoit que la S1000RR marquent d'autres points. Elle parait tout d'abord plus agile entre 30 et 50 km/h. Est-ce en raison de son angle de châsse inférieur ou d'un amortisseur de direction moins figé ? Ou un peu des deux ?

Ce qui est certain pour Moto-Net.Com, c'est que la posture du pilote sur la BMW facilite grandement son maniement : le dos est droit et peu cambré, le poids du buste ne repose pas trop sur les poignets, les bras sont donc plus libres de leur mouvement... Le train avant parait plus léger, CQFD.

Rayés du cahier des charges des motos sportives depuis plusieurs années déjà, les aspects pratiques font à nouveau briller la S1000RR : la bavaroise est la seule à pouvoir embarquer un bloque-disque ou un gilet jaune (obligatoire en France !) sous la selle passager.

Sur la RSV4, on regrette l'absence de warning permettant d'être mieux distingué dans le flot - ininterrompu ! - de voitures et camions stoppés sur le périphérique parisien. Faute d'avertisseur visuel, on peut toujours placer quelques petits coups de gaz pour se faire remarquer dans la circulation...

De son côté, la Panigale V4 cumule deux grosses lacunes au quotidien. D'importantes vibrations dans les rétros empêchent de repérer si un Tmax ou une R1200RT remonte à toute berzingue vers soi, ou bien si un PCX ou une 125 Duke s'approche tranquillement. Second grief : l'horripilante béquille latérale, impossible à déployer avec une botte de piste !

Autre désagrément que partagent nos trois montures cette fois : la chaleur qui se dégage de leurs moulins à eau, difficilement supportable en ville dès que la température extérieure avoisine les 25°. La Ducati est particulièrement éprouvante avec son collecteur arrière torsadé qui grille le haut des jambes et les fesses.

Mais l'Aprilia n'est pas plus accommodante : elle exige de longues jambes pour se poster tout en haut de la selle à l'arrêt, afin de s'éloigner momentanément du moteur et du cadre bouillants. La BMW quant à elle, demande une bonne souplesse au niveau des hanches pour décoller ses cuisses du réservoir et faire circuler un peu d'air... Allez hop, direction l'autoroute !

L'A4 qui doit nous mener rapidement jusqu'au Circuit des Écuyers à Beuvardes (02) est d'abord limitée à 90 km/h... En tête de cortège, le pilote de la docile S1000RR se cale à "95 compteur" grâce au régulateur, imité par le collègue sur l'Aprilia (pas de "Cruise control" sur la Ducati). Mais la tranquillité est de courte durée sur la BMW.

Dès 4000 tr/min en effet, soit juste en-dessous de 100 km/h en 6ème, le 4-pattes allemand balance de désagréables grésillements dans le guidon. De rares motards y verront un excellent repère "tactile" évitant de rouler trop vite sur route ouverte... La majorité pestera contre ce point faible qui pénalise une BMW jusqu'ici très civilisée.

Je t'aime, moi non plus

Plus haut dans les tours, les vibrations de la S1000RR atteignent les pieds et les fesses. Ces zones sensibles sont toutefois épargnées lorsqu'on respecte les vitesses maxi sur voie rapide. Sur l'Aprilia, des vibrations apparaissent dans les leviers lorsqu'on peut - enfin - galoper à 140 km/h, mais elles sont supportables en plaçant les doigts autour du guidon qui tremble bien moins que celui de la BMW.

La Ducati pour sa part, ménage très bien les mains et le fessier. Des pulsations sont détectées au niveau des repose-pieds mais ne sont pas handicapantes. Bien moins en tout cas que le barouf du pot, la dureté de la selle, l'appui sur les poignets, ou la protection partielle...

Le buste du Ducatiste est correctement déventé par la haute bulle de la Panigale V4, et sa tête peut être isolée des turbulences en se couchant sur le large réservoir. Les bras en revanche n'ont jamais de répit ! Les bulles moins hautes mais plus larges de la RSV4 et de la S1000RR protègent mieux sur le côté, moins vers le haut... Logique.

En sortant de l'autoroute, MNC se dirige vers une station-service afin de faire les pleins d'essence. La Ducati est sur la réserve depuis quelques kilomètres : paradoxalement, le moteur le plus gros et le plus puissant est pourvu du plus petit réservoir ! Seulement 16 litres pour abreuver 214 chevaux.

Sur l'ensemble de notre roulage sur route, aux vitesses légales (si, si !) la Panigale V4 S s'est montrée la plus vorace : 6,6 l/100km en moyenne, soit une autonomie d'à peine plus 240 km. À l'opposé, la S1000RR est capable de franchir 300 km d'une seule traite grâce à sa consommation raisonnable (5,8 l/100km) et ses 17,5 litres de contenance.

Un peu moins gourmande que sa compatriote (6,3l/100km), la RSV4 RF profite de son grand réservoir (18,5 litres, le plus grand du comparo) pour abattre quasiment autant de bornes que l'allemande : 290 km environ, malgré une consommation un demi litre supérieure.

MNC regagne le circuit par les petites routes, sur lesquelles la BMW reprend naturellement la tête... au sens propre du terme, plus au sens figuré ! Installé plus à plat sur sa moto et profitant de suspensions qui ménagent un brin de confort en mode intermédiaire (Sport), le Béhèmiste trace plus vite que le compère juché sur l'Aprilia préalablement réglée tape-cul pour la piste.

En sélectionnant le mode Rain, le pilote de la S1000RR profite d'un amortissement encore meilleur, mais doit composer avec des accélérations sérieusement policées dans les bas et mi régimes, comparables à celles d'un roadster 800 cc. Attention toutefois : en insistant sur l'accélérateur, le 4-pattes reprend de la vigueur !

Bien que secoué par ses suspensions d'origine suédoises, le pilote de la RSV4 RF contrôle remarquablement bien sa machine en enserrant fortement le réservoir : incisive, l'Aprilia fond d'un virage à l'autre d'un simple coup de hanche ! Inutile de jouer les gros bras.

La Ducati exige au contraire de bonnes paires de biceps et triceps : le large guidon tressaute à la moindre imperfection sur la route ! À l'arrière, l'amortisseur travaille relativement bien, à condition d'enclencher le mode de conduite Street, plus confortable que le mode Sport... ou le mode Race réservé à la piste. On y arrive, justement.