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ESSAI
Paris, le 1er juillet 2008

Le juste prix !

Le juste prix !

Présentée à Munich en 2004, la Mulhacén 659 représente l'aboutissement d'une démarche osée de la part d'une marque jusque-là cantonnée aux petites cylindrées. Victime d'un tarif trop élevé à sa sortie, elle s'affiche désormais à 4490 €. Banco ? Essai.

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Lancée sur le marché français en mai 2006 à 7500 euros (lire Moto-Net.Com du 31 mai 2006), la Derbi Mulhacén a jusqu'à présent réalisé des ventes pour le moins confidentielles : sur les 200 modèles disponibles en France, l'importateur en compte encore "une quinzaine" dans son garage, malgré d'importantes baisses de tarifs (lire Moto-Net.Com du 7 mars 2008) liées à l'évolution des normes antipollution (la Mulhacén 659 répond aux normes Euro2).

Essai de la Derbi 659 Mulhacén

Plusieurs éléments laissaient pourtant penser que la Mulhacén (du nom du plus haut sommet - 3 482 m - de la péninsule ibérique) était promise à un meilleur avenir :

Outre un savant mélange entre Scrambler et Roadster, la petite espagnole propose un équipement de qualité et la motorisation monocylindre des Yamaha 660 XT R/X (lire notre encadré "Technique"), réputée pour sa fiabilité et sa bonne volonté.

Côté technique

Développée autour du monocylindre à simple arbre à cames en tête 4-temps à quatre soupapes Yamaha, la 659 Mulhacén reprend toutes les caractéristiques de ce moteur à refroidissement liquide archi éprouvé que l'on retrouve sur la gamme XT et sur la MT-03 du constructeur aux trois diapasons : l'alésage de 100 mm couplé à une course de 84 mm portent la cylindrée à 659,7cc développant 47 ch. Le couple de 5.95 mkg est disponible plus tôt que sur le moteur originel, grâce à un travail sur l'injection électronique Nippondenso et sur l'ensemble boîte à air / échappement.

Côté châssis, Derbi a choisi un élément tubulaire en acier de section fine "pour assurer rigidité et stabilité" et le magnifique bras oscillant (monopièce) en aluminium, couplé à une imposante fourche inversée Marzocchi d'un diamètre de 43 mm (120 mm de débattement) et au mono-amortisseur latéral Sachs, se chargent - plutôt bien - d'assurer la liaison au sol.

Le freinage est assuré à l'avant par un impressionnant dispositif Brembo comprenant maître-cylindre et étriers quatre pistons à fixation radiale qui pincent un disque "Wave" de 320 mm, tandis que l'arrière utilise le même type de matériel (un seul piston) et un disque "Wave" de 245 mm. Enfin, le poids contenu (162 kg à sec, soit 15 de moins qu'une XTX) allié à la faible largeur des pneus mixtes Pirelli Skorpion (110 à l'avant / 150 à l'arrière) et à l'empattement mesuré de l'engin (1 386 mm) lui offrent une agilité diabolique !

Son design est lui aussi indéniablement réussi : la firme Derbi, créée en 1927 - et rattachée au groupe Piaggio depuis 2001 - explique d'ailleurs que c'est l'accueil du public face au prototype présenté à l'Intermot de 2004 qui les a convaincus d'investir le marché des moyennes cylindrées : "il ne s'agissait au départ que d'un projet, un pari, un exercice de design qui a obtenu le troisième prix de la Catégorie Open décerné par la Motorcycle Design Association (MDA). Au cours des douze mois suivants, les membres de Derbi ont travaillé d'arrache-pied pour effectuer les retouches nécessaires au concept initial et le matérialiser en moto. L'idée était de proposer un retour vers la moto du passé sur la base d'éléments technologiques modernes"...

Mélange des genres

Imaginée et dessinée par Klaus Nennewitz (un fan de Dirt Track), la 659 Mulhacén s'inspire de ces machines de courses sur terre : on retrouve ainsi un large guidon à cintre plat, les roues à rayons de 18" montées en pneus mixtes Pirelli Skorpion, une hauteur de selle raisonnable (83 cm) et un énorme échappement latéral qui n'est pas sans rappeler la XR 750 de Scott Parker dont s'est récemment inspiré Harley - Davidson pour sa XR 1200 (lire l'essai Moto-Net.Com du 11 avril 2008) !

Pour autant, Derbi ne s'est pas contenté de capitaliser sur la mode du vintage : si le look dépouillé et trapu de la Mulhacén donne effectivement des envies de "grande évasion", ses équipements modernes tranchent radicalement avec la Triumph qui permettait à Steve McQueen de s'envoler vers la frontière suisse dans le film de John Sturges tourné en 1963 !

Essai de la Derbi 659 Mulhacén

De fait, la première grosse cylindrée du constructeur de Barcelone s'appuie sur un redoutable dispositif de freinage "full radial" estampillé Brembo (aussi efficace à l'avant qu'à l'arrière) ainsi que sur une imposante fourche inversée de 43 mm et un bras oscillant de belle facture pour s'assurer des prestations routières de premier ordre.

Les lignes pures et effilées de la partie arrière se marient bien avec les deux feux arrière à diodes et le capot de selle d'origine. Celui-ci peut aisément se remplacer par une selle pour un éventuel passager, mais les repose-pieds haut perchés et le faible espace dévolu à l'assise auront tôt fait de décourager les plus téméraires !

Moto coup de coeur tournée exclusivement vers le plaisir de conduite, la Mulhacén se déguste en égoïste et fait l'impasse sur les aspects pratiques : l'espace de rangement brille par son absence et si le tableau de bord est ultra moderne, pratique (une pichenette sur le commodo gauche permet de faire défiler les infos et de régler l'intensité lumineuse) et lisible, il fait l'impasse sur une jauge à essence qui serait pourtant la bienvenue avec un réservoir de seulement 12 litres et une consommation moyenne de plus de 6 litres aux 100 km. D'autant qu'avec une telle autonomie (140 km environ avant que le voyant de réserve ne s'allume), le remplissage malaisé du réservoir devient vite un sacerdoce !

Essai de la Derbi 659 Mulhacén

La finition est soignée, même si l'enchevêtrement de fils derrière le (petit) saut de vent jure un peu, tout comme le côté "usine à gaz" du monocylindre sur le flanc droit et le reniflard du réservoir d'huile - installé dans le cadre - situé juste sous le regard du pilote. Le coloris unique blanc et rouge sied à merveille à la Derbi et le mélange des arêtes vives des écopes latérales grises, du traitement anodisé or de la fourche inversé et du chrome de l'imposant pot d'échappement distillent même une petite touche chic.

Pleine de bonne volonté !

Englué dans les embouteillages parisiens, la prise en mains de la Mulhacén se révèle évidente : la position de conduite n'a rien d'inconfortable grâce à un guidon qui maintient le buste droit et à des échancrures dans le réservoir qui permettent de bien placer ses cuisses. Celles-ci souffriront toutefois d'être un peu trop repliées pour les utilisateurs de plus d'1,75 m, une douleur au diapason de celle ressentie au postérieur après quelques dizaines de kilomètres seulement ! Le rembourrage de l'assise n'a visiblement pas figuré en tête du cahier des charges du constructeur !

Essai de la Derbi 659 Mulhacén

Au chapitre des détails fâcheux, le rayon de braquage limité (merci la fourche inversée !), les rétros (efficaces) à la même hauteur que ceux des automobiles et le moteur qui hoquette à bas régimes ne facilitent pas non plus les déambulations urbaines. Compliquant encore les choses, l'étagement de la boîte à cinq rapports est discutable en agglomération : à 50 km/h, le moulin tourne à 2800 tr/min en troisième et à 4800 tr/min en seconde. Soit pas assez vite dans le premier cas (on se surprend régulièrement à dépasser les limitations légales pour atteindre le seuil d'utilisation optimal du mono) et légèrement trop dans le second...

Pourtant, le monocylindre quatre-temps s'affiche comme un allié précieux dans la découverte de la machine : rond et bien rempli de 3000 à 6000 tr/min (la coupure d'allumage intervient à 7250 tr/min), le propulseur Yamaha emmène les 162 kg à sec de l'ensemble avec bonhomie ! Le conducteur devra cependant composer avec les spécificités d'une motorisation qui a eu son heure de gloire à la fin des années 70 : vibrant légèrement, le mono pilonne généreusement en dessous de 2500 tr/min et envoie couple et puissance sur 3000 tours seulement : passé 6000 tours, mieux vaut changer de rapport !

Essai de la Derbi 659 Mulhacén

L'occasion d'utiliser une boîte à l'agrément indéniable... lorsqu'on monte les vitesses ! Le verrouillage au rétrogradage est parfois approximatif, ternissant légèrement le plaisir de conduite. Les autres commandes se montrent douces et efficaces, même si le mordant du frein avant pourra surprendre en cas de manque d'expérience, de freinage sur le mouillé ou, pourquoi pas, en TT !

Car le concept de la machine comprend aussi de - légères - prédispositions à des escapades off road : la Mulhacén joue la carte de la machine polyvalente, aussi à l'aise en ville qu'à la campagne ! Pour autant, tenter le Trèfle Lozérien au guidon de la Derbi relèverait de la gageure : certes, une fois sorti des sentiers battus, les jantes de 18" et le profil cranté des pneus apportent une agilité et un grip satisfaisants, mais le faible débattement des éléments de suspensions (120 mm) et l'absence de sabot de protection moteur n'incitent pas à la gaudriole !

Essai de la Derbi 659 Mulhacén

Vive les petites routes !

C'est finalement sur le réseau secondaire que la 659 Mulhacén fait le plein étalage de ses qualités dynamiques : la moto s'y inscrit avec bonne volonté et on peut profiter pleinement des relances jouissives de son monocylindre ! Celui-ci démontre alors tout le bien fondé de cette motorisation légèrement tombée en désuétude, permettant de garder le même rapport sur de nombreux kilomètres tant que la vitesse de croisière est comprise entre 80 et 120 km/h.

Essai de la Derbi 659 Mulhacén

Bluffante de rigueur sur l'angle (une fois passée l'appréhension des pneus à crampons !), la petite espagnole met à profit son cadre tubulaire et son accastillage de qualité pour assurer rigueur et stabilité, quelle que soit la vitesse ! L'occasion de saluer la bonne santé du mono qui emmène son équipage à un optimiste 175 km/h compteur : celui-ci triche en effet de 10 km/h jusqu'à 130 km/h et d'environ 15 km/h au delà : la solution idéale pour ne pas se faire "radariser" ?

Le puissant freinage (un doigt suffit la plupart du temps !) permet de soigner ses entrées en virages de manière à arriver sur le bon rapport, et surtout la main figée sur la poignée d'accélérateur : le moteur possédant un fort couple à bas et mi régimes, la moindre hésitation où réaccélération balbutiante en courbe a tôt fait de vous faire dévier de la trajectoire. Vive sur les changements d'angles, la moto réclame cependant du doigté lors d'arsouilles dans des enfilades menées tambour battant : l'avant (non réglable) peut alors jouer les filles de l'air - notamment sur de grosses réaccélérations - et le monoamortisseur latéral Sachs monté sur biellette finit par perdre de sa rigueur...

Essai de la Derbi 659 Mulhacén

A ce prix là, pourquoi s'en priver ?

Attachante, ludique et performante, la Mulhacén joue la carte de la moto que l'on achète avant tout pour son esthétique ! Mais réduire la Derbi à une beauté artificielle serait une erreur : la machine possède des capacités dynamiques enthousiasmantes, à peine entachées par des aspects pratiques inexistants et un confort très perfectible.

Le monocylindre participe pour beaucoup à l'agrément de conduite et même si la puissance modeste (47 ch) peut prêter à sourire, le couple disponible très tôt et le caractère du moulin entre 3000 et 6000 tr/min valent largement le déplacement !

Placée face à des Yamaha MT-03 ou autres Scrambler Triumph, l'espagnole peut désormais avancer un argument de poids à l'heure du choix final : à 4490 euros, la 659 Mulhacén se place en alternative plus qu'intéressante pour un jeune conducteur qui souhaite se démarquer du flot de Bandit et autres ER-6, d'autant qu'elle est disponible en version 34 ch. Enfin, la possibilité d'aller s'essayer à quelques glisses en off road est aussi un atout non négligeable !

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POINTS FORTS

  • Elégance générale
  • Equipement
  • Moteur punchy et sympa
  • Modèle peu répandu
  • Prix

POINTS FAIBLES

  • Selle inconfortable
  • Manque d'aspects pratiques
  • Faible autonomie
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