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CONTRÔLE TECHNIQUE MOTO
Paris, le 10 janvier 2008

Qu'en pensent les principaux acteurs du monde de la moto ?

Qu'en pensent les principaux acteurs du monde de la moto ?

Pour les principaux acteurs du monde de la moto, il n'y a pas d'urgence à instaurer un contrôle technique moto, même si Honda paraît un peu plus motivé que les autres au sein de la CSIAM. Pour ou contre le contrôle technique moto ? Interviews.

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Les lecteurs de Moto-Net.Com - qui comme chacun sait ont un peu plus de chance que les autres - savent que le contrôle technique moto est sérieusement à l'ordre du jour en France depuis plusieurs mois, suite notamment aux recommandations du Conseil économique et social (lire Moto-Net.Com du 13 juin 2007).

Ils savent également que "Honda milite pour que le contrôle technique deux-roues soit vite appliqué en France", car "un parc bien entretenu sera gage d'un meilleur respect de l'environnement", comme l'expliquait Florent Lionnet lors d'un tchat en direct avec les lecteurs de Moto-Net.Com (lire Moto-Net.Com du 26 octobre 2007).

Ils savent aussi depuis aujourd'hui que l'instauration du contrôle technique sera proposée - et vraisemblablement adoptée - lors du prochain Comité interministériel de sécurité routière par la déléguée Cécile Petit (lire Moto-Net.Com du 10 janvier 2008).

Mais alors que le député UMP du Vaucluse Thierry Mariani (également connu pour son amendement en faveur des tests ADN dans le cadre des regroupements familiaux) a déposé à l'Assemblé nationale, le 5 décembre 2007, la proposition de loi n°475 visant à "rendre obligatoire un contrôle technique pour les cyclomoteurs, motocyclettes et dérivés", qu'en pensent les principaux acteurs du monde de la moto ?

Les constructeurs et importateurs vont-ils parvenir à dégager une position commune au sein de la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle (CSIAM) ? Leur avis sera-t-il pris en compte par le gouvernement ?

Moto-Net.Com fait le point - et remercie au passage tous les interlocuteurs qui ont eu le courage de prendre position sur un sujet délicat, sans tomber dans le piège de la démagogie ou de la langue de bois !

Honda : le fer de lance

"Les positions ont beaucoup évolué au sein de la CSIAM", explique à Moto-Net.Com Pascal Delavenne, responsable du SAV chez Honda Motor Europe South. "Aujourd'hui tout le monde est d'accord, ce qui n'était pas le cas il y a un an. Mais il reste des points à préciser : les points sur lesquels devra porter le contrôle technique, le montant de la prestation et le lieu du contrôle. L'école de l'automobile souhaite que ce soit des centres de contrôle indépendants comme en automobile".

"Il est difficile d'admettre aujourd'hui que l'automobile soit soumise à un contrôle technique mais pas la moto", poursuit M. Delavenne : "il faudrait vérifier si les éléments de sécurité sont conformes, notamment ce qui touche à la visibilité et à l'éclairage : clignotants, feu de croisement et feu de route doivent correspondre à l'homologation. Je pense notamment aux mini-clignotants qui sont très peu visibles. Il y a aussi l'éclairage des plaques, même si c'est vrai que ça concerne plus les forces de police que la sécurité !"

"Il faudrait aussi contrôler le système de freinage (état des disques, usure des plaquettes, fixation des étriers), mais sans aller jusqu'à passer au banc de freinage, lourd à mettre en place".

"Le contrôle technique soulève aussi des problèmes de rentabilité, car cela représenterait des investissements importants. Le contrôle technique doit si possible se faire dans les concessions, car la moto c'est un métier difficile"...

"Je pense notamment au taux de remplissage des ateliers : ils sont pleins en été mais vides en hiver, ce qui explique que les concessions soient toujours en sous-effectifs. Le contrôle technique permettrait de (re)valoriser le métier de technicien moto, afin que les mécaniciens restent plus longtemps dans les réseaux. Le turn over est en effet beaucoup plus important en moto qu'en automobile : 10% des techniciens motos nous quittent chaque année, alors qu'ils ont été formés à la marque".

"Le contrôle technique pourrait être une solution à ce problème. Il faut intégrer la moto comme étant un vrai domaine économique qui fait travailler beaucoup de gens".

"C'est vrai qu'il y a encore débat sur les lieux du contrôle et sur ses modalités. Le contrôle technique pourrait être assuré par les professionnels de la moto, mais pas dans le cas des véhicules d'occasion leur appartenant suite à une reprise, par exemple. Car dans ce cas, ils auraient tendance à la déclarer apte sans effectuer les remises en état !"

"Il faut rassurer les consommateurs de deux-roues actuels qui sont moins expérimentés, notamment les utilisateurs de scooters et les "commuters" qui roulent aussi en moto".

"Une réunion a eu lieu au sein de la CSIAM via la CC2R à l'occasion du Mondial de Paris. Une autre est prévue, peut-être en février. Il n'y a pas encore de calendrier de travail au sein de la CSIAM, car on en est jute aux balbutiements. Je pense que les quatre Japonais sont sur la même longueur d'ondes, ce qui n'était pas le cas il y a un an".

"En Italie, le contrôle technique se pratique en concessions et dans des centres spécifiques, mais il concerne surtout les 50 cc. En Allemagne, il a lieu dans certaines concessions accréditées, avec un bon niveau d'équipement, et on mesure aussi la pollution. En Belgique, des unités mobiles contrôlent la vitesse des 50 cc".

"En France, le plus facile à faire pour les 50 cc serait de vérifier leur vitesse maxi, limitée à 45 km/h alors qu'on sait bien qu'ils sont tous débridés".

"Le CT ne sera pas pour 2008 car il reste de nombreux acteurs à mettre d'accord : les constructeurs et importateurs, la FFMC, le ministère des transports... A mon avis ce sera plutôt à l'horizon 2010, si on a réussi à trouver une voix commune sur la mise en place du contrôle technique".

"Parmi les points à régler, il reste les modalités - au bout de combien de temps, puis la fréquence, les prix, les points sur lesquels doit porter le contrôle technique et enfin le lieu du contrôle".

"Le parc moto moyen en France est plus récent que le parc automobile (environ 5 ans et demi si l'on se base sur les immatriculations annuelles, mais beaucoup de vieilles motos sont dans les garages et ne sortent que l'été)", poursuit M. Delavenne. "Le CT permettrait aussi de repérer les motos volées et maquillées qui sont en circulation"...

"Actuellement, tous les concessionnaires ne sont pas d'accord et ne voient pas l'intérêt du contrôle technique. L'avantage du contrôle technique n'est pas qu'ils gagneraient plus d'argent, c'est qu'ils conserveraient leurs clients ! Effectivement, les "vrais" motards purs et durs entretiennent bien leurs motos, ils ont des pneus en bon état, etc. C'est davantage les utilisateurs de scooters qui posent problème, par méconnaissance d'une part, mais aussi parce que la mécanique est cachée, moins accessible que sur une moto".

"C'est également l'occasion de montrer que le monde de la moto est aussi citoyen que celui de l'automobile, au moment où on dit souvent du mal de la moto. Il faut que le contrôle technique soit pratique et facile pour le motard, sans immobiliser son véhicule pendant toute la journée".

"Mais ça devient compliqué si on commence à parler du bruit... Les constructeurs vont se mettre d'accord pour ne pas modifier les échappements. Ces modifications peuvent remettre en cause la pérennité technique de la moto. Mais en Allemagne, les motards remettent leur pot d'origine juste pour aller passer le CT"...

"Le ministère des transports s'est mis en relation avec les constructeurs, donc il ne devrait pas passer une loi à la va-vite avant que l'on ait abouti à un accord de tous les acteurs", estime Pascal Delavenne. "Ils savent que pour beaucoup de gens, le deux-roues est leur seul moyen de transport et ils ne peuvent pas prendre le risque de voir des millions d'utilisateurs dans la rue !"

"C'est vrai que c'est une petite perte de liberté, ce qui est toujours compliqué dans la moto... Mais si on veut que la moto soit acceptée dans la circulation, il faut aussi montrer des bons côtés"...

Yamaha : il n'y a pas d'urgence

"C'est un sujet un peu délicat", explique à Moto-Net.Com Alexandre Kowalski, responsable de la communication chez le Yamaha Motor France. "Le contrôle technique moto paraît incontournable à plus ou moins long terme mais il n'y a pas d'urgence, Yamaha Motor France est en phase avec les constructeurs et la CSIAM".

"Sans vouloir attaquer les automobilistes, l'utilisateur de deux-roues est plus soigneux qu'un automobiliste", précise M. Kowalski. "Et au niveau de l'accidentologie, il n'y a pas de problèmes particuliers quant à l'entretien des deux-roues. Donc il n'y a pas d'urgence mais si ça devait se faire, il faudrait que ça se fasse directement chez les concessionnaires".

"La plupart des scooters et des motos sont en bon état. Tu es forcément plus soucieux de l'état de ta machine quand tu montes sur un deux-roues, tu ne peux pas jouer avec ça ! De moins en moins de gens font les révisions eux-mêmes, mais de plus en plus de témoins électroniques permettent d'attirer leur attention au moment d'aller faire une révision".

"Il y a actuellement un accord des acteurs du monde de la moto pour dire que ce n'est pas pressé, qu'il n'existe pas de chiffres probants en accidentologie et que si ça se fait, il faut que ce soit dans les réseaux car il n'existe pas de centres indépendants. Si le contrôle technique moto est adopté, le problème du bruit sera incontournable et il faudra être intransigeant".

Suzuki : le législateur doit conserver à l'esprit
la spécificité de la moto

"Le problème est épineux", confirme de son côté Pierre Laurent Feriti, responsable de la communication chez Suzuki France. "Si l'on se réfère à ce qui se passe en Europe, l'instauration d'un contrôle technique moto semble inéluctable. Il ne s'agit donc pas d'être favorable ou non, mais de faire en sorte que ce CT soit utile".

"Effectivement, même si de nombreuses autres mesures nous semblent plus efficaces, si le contrôle technique est mis en place à des seuls buts d'amélioration de la sécurité, Suzuki France ne peut être qu'en sa faveur. Le législateur doit conserver à l'esprit la spécificité de la moto : nombre de motos sont personnalisées, ce qui nous impose d'être vigilants quant à la nature même du contrôle technique. Que doit-on contrôler ? La conformité ou la sécurité ?"

"Le parc moto est bien moindre que le parc automobile et cela impose un mode de distribution différent de celui que l'on connaît actuellement. Les centres de contrôle technique ne sont pas équipés pour procéder aujourd'hui à des contrôle technique moto".

"Par ailleurs, aujourd'hui nous ne connaissons pas la fréquence des contrôles, les points de contrôles et qui sera en charge d'effectuer les contrôles. Si contrôle technique il y a, il est impératif que les constructeurs participent à la définition de celui-ci".

Enfin, pour les autres constructeurs interrogés par Moto-Net.Com, le silence est d'or...

CSIAM : il y a des sujets plus importants !

Thierry Archambault, nouveau délégué général de la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle (CSIAM), nous précise que la CSIAM n'a pas encore de position officielle, car "la CSIAM se positionne lorsqu'on lui soumet un projet de réglementation, ce qui n'est pas le cas actuellement".

"Le contrôle technique pourrait être opportun pour le débridage des cyclos, à condition qu'il soit effectué dans le réseau", poursuit M. Archambault, "mais le contrôle technique moto ne nous paraît pas devoir s'imposer du fait de la spécificité du produit : les motards sont beaucoup plus sensibles à l'état de leur moto que les automobilistes ne le sont pour leur voiture. Sur une moto, on remarque facilement un problème et les motards vont immédiatement le faire réparer, car ils n'ont pas de carrosserie pour les protéger en cas d'accident. De plus, les études d'accidentologie ne semblent pas mettre en évidence de causes liées à l'état du véhicule".

"S'il doit y avoir un contrôle technique, pourquoi pas. Mais il doit être effectué dans le réseau pour être supportable économiquement pas les usagers. On pourrait même imaginer que le contrôle soit assuré gratuitement, si le réseau peut se rattraper en effectuant les réparations nécessaires. Mais ce n'est pas urgent, il y a des sujets plus importants ! Quand on voit l'usine à gaz qu'a nécessitée le contrôle technique automobile et les coûts engendrés, ce n'est pas évident de l'appliquer à la moto"...

FFMC : une affaire de gros sous...

La Fédération française des motards en colère (FFMC) entrevoit déjà l'obligation de payer "la facture d'une maladie imaginaire". L'association "appelle les motards à se préparer à une forte mobilisation sur ce dossier qui instaurerait une dîme supplémentaire et injustifiée sur leur mode de transport". Elle s'apprête en outre à coordonner, par le biais de son réseau d'antennes départementales, "la rencontre de députés soucieux de répondre aux attentes des citoyens qu'ils représentent" et réaffirme clairement son opposition au contrôle technique moto, "manifestation ultime d'un Etat qui infantilise les usagers de la route tout en leur présentant la facture du traitement inutile d'une maladie imaginaire".

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"Il est difficile d'admettre aujourd'hui que l'automobile soit soumise à un contrôle technique mais pas la moto ", estime M. Delavenne. "Il est aussi difficile d'admettre le bridage de la moto et pas de l'automobile!!!.

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